Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté n° ARS-SE 2019.39 du 5 juillet 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a mis en demeure, dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêté, de faire cesser, sur le fondement de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, l'habitation du local, lot n° 135, dont il est propriétaire situé au rez-de-chaussée du bâtiment n° 2 de la résidence du Parc de Saint-Cloud, 1, rue des Marnes à Ville-d'Avray (92410) et l'a informé de son obligation de reloger son occupant actuel, d'autre part, de condamner l'État à lui verser, dans un délai de deux mois, la somme de 600 euros par mois à compter du 5 juillet 2019 et jusqu'à trois mois après l'intervention du jugement à intervenir, assortie des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 2003084 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. B..., représenté par Me Charvin, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est fondé sur un rapport de l'agence régionale de santé entaché d'erreurs de fait s'agissant du numéro de lot, de la superficie du local, de son taux d'enfouissement, de la hauteur de la fenêtre par rapport au sol, de l'installation électrique et de la description des sanitaires communs, de nature à induire en erreur l'autorité administrative sur l'habitabilité des lieux ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que son local n'est pas impropre à l'habitation ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'arrêté du 24 mars 1982 relatif à l'aération des logements n'est pas applicable au local, construit antérieurement à cette législation et que les textes n'exigent pas la présence d'un système de ventilation spécifique lorsque la fenêtre du logement permet une bonne ventilation ;
- l'arrêté attaqué, qui impose de reloger l'occupant dans un délai d'un mois, est disproportionné dès lors que le rapport de l'agence régionale de santé ne fait état d'aucun danger immédiat pour la santé de l'occupant ;
- la qualification de local " par nature impropre à sa destination " est manifestement excessive dès lors qu'il peut y être remédié par l'installation d'un système de ventilation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.
Par ordonnance de la présidente de la 5ème chambre du 14 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 décembre 2024 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par un courrier du 18 décembre 2024, la cour a sollicité de M. B..., en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la production de tout élément permettant d'établir la réalisation des travaux de ventilation, pour lesquels seuls des devis non signés ont été produits.
Par un mémoire enregistré le 5 janvier 2025, non communiqué, M. B... a précisé qu'il n'avait pas réalisé ces travaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florent,
- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,
- et les observations de Me Charvin, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est propriétaire du lot n° 135 situé au premier sous-sol du bâtiment n° 2 de la résidence du parc de Saint-Cloud située 1, rue des Marnes, à Ville-d'Avray (92410). A la suite de la transmission du rapport de visite établi par l'agence régionale de santé d'Ile-de-France le 29 janvier 2019 qualifiant le logement d'impropre à l'habitation, le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 5 juillet 2019, mis en demeure M. B... de faire cesser l'habitation de ce local dans un délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêté et lui a enjoint de reloger l'occupant actuel. M. B... relève appel du jugement du 9 juin 2023 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. / Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés. ".
3. Lorsque les mentions relatives au délai de recours contre une décision administrative figurant dans la notification de cette décision sont erronées, elles doivent être regardées comme seules opposables au destinataire de la décision lorsqu'elles conduisent à indiquer un délai plus long que celui qui résulterait des dispositions normalement applicables. Par conséquent, une erreur sur le délai de naissance d'une décision implicite a pour effet de prolonger le délai de recours contentieux, mais sans faire obstacle à ce que ce délai coure.
4. Il résulte de l'instruction que l'arrêté en litige, notifié à M. B... le 18 juillet 2019, indique de manière erronée qu'une décision implicite de rejet d'un recours hiérarchique naît à l'expiration d'un délai de quatre mois. Le requérant a présenté, le 17 septembre 2019, soit dans le délai de recours contentieux, un recours hiérarchique, auquel l'administration n'a pas répondu. Dans ces conditions, la requête de M. B..., enregistrée le 12 mars 2020 au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, soit dans les deux mois suivant un délai de quatre mois à compter de la réception de son recours hiérarchique, ne peut être regardée comme tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Hauts-de-Seine en première instance doit être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d'habitation, au fur et à mesure de leur évacuation. (...) Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office. ". Le recours dont dispose le propriétaire ou le locataire d'un immeuble contre la décision par laquelle l'autorité préfectorale déclare le logement impropre à l'habitation, en application de ces dispositions, est un recours de plein contentieux. Il appartient par suite au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle il statue.
6. Aux termes par ailleurs de l'article 40-1 du règlement sanitaire départemental des Hauts-de-Seine : " Les pièces principales et les chambres isolées doivent être munies d'ouvertures donnant à l'air libre et présentant une section ouvrante permettant une aération satisfaisante. / a) pièce de service possédant un ouvrant donnant sur l'extérieur ; ces pièces doivent être équipées d'un orifice d'évacuation d'air vicié en partie haute. En sus, les cuisines doivent posséder une amenée d'air frais en partie basse. / (...) L'évacuation de l'air vicié doit s'effectuer en partie haute, soit par gaine verticale, soit par gaine horizontale à extraction mécanique conforme à la réglementation en vigueur. " La méconnaissance d'une disposition du règlement sanitaire départemental n'est pas de nature, à elle seule, à justifier la qualification de local impropre par nature à l'habitation. En revanche, il est loisible au juge, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté déclarant un local impropre à l'habitation sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, de prendre en compte, pour déterminer si ce local présente un tel caractère, tous éléments de fait, y compris ceux susceptibles de constituer des non-conformités aux règles d'habitabilité édictées par le règlement sanitaire départemental.
7. Pour considérer que le local en litige était impropre à l'habitation, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les circonstances que, d'une part, ce local était désigné comme " lingerie " dans le règlement de copropriété de l'immeuble, d'autre part, il ne comportait pas de système de ventilation approprié à l'habitation et, enfin, il présentait un enfouissement à 38 % de sa hauteur sous plafond. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'état descriptif de division des lots en date du 25 mars 1965 et des photographies produites au dossier, que le bien en litige, constitué d'une seule pièce de 12,31 m², présentant une hauteur sous plafond de 2,65 m et disposant par ailleurs de douches et sanitaires communs, comporte une fenêtre à double battant donnant à l'air libre. Si le logement, qui comporte des plaques de cuisson, un lavabo ainsi qu'une cabine de douche, n'est pas doté d'un dispositif d'évacuation de l'air vicié situé en partie haute et d'une amenée d'air frais en partie basse, d'une part, il comporte une double fenêtre permettant d'aérer la pièce, d'autre part, le requérant produit, pour la première fois en appel, deux devis démontrant la possibilité technique d'une mise en conformité du local pour un coût raisonnable. En outre, la circonstance que le local en cause est enfoui sur l'une de ses deux façades d'environ 1 m ne constitue pas, par elle-même, une caractéristique de nature à faire regarder le local de M. B... comme impropre à l'habitation, alors notamment qu'il résulte du rapport de l'agence régionale de santé que le bien dispose d'un éclairage naturel suffisant et qu'aucun problème d'humidité n'a été relevé. Enfin, la seule qualification de lingerie par le règlement de copropriété, lequel date du 25 mai 1965, ne suffit pas à faire regarder le local du requérant comme étant par nature impropre à l'habitation. Dans ces conditions, l'arrêté du 5 juillet 2019 mettant en demeure M. B... de faire cesser l'habitation de son local dans le délai d'un mois méconnaît les dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et doit être annulé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les frais de l'instance :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Hauts-de-Seine est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2003084 du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Florent, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
La rapporteure,
J. FLORENT
La présidente,
C. SIGNERIN-ICRE
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE01826 2