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12/06/2025 | FRANCE | N°23VE02028

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 12 juin 2025, 23VE02028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de se dessaisir, dans le délai de trois mois, des armes, munitions et leurs éléments de toutes catégories dont il est en possession, lui a interdit d'acquérir et de détenir des armes et des munitions, avec inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la déc

ision rejetant implicitement son recours hiérarchique, à titre subsidiaire, d'annuler par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Yvelines lui a ordonné de se dessaisir, dans le délai de trois mois, des armes, munitions et leurs éléments de toutes catégories dont il est en possession, lui a interdit d'acquérir et de détenir des armes et des munitions, avec inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes, ensemble la décision rejetant implicitement son recours hiérarchique, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement cet arrêté et le rejet de son recours hiérarchique en ce qu'ils portent saisie administrative de matériels et d'armes de catégorie C dont il est détenteur et l'inscrivent au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes.

Par un jugement n° 2106909 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 août et 2 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Ferchaux Lallement et Charrière-Bournazel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a opéré illégalement une substitution de base légale ;

- le tribunal administratif a statué infra petita en se contentant d'un simple contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation alors qu'il lui appartient d'effectuer un contrôle normal en la matière, et ne s'est pas interrogé sur le respect de la procédure de consultation du fichier d'antécédents d'informations judiciaires ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que la consultation du TAJ n'a pas été réalisée par des personnes spécialement habilitées conformément aux dispositions du décret du 27 décembre 2013 et qu'il n'est pas établi que la procédure prévue par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale a été respectée, en particulier pour les faits datés de 2014 et 2020 et notamment que l'accord du procureur a été sollicité pour utiliser les données du TAJ dans le cadre de l'enquête administrative ;

- il est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'une réelle procédure contradictoire, aucune enquête complémentaire à la consultation du TAJ n'ayant été diligentée ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il se fonde exclusivement sur les mentions du TAJ alors que les faits ont été classés sans suite, ce qui interdisait leur consultation ;

- il est disproportionné au regard des prescriptions de la circulaire du 25 avril 2019 dès lors qu'agriculteur, il pratique la chasse de loisir depuis plus de quarante ans et qu'outre le fait que l'arrêté est uniquement fondé sur la consultation du TAJ, les faits ont pour certains plus de cinq ans ou ont fait l'objet d'un classement sans suite ou d'un simple rappel à la loi et n'auraient pas dû être consultables.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre et 27 novembre 2023, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 février 2021 du préfet des Yvelines lui ordonnant de se dessaisir, dans le délai de trois mois, des armes, munitions et leurs éléments de toutes catégories en sa possession, lui interdisant d'acquérir et de détenir des armes et des munitions, avec inscription au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes.

2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au présent litige : " I. - Les décisions administratives (...) d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...) / II. - Il peut également être procédé à de telles enquêtes administratives en vue de s'assurer que le comportement des personnes physiques ou morales concernées n'est pas devenu incompatible avec les fonctions ou missions exercées, l'accès aux lieux ou l'utilisation des matériels ou produits au titre desquels les décisions administratives mentionnées au I ont été prises. ". Aux termes de l'article R. 114-5 du même code : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article R. 114-1 les autorisations ou agréments suivants relatifs à des matériels, produits ou activités présentant un danger pour la sécurité publique : / 1° Acquisition, détention (...) d'armes, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 312-67 du code de la sécurité intérieure : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; (...) ". Aux termes du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...) ". Ce dernier article dispose que : " (...) En cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données à caractère personnel. Lorsque les données à caractère personnel relatives à la personne concernée font l'objet d'une mention, elles ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1 et L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Yvelines a, en application des dispositions précitées du 5° de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, d'une part, saisi les services de la police nationale pour complément d'information sur les trois infractions pour lesquelles M. B... était mentionné comme auteur dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), lesquels ont répondu à cette demande de renseignement par une note du 18 novembre 2020, et d'autre part, saisi le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de déterminer les suites données aux faits de 2005 pour lesquels M. B... apparaissait comme mis en cause en qualité d'auteur dans le fichier TAJ. Toutefois, d'une part, il est constant que le préfet des Yvelines n'a pas saisi le tribunal judiciaire s'agissant des faits de 2014 et 2020 dont il apparaît au demeurant qu'ils ont été classés sans suite après un rappel à la loi et n'étaient en conséquence pas accessibles aux services de la préfecture pour justification de l'arrêté contesté. D'autre part, la réponse du tribunal judiciaire en date du 9 décembre 2020 indiquant, s'agissant de l'infraction de 2005, que les recherches concernant cette procédure au parquet de Versailles s'étaient avérées infructueuses, ne saurait s'analyser comme affirmant implicitement le caractère accessibles de ces données et traduit nécessairement un classement sans suite informel de l'affaire, ce qui est au demeurant corroboré par le courrier du 6 avril 2022 du procureur de la République en réponse à la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit procédé à l'effacement des mentions le concernant figurant au fichier TAJ. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté litigieux, uniquement fondé sur des faits mentionnés au TAJ dont la consultation n'était pas autorisée à l'autorité de police administrative en raison de leur classement sans suite, a été pris en méconnaissance des dispositions des articles R. 40-29 et 230-8 du code de procédure pénale.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de l'arrêté du 22 février 2021.

Sur les frais de l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que sollicite M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2106909 du tribunal administratif de Versailles en date du 23 juin 2023 et l'arrêté du 22 février 2021 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

J. FlorentLa présidente,

N. MassiasLa greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23VE02028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02028
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels.

Droits civils et individuels.

Police - Polices spéciales - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL BDL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;23ve02028 ?
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