Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Biogaz du Pays de France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un permis de construire pour une unité de méthanisation de 250 mètres cubes normaux par heure (Nm3/h) en injection de biométhane dans le réseau de distribution de " Gaz réseau distribution France " (GRDF), sur une parcelle cadastrée section V numéro 6, située lieu-dit " la voie qui faut " à Mesnil-Aubry (95 720).
Par un jugement n° 2214888 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 septembre 2023 et le 28 novembre 2024, la société Biogaz du Pays de France, représentée par Me Bodart, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnait l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme dès lors que les services consultés ont rendu leur avis sur la base d'un dossier de demande incomplet ;
- il est contraire à l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dès lors que le préfet disposait des éléments lui permettant d'exiger du bénéficiaire de l'autorisation, par le biais d'une participation pour équipement public exceptionnel, le financement de l'extension du réseau électrique nécessaire ;
- il méconnait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que les chemins d'accès au site sont adaptés à la circulation des poids lourds et des véhicules de secours.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention enregistrés les 11 et 13 août 2024, la commune d'Attainville, représentée par Me Le Briero, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- son intervention est recevable ;
- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par des mémoires en intervention enregistrés les 11 août et 6 décembre 2024, la commune de Mesnil-Aubry, représentée par Me Le Briero, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- son intervention est recevable ;
- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2025 en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Guilbeau pour la société Biogaz du Pays de France et de Me Le Briero pour les communes du Mesnil-Aubry et d'Attainville.
Une note en délibéré, présentée pour la société Biogaz du Pays de France, a été enregistrée le 23 mai 2025.
Une note en délibéré, présentée pour la commune d'Attainville, a été enregistrée le 27 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La société Biogaz du Pays de France a déposé le 11 février 2022 une demande de permis de construire une unité de méthanisation de 250 Nm3/h en injection de biométhane dans le réseau de distribution GRDF, sur un terrain situé lieudit " La voie qui faut " à Le Mesnil-Aubry (Val-d'Oise), pour une surface de plancher créée de 2 538 mètres carrés. En parallèle, elle a déposé une demande d'enregistrement de cette unité au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 7 septembre 2022, refusé de faire droit à la demande de permis de construire. La société Biogaz du Pays de France demande à la cour d'annuler le jugement n° 2214888 du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité des interventions :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. / Les dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV relatif à la transmission des requêtes par voie électronique sont applicables aux interventions. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention ". Est recevable à former une intervention, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.
3. Les communes d'Attainville et de Mesnil-Aubry, sur le territoire desquelles sont situés le terrain d'assiette et les voies d'accès du projet de construction d'une unité de méthanisation de la société requérante, disposent de ce fait d'un intérêt au maintien de l'arrêté attaqué. Leurs interventions sont donc recevables.
Sur la légalité de l'arrêté de refus du préfet du Val-d'Oise du 7 février 2022 :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que les avis de l'agence régionale de santé, d'Enedis, du syndicat intercommunal d'assainissement hydraulique (SIAH), du service d'incendie et de secours, de l'architecte des bâtiments de France et de la commune de Mesnil-Aubry ont été recueillis après transmission du dossier de demande de permis initial, avant que ce dossier ne soit complété, le 9 mai 2022, à la suite d'une demande du service instructeur. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les compléments ainsi apportés, portant notamment sur des plans supplémentaires des installations ainsi que des précisions sur le projet, auraient été de nature à modifier les avis recueillis, notamment l'avis défavorable de la commune de Mesnil-Aubry, qui a pu prendre connaissance dans le dossier de demande initial des itinéraires et des rotations des engins nécessaires à l'exploitation et apprécier ainsi la capacité des chemins communaux à desservir le terrain d'assiette. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, notamment relative aux communications électroniques, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. (...) ".
7. Lorsqu'un pétitionnaire s'est engagé à prendre en charge le coût de travaux d'extension ou de renforcement du réseau de distribution d'électricité rendus nécessaires par l'implantation d'une installation à caractère agricole et que ces travaux peuvent être légalement mis à sa charge en application des dispositions de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, l'autorisation de construire l'infrastructure ne peut pas être refusée sur le fondement de l'article L. 111-11 du même code, sauf à ce qu'un motif autre que financier ne le permette.
8. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la demande de permis de construire déposée par la société Biogaz du Pays de France porte sur la réalisation d'une installation agricole et, d'autre part, que les travaux d'extension du réseau électrique ont pour finalité d'alimenter en électricité le projet, lequel se situe en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune de Mesnil-Aubry, dans un secteur éloigné des parties urbanisées de la commune. Il en résulte que cette extension doit être regardée comme constituant un équipement public exceptionnel au sens de l'article L. 332-8 du code de l'urbanisme, dont la réalisation est rendue nécessaire par le projet et dont le coût est, par suite, susceptible d'être mis à la charge de la société pétitionnaire. Dès lors que celle-ci s'était engagée à prendre en charge ce coût, et que la commune n'avait pas fait état d'un autre motif s'opposant à ce raccordement, le préfet ne pouvait légalement s'opposer au permis déposé par la société Biogaz du Pays de France sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
9. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". En l'absence de dispositions y faisant obstacle, il est loisible au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a fait part des absences de conformité de son projet aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6, d'apporter à ce projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande ou en complétant sa déclaration en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. L'autorité administrative compétente dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté d'accorder le permis de construire ou de ne pas s'opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir de ce que l'autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales.
10. D'autre part, aux termes de l'article A 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public - (...) Caractéristiques de la voirie desservant le terrain - a) La voirie accessible depuis le terrain doit présenter des caractéristiques satisfaisant aux exigences de sécurité, de défense contre l'incendie et de la protection civile. (...) ".
11. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet a également fondé son refus sur l'atteinte susceptible d'être portée par le projet à la sécurité et la salubrité publique en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ainsi que sur les caractéristiques des chemins desservant le terrain d'assiette du projet en application de l'article A 3 du règlement du plan local d'urbanisme du Mesnil-Aubry.
12. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est desservi principalement par le chemin vicinal n° 9 reliant Le Mesnil-Aubry à Attainville ouvert à la circulation automobile et répertorié dans le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. Pour contester l'appréciation portée par le préfet du Val-d'Oise sur les caractéristiques de ce chemin ainsi que de celui perpendiculaire, situé au nord, la société requérante produit en appel un procès-verbal de constat du 29 juin 2023 ainsi qu'une étude du 30 juin 2023 de diagnostic et de dimensionnement de ces chemins, postérieurs à la date de la décision attaquée. Il ressort en tout état de cause de ce procès-verbal que la largeur de ces chemins varie entre 2,60 et 4,60 mètres, que seule une faible portion de la chaussée du chemin au nord est revêtue d'un goudron et que le croisement des véhicules s'effectue au prix du passage d'un véhicule voire des deux sur l'accotement. L'étude indique quant à elle que : " La chaussée présente de nombreux nids de poules de tailles pluri-décimétriques faisant l'objet de comblements réguliers de la part des agriculteurs. Le profil transversal de la chaussée est déformé, bombé et plus ou moins orniéré au niveau des bandes de roulement. Les rives sont affaissées. " et conclut à la nécessité de renforcer le chemin n° 9. Il résulte de ces éléments, ainsi que des photographies de mars 2022 produites par la commune du Mesnil-Aubry, montrant que le chemin peut être difficilement praticable suite aux intempéries, qu'en estimant que les caractéristiques des voies d'accès ne permettaient pas de s'assurer de l'accès des engins des services incendie ni d'accueillir le trafic des engins agricoles et poids-lourds lié à l'exploitation de l'unité estimé à environ six rotations par jour en moyenne et quarante-sept rotations par jour en période de récolte répartis sur dix-huit jours par an, le préfet n'a pas méconnu les dispositions des articles R. 111-2 et A3 précités ni commis d'erreur d'appréciation.
13. Si le motif tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme est illégal, il résulte de l'instruction que le préfet du Val-d'Oise aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur ce second motif, tiré de ce que le projet méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et A 3 du règlement du plan local d'urbanisme, lequel est de nature à fonder légalement la décision de refus attaquée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Biogaz du Pays de France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de refus du préfet du Val-d'Oise du 7 septembre 2022. Par voie de conséquence ses conclusions fondées sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention des communes du Mesnil-Aubry et d'Attainville est admise.
Article 2 : La requête de la société Biogaz du Pays de France est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Biogaz du Pays de France, à la commune du Mesnil-Aubry, à la commune d'Attainville, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et au préfet du Val-d'Oise
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. A..., premier vice-président, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
B. AventinoLe président,
B. A...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE02110