Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 6 décembre 2024.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code du patrimoine,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Poiré, représentant la commune de Bailly,
- et les observations de Me Repeta, représentant la société Bailly Résidence des Lys.
Considérant ce qui suit :
1. Le 11 mai 2022, la société Bailly Résidence des Lys a déposé auprès de la commune de Bailly une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une résidence de quarante-six logements et deux niveaux de parcs de stationnement, située 20-24, rue de Maule, à Bailly. Le terrain d'implantation étant située dans le périmètre protégé au titre des abords des domaines de Versailles et de Trianon, l'architecte des Bâtiments de France a émis un avis défavorable au projet le 1er juin 2022, estimant notamment que le projet était trop dense, artificialisant la majorité du terrain, alors qu'existait en cœur d'îlot un jardin et un patrimoine arboré, et qu'il était ainsi de nature à porter atteinte à la conservation et à la mise en valeur desdits domaines. Par un arrêté du 21 juin 2022, le maire de la commune de Bailly a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. La société pétitionnaire a contesté l'avis de l'architecte des Bâtiments de France auprès du préfet de région, recours qui a été implicitement rejeté le 12 novembre 2022. Elle a également formé un recours gracieux auprès du maire de la commune de Bailly, rejeté par un courrier du 20 octobre 2022. La société Bailly Résidence des Lys a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 21 juin 2022 ainsi que les décisions des 12 novembre 2022 et 20 octobre 2022 rejetant ses recours. Par un jugement du 5 octobre 2023 dont la commune de Bailly et la ministre de la culture demandent l'annulation, ce tribunal a annulé l'arrêté du maire de la commune de Bailly du 21 juin 2022 ainsi que la décision du 20 octobre 2022 rejetant le recours gracieux de la société pétitionnaire, et a enjoint au maire de la commune de Bailly de réexaminer la demande de permis de construire de cette dernière dans le délai de deux mois.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Selon le premier alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, les constructions doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. L'article L. 424-1 de ce code dispose : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...) ". Aux termes de l'article L. 424-3 du même code : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...) ". Et aux termes de l'article L. 600-4-1 dudit code : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".
3. Une décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir en raison de son illégalité interne, réserve faite du détournement de pouvoir, que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. En outre, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif saisi doit, lorsqu'il annule une telle décision de refus, se prononcer sur l'ensemble des moyens de la demande qu'il estime susceptibles de fonder cette annulation, qu'ils portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision. En revanche, lorsqu'il juge que l'un ou certains seulement des motifs de la décision de refus en litige sont de nature à la justifier légalement, le tribunal administratif peut rejeter la demande tendant à son annulation sans être tenu de se prononcer sur les moyens de cette demande qui ne se rapportent pas à la légalité de ces motifs de refus.
4. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut, sans méconnaître les dispositions citées au point 2, rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.
En ce qui concerne les motifs de refus de permis de construire :
5. D'une part, pour refuser, par l'arrêté litigieux du 21 juin 2022, la demande de permis de construire présentée par la société Bailly Résidence des Lys, le maire de la commune de Bailly s'est fondé sur " l'incidence urbaine du projet dans l'espace protégé ", après avoir visé l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France du 1er juin 2022, dont il a repris les éléments, relatifs à l'atteinte portée par la construction envisagée à la conservation et à la mise en valeur des abords des domaines classés de Versailles et de Trianon, du fait notamment de sa densité et de son gabarit.
6. D'autre part, au cours de l'instance devant le tribunal, la commune de Bailly a soutenu que le refus de permis de construire était également justifié par la méconnaissance par le projet des dispositions de l'article UA 6 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des constructions, de l'article UA 11 du même règlement relatives aux toitures et à l'intégration dans le paysage urbain ainsi que de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, de l'article UA 12 dudit règlement relatives aux places de stationnement, de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UA 3 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de l'accès des services de secours au bâtiment situé en cœur d'îlot, de l'article UA 7 du même règlement relatives au retrait des constructions et enfin de l'article UA 13 de ce règlement relatives aux plantations dans les espaces libres non bâtis.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme :
7. Aux termes de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bailly : " Par rapport aux autres limites séparatives, les constructions seront implantées sur la limite ou en retrait. / En cas de retrait, la marge de reculement est définie comme suit : / elle sera au moins égale à 4 mètres si la façade de la construction comporte des ouvertures (...) ". Par ailleurs, le lexique de ce règlement définit la marge de recul dans les termes suivants : " Il s'agit de la distance séparant la construction des limites séparatives. Cette marge fixée par le règlement se calcule par rapport soit au mur de façade, soit à l'aplomb des saillies. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la façade nord du bâtiment dont l'implantation est prévue en cœur d'îlot, au fond du terrain d'assiette, se situera en retrait de 4,02 mètres par rapport à la limite séparative. Toutefois, cette façade comprend un balcon en R+1 dont toute la largeur empiète sur la marge de recul. Eu égard à la définition précitée de la marge de recul, qui prévoit notamment que la marge doit être calculée par rapport à l'aplomb des saillies lorsqu'elles existent, la marge de retrait sera inférieure à 4 mètres. Par suite, comme l'ont relevé les premiers juges, le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 7 du règlement du plan local d'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article UA 13 du règlement du plan local d'urbanisme :
9. Aux termes de l'article UA 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bailly : " (...) Les espaces libres non bâtis et non occupés par des aires de stationnement ou d'aires de jeux et de loisirs seront plantés sur 70 % minimum de leur superficie, à raison d'au moins un arbre pour 75 m² de la superficie. / Au moins 20 % de la surface du terrain seront traités en espaces verts de pleine terre. (...) ".
10. Il ressort des termes de la notice architecturale du projet que les espaces libres non bâtis et non occupés par des aires de stationnement représentent 924 mètres carrés. Or, les dispositions précitées de l'article UA 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Bailly imposent la plantation d'au moins un arbre pour 75 mètres carrés de cette superficie, ce qui correspond à treize arbres. Dès lors qu'il ne prévoit la plantation que de neuf arbres, principalement situés au sud du terrain, le projet méconnaît les dispositions de l'article UA 13 de ce règlement.
En ce qui concerne les conséquences des absences de conformité du projet :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire (...) ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 424-1 de ce code : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable ".
12. Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'autorité administrative compétente en matière d'autorisations d'urbanisme de s'assurer de la conformité des projets qui lui sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 et de n'autoriser, sous le contrôle du juge, que des projets conformes à ces dispositions.
13. L'autorité administrative compétente dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté d'accorder le permis de construire ou de ne pas s'opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
14. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir de ce que l'autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales.
15. En l'espèce, le projet présenté par la société Bailly Résidence des Lys est affecté, comme il a été exposé aux points 7 à 10 du présent arrêt, d'absences de conformité aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que maire de la commune de Bailly, qui n'était pas tenu d'accorder l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales, et qui, devant le juge, se prévaut de ces vices pour justifier le refus de permis de construire, aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur la seule méconnaissance par le projet des dispositions des articles UA 7 et UA 13 du règlement du plan local d'urbanisme.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité et au bien-fondé du jugement attaqué, que la commune de Bailly est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Versailles a fait droit aux conclusions de la société Bailly Résidence des Lys tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2022 refusant de lui délivrer un permis de construire, et que l'ensemble des conclusions de cette société présentées devant le tribunal doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bailly, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société Bailly Résidence des Lys au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Bailly sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2209522 du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de la société Bailly Résidence des Lys ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : La société Bailly Résidence des Lys versera la somme de 2 000 euros à la commune de Bailly en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bailly, à la société Bailly Résidence des Lys et à la ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Aventino, première conseillère,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La présidente rapporteure,
G. MornetL'assesseure la plus ancienne,
B. Aventino
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE02636