Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2213110 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 décembre 2023 et le 5 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Lemichel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2022 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait et a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-1 à L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'une communauté de vie avec son épouse, qui n'a jamais cessé depuis leur mariage ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2024, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- et les observations de Me Frydryszak pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er février 1981, qui déclare être entré en France en janvier 2016, a bénéficié d'un premier titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui lui a été délivré le 23 mars 2018, puis a été renouvelé deux fois, jusqu'au 30 septembre 2021. Par un arrêté du 20 juillet 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé le renouvellement du titre de séjour de M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement n° 2213110 du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 20 juillet 2022.
Sur la légalité de la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 12 juin 2020, le tribunal correctionnel de Cambrai a condamné M. A... à une peine de six mois d'emprisonnement et à une amende douanière de 27 167 euros pour des faits, commis le 10 juin 2020, de transport de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiant) sans document justificatif régulier (fait réputé d'importation en contrebande), de détention non autorisée de stupéfiants, de transport non autorisé de stupéfiants, de détention de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiant) sans document justificatif régulier (fait réputé d'importation en contrebande), et enfin d'importation non autorisée de stupéfiants (trafic). Si M. A... soutient qu'il " n'a jamais fait partie d'un trafic de stupéfiant et qu'il s'est contenté de transporter le colis d'un ami dont il ignorait le contenu entre la France et la Belgique ", une telle assertion n'est assortie d'aucune précision ni du moindre élément probant. De même, la circonstance que la peine d'emprisonnement a été convertie en travail d'intérêt général de 210 heures par une ordonnance du 8 avril 2021 du juge d'application des peines du tribunal judiciaire de Nanterre n'est pas de nature à remettre en cause la réalité et la nature des faits reprochés à M. A..., ni à en minorer la gravité. Ainsi, et même si ces faits sont les seuls reprochés à M. A... par le préfet des Hauts-de-Seine, ce dernier n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. A... en France était constitutive d'une menace à l'ordre public et en refusant pour ce motif le renouvellement de son titre de séjour, en application des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française (...) ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an ". Enfin, l'article L. 423-3 de ce même code prévoit que : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. / Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a épousé une ressortissante française le 25 février 2017. Il soutient que les motifs de l'arrêté attaqué sont entachés d'erreur de fait dès lors que la communauté de vie avec son épouse n'a jamais cessé. Pourtant, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 4 novembre 2021, spontanément adressé au préfet des Hauts-de-Seine, l'épouse de M. A... a indiqué vivre avec sa fille un " calvaire émotionnel ", être " une femme trompée " et " humiliée ", que M. A... " ne veut pas travailler " mais seulement bénéficier " des aides de l'État ", que c'est elle qui " paie toutes les charges de la maison ", et que M. A... " n'est jamais en France ". Dans ce même courrier, Mme A... a expressément demandé au préfet de ne pas faire droit à la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A.... Elle a également demandé le divorce par assignation reçue le 16 novembre 2021. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a renoncé à cette procédure de divorce et a présenté des conclusions en désistement enregistrées par le tribunal de grande instance de Nanterre le 16 mars 2022, ce seul élément ne permet pas d'établir que la communauté de vie du couple a effectivement repris avant l'édiction de l'arrêté attaqué. De même, l'attestation de vie commune établie par l'épouse de M. A... le 5 octobre 2022, plusieurs mois après l'arrêté en litige, est rédigée en des termes trop peu circonstanciés pour établir, alors qu'elle contredit les démarches et déclarations spontanées précitées, que la vie commune du couple n'a jamais été interrompue. Il en est de même de l'attestation du 18 novembre 2022 par laquelle l'épouse de M. A... indique revenir sur ses précédentes déclarations, et affirme qu'elle et M. A... sont " actuellement en couple ". Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait, et aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 421-1 à L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait présenté sa demande de renouvellement de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait en conséquence utilement soutenir que la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions. Un tel moyen doit en conséquence être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Ainsi qu'il a été relevé au point 5 du présent arrêt, si M. A... est marié depuis 2017 avec une ressortissante française, il ne justifie pas de l'effectivité de leur vie commune durant plusieurs mois précédant l'arrêté attaqué. Il ne saurait en outre utilement se prévaloir de la naissance de leur fille, le 22 janvier 2024, à une date bien postérieure à l'arrêté attaqué. Il est par ailleurs constant que M. A... est père de deux enfants nés d'une précédente union, qui vivent chez leur mère en Belgique. M. A... n'allègue pas qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. Ainsi, et alors que le requérant ne se prévaut pas d'autres attaches personnelles en France, ni ne justifie d'une intégration significative à la société française, la décision par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son titre de séjour n'a pas porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En dernier lieu, il ne résulte pas des faits précédemment décrits que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
Sur la légalité des décisions obligeant M. A... à quitter le territoire français et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 2 à 9 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an seraient illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour doit être écarté.
11. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
12. Ainsi qu'il a été relevé au point 3 du présent arrêt, la présence de M. A... en France représente une menace pour l'ordre public. En outre, à la date de l'arrêté attaqué, M. A... ne justifie pas de l'effectivité d'une vie commune avec son épouse de nationalité française. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et que ses deux enfants nés d'une précédente union vivent en Belgique. Au regard de ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an serait entachée d'une erreur d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'avocat de M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
H. CozicLa présidente,
G. Mornet
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23VE02658