Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 13 janvier 2020, notifiée le 21 janvier 2020, par laquelle le maire de la commune de Montrouge a renouvelé, à titre conservatoire, son congé de longue maladie à compter du 4 janvier 2020, d'enjoindre à ladite commune de reconstituer sa carrière en conséquence, et de condamner la commune de Montrouge à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 2003565 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 5 décembre 2023 et le 23 mars 2025, Mme B... A..., représentée par Me Gannat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 13 janvier 2020, notifiée le 21 janvier 2020, par laquelle le maire de la commune de Montrouge a renouvelé, à titre conservatoire, son congé de longue maladie à compter du 4 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Montrouge de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner la commune de Montrouge à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation des préjudices subis ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Montrouge la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement en litige est entaché d'une erreur de droit ;
- la décision du 13 janvier 2020 de prolongation de son congé de longue maladie a été prise en méconnaissance du principe général du droit imposant à l'employeur une obligation de reclassement des agents reconnus physiquement inaptes à leurs fonctions ; en particulier la commune ne démontre pas avoir effectivement recherché un poste équivalent à lui proposer, après le constat de son inaptitude physique à occuper son précédent emploi ; elle ne pouvait plus être maintenue dans cette même position, à titre conservatoire, postérieurement à l'avis rendu par le comité médical sur son état de santé ;
- cette décision illégale l'a privée de la possibilité de bénéficier d'un traitement intégral correspondant à ses nouvelles fonctions, et de compléments de rémunération ; l'illégalité fautive entachant cette décision lui a causé un préjudice à hauteur de 6 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2025, la commune de Montrouge, représentée par Me Supplisson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 mars 2025.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., adjointe technique territoriale titulaire depuis 2004, employée au service enfance de la commune de Montrouge, a été placée en congé de longue maladie à compter du 4 janvier 2018 par un arrêté du 24 mai 2018 du maire de la commune de Montrouge. Ce congé de longue maladie a été prolongé par plusieurs arrêtés successifs, pour une durée totale de vingt-quatre mois, jusqu'au 3 janvier 2020 inclus. À la suite d'un avis du 12 décembre 2019 du comité médical du centre interdépartemental de gestion de la petite couronne, le maire de la commune de Montrouge a, par un arrêté du 13 janvier 2020, " prolongé à titre conservatoire " le congé de longue maladie de Mme A..., à compter du 4 janvier 2020, " dans l'attente de l'étude de poste à effectuer pour affecter l'intéressée sur un poste adapté à son état de santé ". Par un courrier du 29 janvier 2020, Mme A... a formé un recours gracieux contre cet arrêté. Elle fait appel du jugement n° 2003565 du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2020, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Montrouge de reconstituer sa carrière, et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de droit qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 81 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version alors en vigueur, applicable au présent litige : " Le fonctionnaire territorial reconnu, par suite d'altération de son état de santé, inapte à l'exercice de ses fonctions peut être reclassé dans un emploi d'un autre cadre d'emplois ou d'un autre corps ou dans un autre emploi, en priorité dans son administration d'origine ou à défaut dans toute administration ou établissement public mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, s'il a été déclaré en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. Par dérogation, la procédure de reclassement peut être engagée en l'absence de demande de l'intéressé. Ce dernier dispose, en ce cas, de voies de recours. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque l'état de santé d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. / L'autorité territoriale procède à cette affectation après avis du service de médecine professionnelle et de prévention, dans l'hypothèse où l'état de ce fonctionnaire n'a pas rendu nécessaire l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical si un tel congé a été accordé. Cette affectation est prononcée sur proposition du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion lorsque la collectivité ou l'établissement y est affilié. ". Aux termes de l'article 3 du même décret, dans sa version applicable au présent litige : " Le fonctionnaire territorial qui a présenté une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois se voit proposer par l'autorité territoriale, le président du Centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'autorité territoriale, le président du Centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, de proposer de tels emplois fait l'objet d'une décision motivée. (...) Les dispositions statutaires qui fixent des conditions limitatives de détachement ne peuvent pas être opposées à l'intéressé. (...) La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent. (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps.
5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de sa réunion du 12 décembre 2019, le comité médical du centre interdépartemental de gestion de la petite couronne a rendu un avis favorable à la prolongation du congé de longue durée maladie de Mme A... pour six mois supplémentaires, à compter du 4 juillet 2019, à l'inaptitude définitive de l'intéressée aux fonctions d'agent technique polyvalent, à son aptitude à une reprise anticipée des fonctions " dès notification par l'employeur ", avec changement d'affectation, sans port de charge et déplacement limité, et à temps partiel thérapeutique à hauteur de 50 % pour trois mois. Le même avis précise que " si le changement d'affectation est insuffisant ou impossible à mettre en œuvre, il faudra prévoir un reclassement ".
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation médicale de Mme A... impliquait, à la date de l'arrêté attaqué, que la procédure de reclassement prévue à l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 soit engagée. Il ressort au contraire des termes de l'avis précité, que l'état de santé de l'intéressée impliquait seulement pour la commune de Montrouge qu'elle recherche si Mme A... pouvait être affectée dans des fonctions autres que celles qu'elle occupait jusqu'alors, mais relevant toujours du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux. Par suite, la requérante ne saurait utilement soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance de l'obligation de reclassement des agents publics, résultant d'un principe général du droit, ou en méconnaissance des dispositions de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984.
7. En second lieu, aux termes de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version alors en vigueur, applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an droit à congé maladie ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) ". Le même article prévoit que " A l'expiration de ces congés, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. ". Aux termes de l'article 31 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au présent litige : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. (...) ". Aux termes de l'article 32 du même décret : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. / Si, au vu des avis prévus ci-dessus, le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou, s'il était au terme d'une période, est renouvelé. (...) ". Aux termes de l'article 33 du même décret : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative. / (...) Si l'intéressé bénéficie d'un aménagement des conditions de son travail, le comité médical, après avis du service de médecine professionnelle et préventive, est appelé de nouveau, à l'expiration de périodes successives d'une durée comprise entre trois et six mois, à formuler des recommandations auprès de l'autorité territoriale sur l'opportunité du maintien ou de la modification de ces aménagements. (...) ". Enfin, l'article 35 de ce même décret précise que : " Le fonctionnaire territorial qui, à l'expiration d'un congé de longue maladie ou de longue durée, refuse le poste qui lui est assigné, sans justifier d'un motif valable lié à son état de santé, peut être licencié après avis de la commission paritaire ".
8. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le comité médical compétent déclare qu'un fonctionnaire territorial bénéficiant d'un congé de longue maladie ou de longue durée est apte à reprendre ses fonctions à condition que son poste soit adapté à son état physique, il appartient à l'autorité territoriale de rechercher si un poste ainsi adapté peut être proposé au fonctionnaire. Si l'autorité territoriale ne peut pas lui proposer un tel poste, le congé se poursuit ou est renouvelé, jusqu'à ce que le fonctionnaire ait épuisé ses droits à congé pour raison de maladie ou ait été déclaré définitivement inapte à exercer ses fonctions.
9. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical du centre interdépartemental de gestion de la petite couronne a, dans son avis du 12 décembre 2019, reconnu Mme A... définitivement inapte aux fonctions d'agent technique polyvalent et a recommandé son changement d'affectation sur un emploi adapté. Au regard des termes de cet avis, Mme A... ne pouvait simplement reprendre les fonctions qu'elle exerçait avant son placement en congé maladie mais devait être affectée sur un nouvel emploi. Cette nouvelle affectation impliquait que la commune de Montrouge effectue une recherche d'emplois disponibles susceptibles d'être adaptés à l'état de santé de Mme A... et qu'en l'attente, cette dernière soit placée dans une position régulière.
10. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir reçu l'avis du comité médical du 12 décembre 2019, la direction des ressources humaines de la commune de Montrouge a adressé un courriel à Mme A..., dès le 3 janvier 2020, informant cette dernière de ce que la commune devait désormais effectuer un recensement, afin de proposer à l'intéressée un poste adapté à son état de santé. Ce courriel rappelait également, ce qui n'est pas contesté par la requérante dans ses écritures, que la commune avait auparavant tenté, en 2018, d'anticiper un changement d'affectation de l'intéressée, " voire un reclassement ", en invitant Mme A... à venir échanger avec les services de la ville sur les conditions et modalités de reprise pouvant être envisagées, et à passer des " tests de positionnement ", et que quatre rendez-vous lui avaient été proposés, le 11 juin 2018, le 14 décembre 2018, le 14 mai 2019 et le 13 décembre 2019, que l'intéressée a déclinés, au motif que son état de santé ne lui permettait pas de se déplacer. Postérieurement à l'arrêté en litige, un entretien a été organisé par les services de la commune le 5 février 2020 pour échanger avec Mme A... sur les possibilités d'une reprise d'activité. À cette occasion, l'affectation sur un poste d'agent d'entretien et d'accueil à la maison des associations de la ville, relevant du cadre d'emplois de Mme A... et compatible avec les préconisations médicales formulées par le comité médical, a été proposée à cette dernière, en vue d'une reprise de fonctions effective dès le 2 mars 2020.
11. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un poste adapté à la situation médicale de Mme A... pouvait, à la date de l'avis du comité médical interdépartemental et de l'arrêté en litige, être immédiatement proposé à l'intéressée, le maire de la commune de Montrouge a pu, sans entacher sa décision d'une illégalité, prononcer, par arrêté du 13 janvier 2020, le renouvellement du congé longue maladie de Mme A..., dans l'attente de trouver un poste adapté à son état de santé.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
12. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune de Montrouge du 13 janvier 2020 prolongeant, " à titre conservatoire ", le congé de longue maladie de Mme A... devant être rejetées, les conclusions indemnitaires présentées par la requérante, fondées sur la responsabilité pour faute de la commune du fait de l'illégalité entachant cette décision, doivent être rejetées par voie de conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.
Sur les frais de justice :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montrouge, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Montrouge et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune de Montrouge la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Mme B... A... et à la commune de Montrouge.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
H. CozicLa présidente,
G. Mornet
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE02659