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12/06/2025 | FRANCE | N°23VE00285

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 12 juin 2025, 23VE00285


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Golden star, M. B... F... et M. A... E..., en qualité d'associés de cette société, et M. C... D..., en qualité d'associé et gérant de celle-ci, ont demandé au tribunal administratif de Versailles :



- d'annuler la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Trappes a résilié unilatéralement le contrat de délégation de service public conclu le 27 février 2020 et ayant pour objet l'exploitation du café-culture l'Étoil

e d'or ;



- d'annuler les décisions implicites des 15 mai et 14 juillet 2021 par lesquelles la m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Golden star, M. B... F... et M. A... E..., en qualité d'associés de cette société, et M. C... D..., en qualité d'associé et gérant de celle-ci, ont demandé au tribunal administratif de Versailles :

- d'annuler la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de la commune de Trappes a résilié unilatéralement le contrat de délégation de service public conclu le 27 février 2020 et ayant pour objet l'exploitation du café-culture l'Étoile d'or ;

- d'annuler les décisions implicites des 15 mai et 14 juillet 2021 par lesquelles la même autorité a rejeté leurs réclamations préalables des 15 mars et 10 mai 2021 ;

- de condamner la commune de Trappes à verser une indemnité de 241 436 euros à la société Golden star, une indemnité de 124 000 euros chacun à MM. F... et E..., et une indemnité de 10 000 euros à M. D..., celles-ci étant assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la résiliation unilatérale de la convention de délégation de service public du 27 février 2020 et des manquements de la commune à ses obligations contractuelles ;

- de mettre à la charge de la commune de Trappes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2104737 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Trappes à verser à la société Golden star la somme de 45 350,94 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de la résiliation unilatérale précitée, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 février 2023 et 5 mars 2025, la commune de Trappes, représentée par Me Banel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Golden star la somme de 45 350,94 euros assortie des intérêts au taux légal au titre du manque à gagner et des intérêts et frais d'assurance générés par l'emprunt postérieurement à la date effective de résiliation et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par la société Golden star au titre du manque à gagner et des frais financiers liés à l'emprunt souscrit ;

3°) de mettre à la charge de la société Golden star une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la nécessité d'une reprise en régie de la gestion du café-culture, visant à mettre en œuvre sa nouvelle politique culturelle, constitue un motif d'intérêt général de nature à justifier la résiliation unilatérale du contrat litigieux ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ce contrat ;

- les parties sont librement convenues qu'en cas de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général, seuls seraient indemnisés les préjudices énoncés à l'article 33 de la convention de délégation litigieuse ;

- les stipulations claires et précises de l'article 33 précité impliquent que le manque à gagner soit calculé sur la base du prévisionnel de la première année d'exercice seulement ; en se fondant sur la durée totale d'exécution de la convention litigieuse, les juges de première instance ont commis une erreur ; le prévisionnel de la première année d'exercice étant déficitaire, l'indemnité due à ce titre est nécessairement nulle ; en tout état de cause, rien ne permet d'établir que le prévisionnel inscrit au contrat aurait été réalisé, dès lors qu'il avait été établi en 2019 avant la crise sanitaire mondiale et l'augmentation du coût des matières premières et de l'énergie et qu'il ne tient pas compte du risque d'exploitation ; par suite, la réalité et l'étendue du préjudice résultant du manque à gagner sont incertains ;

- les intérêts générés par l'emprunt jusqu'au 6 août 2025 et les frais d'assurance correspondants ne résultent pas, de manière directe et certaine, de la résiliation litigieuse, dès lors que le capital restant dû n'a pas été remboursé par anticipation à la suite de la résiliation, alors qu'il n'a pas servi à l'exploitation du café-culture l'Etoile d'or ;

- les tiers au contrat, qui n'ont pas intérêt à agir à son encontre, ne peuvent voir leurs préjudices indemnisés ;

- dans ces conditions, il ne pouvait être mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour rejettera les demandes formulées en première instance par la société Golden star au titre du manque à gagner et des frais financiers liés à l'emprunt.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 août 2023 et 21 mars 2025, la société Golden star, M. B... F... et M. A... E..., en qualité d'associés de cette société, et M. C... D..., en qualité d'associé et gérant de celle-ci, représentés par Me Loctin, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité l'indemnisation de la société Golden star à la somme de 45 350,94 euros et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par MM. E..., F... et D... et à la condamnation de la commune de Trappes à verser, à la société Golden star une somme de 241 436 euros, à MM. E... et F... une somme de 124 000 euros chacun et à M. D... une somme de 10 000 euros, celles-ci étant assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) à ce qu'une somme de 2 500 euros par exposant soit mise à la charge de la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- à titre principal, la responsabilité pour faute de la commune est engagée à raison, d'une part, de l'illégalité de la décision de résiliation en l'absence de motif d'intérêt général de nature à la justifier et, d'autre part, de la méconnaissance de ses obligations contractuelles ;

- s'agissant de l'absence de motif d'intérêt général : la reprise en régie de l'exploitation du café-culture n'était pas nécessaire à la mise en œuvre de la nouvelle politique culturelle communale, dès lors que les obligations mises à la charge du délégataire par les stipulations des articles 18 à 23 de la convention litigieuse assuraient à la commune le contrôle et la direction de l'offre culturelle proposée ; de plus, le programme établi par la société exposante avait déjà été élaboré en tenant compte de la programmation préexistante de la halle de la Merise ; il n'y avait également aucun intérêt général à mettre fin à l'activité de restauration pour chercher à la confier ensuite à un autre prestataire dans le cadre d'un contrat de la commande publique ; la commune était seulement animée par la volonté de se séparer de son cocontractant ce que démontre le fait que la gestion de l'Etoile d'or a été ultérieurement confiée à la société Pop Café dans des conditions très proches de celles de l'article 1er de la convention résiliée ; qu'il se soit agi d'une dégradation des relations des cocontractants ou d'une volonté de la nouvelle équipe municipale, ces circonstances ne constituent pas un motif d'intérêt général suffisant ;

- s'agissant de la méconnaissance des obligations contractuelles : la commune a méconnu les obligations mises à sa charge par les stipulations de l'article 7 de la délégation de service public en litige, comme l'a justement relevé le tribunal, dès lors que les travaux nécessaires à l'exploitation du café n'avaient pas été réalisés à la date du 1er juin 2020 ; ces manquements sont en lien direct avec les préjudices subis par les exposants et le tribunal a commis une erreur en jugeant le contraire ; le gouvernement n'avait émis aucune restriction à l'encontre des entreprises de bâtiment et les travaux auraient pu être menés à bien ; les salles de spectacle ayant été rouvertes à compter du 19 mai 2021 et la résiliation ne devant prendre effet qu'à partir du 6 octobre 2021, la société exposante a perdu près de cinq mois d'exploitation du fait de la faute de la commune ;

- l'illégalité de la résiliation et la méconnaissance de ses obligations contractuelles par la commune ouvrent droit à l'indemnisation intégrale du préjudice du cocontractant, les clauses limitatives de responsabilité n'ayant en ce cas pas vocation à s'appliquer ;

- les bénéfices projetés auraient été atteints, comme le démontrent l'indice INSEE du chiffre d'affaires des activités culturelles, le taux de marge des sociétés non financières et les derniers chiffres disponibles relatifs à la valeur ajoutée des entreprises des arts spectacles et activités récréatives ; par suite, le manque à gagner subi doit être évalué à 61 005 euros ; c'est à tort que le tribunal administratif a évalué ce préjudice au prorata de la durée d'exécution restant à courir à la date de la résiliation ;

- l'article 33 de la convention litigieuse n'ayant pas vocation à s'appliquer, les autres préjudices énoncés à la production n° 11 de première instance devront être indemnisés, ce qui porte leur indemnisation globale à la somme de 241 436 euros ;

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour jugerait fondé le motif d'intérêt général avancé par la commune pour justifier la résiliation, l'interprétation à retenir de l'article 33 du contrat litigieux, qui est celle s'appuyant sur son 2ème alinéa dès lors qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion, devra conduire à une indemnisation intégrale des préjudices de la société Golden star, à hauteur de 241 436 euros ; le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant que seuls les préjudices prévus au 3ème alinéa de cet article pouvaient être indemnisés ;

- si la cour devait retenir l'interprétation faisant prévaloir le 3ème alinéa de l'article 33 précité, le jugement devra être réformé, l'indemnisation au titre du manque à gagner portée à 61 005 euros et l'indemnité de 1 092,94 euros accordée au titre des intérêts et frais d'assurance générés par l'emprunt confirmée ;

- en toute hypothèse, la période pertinente pour évaluer le manque à gagner est la période entière d'exécution du contrat ;

- la souscription d'un crédit et de l'assurance afférente constituent des frais engagés pour assurer l'exécution du contrat au-delà de la date effective de résiliation ;

- en excluant le principe de toute indemnisation des associés de la société exposante, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; en tant que tiers intimement liés au titulaire du contrat, puisqu'ils en étaient associés voire salariés, ils peuvent se prévaloir des fautes contractuelles commises par la commune de Trappes ; la résiliation irrégulière a privé MM. F... et E... d'une rémunération mensuelle de 1 900 euros sur toute la durée d'exécution de la convention de sorte qu'ils peuvent prétendre, chacun, à une indemnité de 114 000 euros ; en outre, cette résiliation fautive a causé aux trois associés un préjudice moral qui devra être indemnisé à hauteur de 10 000 euros chacun ; le défaut d'intérêt des tiers à demander l'annulation d'une décision de résiliation est, à cet égard, sans incidence.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires incidentes présentées par la société Golden star et MM. E..., F... et D... fondées sur la responsabilité pour faute de la collectivité, alors que l'appel principal de la commune de Trappes conteste le jugement en tant seulement qu'il la condamne à indemniser deux postes de préjudices résultant de la résiliation de la convention litigieuse pour motif d'intérêt général, mettant ainsi en cause la seule responsabilité sans faute de l'administration.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2025, la société Golden star et MM. E..., F... et D... ont présenté des observations en réponse au moyen relevé d'office qui leur avait été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bahaj,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Mounir pour la commune de Trappes et de Me Barbier Renard pour la société Golden star et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Trappes a confié à la société Golden star, par une convention de délégation de service public conclue le 27 février 2020 pour une durée de cinq ans à compter du 1er juin 2020, l'exploitation du café-culture l'Etoile d'or, conçu comme un lieu de rencontre et de vie culturelle proposant, en outre, une activité de restauration. Par une délibération du 22 mars 2021, le conseil municipal de Trappes a décidé de résilier cette convention pour motif d'intérêt général et par un courrier du 6 avril 2021, notifié le 16 avril suivant, le maire de Trappes a informé la société Golden star de cette décision. Cette société, ainsi que MM. F..., E... et D..., en leur qualité d'associés et gérant, ont notamment demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de Trappes à les indemniser des préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait des manquements contractuels de la commune et de la résiliation précitée, à hauteur de 241 436 euros pour la société Golden star, de 124 000 euros chacun pour MM. F... et E... et de 10 000 euros pour M. D..., outre les intérêts au taux légal. Par un jugement du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Trappes à verser à la société Golden star, la somme de 45 350,94 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation de ses préjudices, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par MM. F..., E... et D.... La commune de Trappes relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Golden star la somme de 45 350,94 euros assortie des intérêts et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Golden star et MM. F..., E... et D... concluent quant à eux au rejet de la requête et demandent en outre, par la voie de l'appel incident, que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il limite l'indemnisation accordée à la société Golden star à la somme de 45 350,94 euros et rejette les conclusions indemnitaires des associés et gérant de la société.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des juges de première instance et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens soulevés par les parties, tirés des différentes erreurs de droit et d'appréciation qu'auraient commises les juges de première instance, doivent être écartés comme inopérants.

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Trappes :

3. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'autorité concédante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat de concession, sous réserve des droits à indemnité du concessionnaire. L'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé. Ce principe, découlant de l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités, ne s'appliquant pas aux personnes privées, rien ne s'oppose en revanche à ce que ces stipulations prévoient une indemnisation inférieure au montant du préjudice subi par le cocontractant privé de l'administration.

4. Aux termes de l'article 33 de la convention de délégation de service public en litige, relatif à la résiliation du contrat à l'initiative du délégant : " La Ville peut mettre fin au contrat avant son terme normal pour des motifs d'intérêt général. La décision ne peut prendre effet qu'après un délai de 6 mois minimum à compter de sa date de notification dûment motivée, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au délégataire. / Dans ce cas, le délégataire a droit à l'indemnisation intégrale du préjudice. / Les indemnités dues correspondent aux dommages suivants : / • Bénéfices prévisionnels établis sur la base du résultat de la première année civile complète d'exercice. A défaut d'une période complète, sera pris comme base le prévisionnel inscrit dans le dossier de candidature retenu (annexé au contrat) ; / • Amortissements financiers relatifs aux matériels mis en œuvre par le délégataire ; / • Autres frais et charges engagés par le délégataire pour assurer l'exécution du présent contrat au-delà de la date effective de résiliation ; / • Frais liés à la rupture des contrats de travail qui devraient nécessairement être rompus à la suite de cette résiliation dans le cas où la poursuite de ces contrats ne pourrait pas [être] prévue dans le cadre de la reprise du service. / Le règlement éventuel s'effectuera à la libération des locaux. ".

En ce qui concerne la validité de la décision de résiliation en litige :

5. Il résulte de l'instruction que le contrat de délégation de service public en litige, conclu le 27 février 2020 pour une durée de cinq ans, a été résilié par le conseil municipal de Trappes le 22 mars 2021 en raison, d'une part, des incidences de l'épidémie de Covid-19 sur l'exploitation des activités culturelles et, d'autre part, de la volonté de la nouvelle municipalité élue en juin 2020 de reprendre en régie l'exploitation du café-culture l'Etoile d'Or afin de développer un projet culturel global et cohérent à l'échelle de son territoire. Un tel motif, qui résulte de circonstances postérieures à la conclusion de la convention litigieuse, constitue un motif d'intérêt général de nature à justifier la résiliation du contrat conclu le 27 février 2020, sans qu'il y ait lieu pour la cour de faire porter son contrôle sur l'opportunité de la décision prise par le conseil municipal de Trappes de reprendre en régie l'exploitation du café litigieux. Par suite, la société Golden star, cocontractant de la commune, a droit à réparation du préjudice résultant de cette résiliation dans les conditions fixées par les stipulations de l'article 33 de la convention en litige.

En ce qui concerne les préjudices indemnisables :

6. L'article 33 de la convention de délégation de service public en litige, à laquelle a librement consenti la société Golden star, doit être interprété comme prévoyant, en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, que la commune de Trappes indemnisera le délégataire de l'intégralité de son préjudice, en ce compris les bénéfices prévisionnels, les amortissements financiers relatifs aux matériels mis en œuvre, les autres frais et charges engagés pour assurer l'exécution du contrat au-delà de la date effective de résiliation et les frais liés à la rupture des contrats de travail ne pouvant être poursuivis. Par suite, la société Golden star n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit à être indemnisée des préjudices subis même non énumérés par ces stipulations.

Quant au manque à gagner :

7. Il résulte des stipulations claires et précises du quatrième alinéa de l'article 33 du contrat en litige qu'en l'absence d'une année civile complète d'exercice, la base de calcul de l'indemnité due au délégataire au titre des bénéfices prévisionnels se trouve être le résultat de la première année inscrit au compte d'exploitation prévisionnel du dossier de candidature retenu. En l'espèce, le compte d'exploitation prévisionnel de la société Golden star prévoyait pour 2020, première année d'exécution du contrat, un résultat net négatif à hauteur de 8 837 euros. Par suite, la commune de Trappes, qui ne devait donc aucune indemnité à son cocontractant au titre du manque à gagner, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à indemniser à ce titre la société Golden star à hauteur de 44 258 euros.

Quant aux frais et charges engagés par le délégataire pour assurer l'exécution du contrat au-delà de la date effective de résiliation :

8. Il résulte de l'instruction que la société Golden star a souscrit auprès d'un établissement bancaire un " prêt d'équipement aux professionnels " d'un montant de 35 000 euros, sur une durée de cinq ans, à taux fixe de 1,50% (soit 1 356,55 euros d'intérêts), dont l'échéancier s'échelonnait du 6 août 2020 au 6 août 2025 et ayant occasionné des frais d'assurance d'un montant total de 479,33 euros. Si ce contrat a été souscrit, à l'origine, pour les besoins de l'exploitation du café-culture l'Etoile d'Or, il n'a cependant fait l'objet d'aucun remboursement anticipé une fois la décision de résiliation litigieuse intervenue. Alors que la commune de Trappes soutient que cet emprunt n'aurait pas servi à financer le projet de café-culture et que le délégataire exploite désormais un restaurant sur la commune de Coignières, les intimés ne la contredisent pas et ne fournissent à ce sujet aucun commencement d'explication. Par suite, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la société Golden star la somme de 1 092,94 euros au titre des frais financiers générés par l'emprunt précité entre le 16 octobre 2021 et le 6 août 2025.

9. A supposer que les écritures des requérants puissent être regardées comme renvoyant, dans le cadre de la responsabilité sans faute de la commune et de l'interprétation de l'article 33 de la convention litigieuse retenue au point 6, au tableau de préjudices produit en première instance, les conclusions tendant au remboursement des " honoraires " engagés pour la création de la société Golden star, des frais engendrés par la formation suivie par M. F... ainsi que des frais de déjeuner et de dîner exposés, doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les juges de première instance aux points 16 à 19 du jugement attaqué. Par ailleurs, les " frais de maintien d'activité indispensables à la survie de la société en raison de la résiliation " ainsi que le préjudice moral subi par la société Golden star ne sauraient être regardés comme des " frais et charges engagés par le délégataire pour assurer l'exécution du (...) contrat [de délégation de service public litigieux] au-delà de la date effective de résiliation ".

Quant aux amortissements financiers relatifs aux matériels mis en œuvre par le délégataire :

10. A supposer que la société Golden star ait entendu, par la voie de l'appel incident, solliciter le remboursement des investissements qu'elle avait entrepris et devant revenir à l'autorité délégante avant d'avoir été entièrement amortis, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que de tels investissements auraient été réalisés.

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Trappes :

11. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge d'appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l'appel principal.

12. Dans son appel principal, la commune de Trappes demande l'annulation du jugement attaqué en tant seulement qu'il la condamne à indemniser la société Golden star du manque à gagner subi du fait de la résiliation de la convention de délégation de service public en litige pour motif d'intérêt général et des frais financiers générés par l'emprunt précité entre la date de résiliation effective et la dernière échéance de ce crédit. Alors que la requête de la commune met ainsi en cause sa seule responsabilité sans faute, les conclusions indemnitaires incidentes présentées par la société Golden star et MM. E..., F... et D... sont quant à elles fondées sur la responsabilité pour faute de la collectivité et constituent un litige distinct. Elles sont, par suite, irrecevables en appel et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à la première instance :

13. Il résulte de ce qui précède que, la commune de Trappes n'ayant pas été la partie perdante en première instance, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la société Golden star une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance d'appel :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 précité font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Trappes, qui n'est pas, dans la présente instance d'appel, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la société Golden star et MM. E..., F... et D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge de ces derniers une somme totale de 2 000 euros au titre des mêmes frais exposés par la commune de Trappes.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2104737 du tribunal administratif de Versailles du 15 décembre 2022 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Golden star devant le tribunal administratif de Versailles tendant à ce que la commune de Trappes soit condamnée à l'indemniser du manque à gagner et des frais d'emprunt ayant résulté de la résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général de la convention de délégation de service public conclue le 27 février 2020 sont rejetées.

Article 3 : La société Golden star et MM. E..., F... et D... verseront solidairement une somme de 2 000 euros à la commune de Trappes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident de la société Golden star et MM. E..., F... et D..., ainsi que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Trappes et à la société Golden star, première dénommée en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Camenen, président-assesseur,

Mme Bahaj, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

C. Bahaj

La présidente,

N. Massias

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00285
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Voies de recours - Appel - Appel incident.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte BAHAJ
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;23ve00285 ?
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