Vu la procédure suivante :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2300953 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Rouillé-Mirza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire au 3° du L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
La requête a été communiquée le 16 février 2024 au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Aventino a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante ivoirienne, née le 9 janvier 1967 à Treichville, est entrée en France en dernier lieu le 1er juillet 2022 munie d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 4 octobre 2022 la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Mme A... fait appel du jugement du 23 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... souffre d'un diabète de type II et d'une hypothyroïdie pour lesquels elle suit un traitement médicamenteux. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, la préfète d'Indre-et-Loire s'est fondée sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 25 novembre 2022, lequel précise que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise une charge médicale dont le défaut peut entrainer pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine où elle peut se rendre sans risque au regard de son état de santé. Si Mme A... produit un compte rendu médical établi le 17 février 2023 par un praticien du service des urgences du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours, concluant à un déséquilibre de diabète " sans signe de gravité ", ainsi que deux ordonnances établies en février 2023, par la même structure, et prescrivant la réalisation d'un contrôle à quatre ou six semaines ainsi que la prise de médicaments dont de l'insuline et du Levothyrox, ces documents, ne comportent aucune indication sur la disponibilité en Côte-d'Ivoire des traitements requis et ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des traitements appropriés dans son pays d'origine. En outre, elle ne produit à ce titre pas d'autre élément qu'un article de presse de 2018 faisant état de façon générale du coût élevé des traitements contre le diabète en Côte d'Ivoire et des mesures mises en place par le gouvernement pour y remédier, déjà produit en première instance. Dans ces conditions, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges selon laquelle ils ne permettent pas de renverser le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII aux termes duquel elle peut recevoir les soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. Enfin, si Mme A... fait valoir qu'elle a subi des violences conjugales ainsi qu'une situation de dépendance économique, son époux refusant notamment de payer ses frais de santé, l'examen médico-légal qu'elle produit, établi le 29 août 2022 par l'institut médico-légal du CHRU de Tours, ne permet pas d'établir que son accès aux soins serait entravé en Côte d'Ivoire de ce fait, alors qu'elle a déclaré à la préfète d'Indre-et-Loire être divorcée et qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle exerçait la profession de juriste. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours
5. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que Mme A... n'établit pas que le refus de titre de séjour serait entaché d'illégalité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.
6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 4 s'agissant de son état de santé, le moyen tiré de ce que la préfète d'Indre-et-Loire a méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est arrivée très récemment en France, en juillet 2022, à l'âge de cinquante-cinq ans. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire de son fils aîné né en 2006 de nationalité française, de sa mère, qui est titulaire d'une carte de résident ainsi que d'un frère et d'une sœur, qui sont de nationalité française, elle n'établit pas pour autant être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où réside toujours sa fille mineure. Enfin, la seule production d'une attestation du président de l'association " Maison de la Solidarité " certifiant que l'intéressée y est secrétaire bénévole depuis septembre 2022 ne suffit pas à démontrer l'intensité de son insertion dans la société française. Dans ces conditions, la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Si Mme A... se prévaut de la présence sur le territoire français de son fils de nationalité française et des liens qu'elle entretient avec lui, il ressort des pièces du dossier que ce dernier, âgé de plus de seize ans à la date de la décision en litige, résidait en Côte d'Ivoire en 2021 à la date de délivrance de son passeport, qu'il n'était scolarisé en France que depuis septembre 2022 et qu'il est pris en charge et notamment hébergé par sa famille paternelle résidant en France. De surcroît, la requérante ne justifie pas être dans l'incapacité d'exercer sa vie familiale en Côte d'Ivoire où réside par ailleurs sa fille mineure. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au préfet d'Indre-et-Loire et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. B..., premier vice-président, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
B. Aventino
Le président de chambre,
B. B...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE02812