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12/06/2025 | FRANCE | N°24VE01121

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 12 juin 2025, 24VE01121


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2024 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé la République du Congo comme pays de destination.



Par un jugement n° 2400750 du 3 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 25 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Rouille-Mirza, demande à la cour :



1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2024 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé la République du Congo comme pays de destination.

Par un jugement n° 2400750 du 3 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Rouille-Mirza, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la vie privée qu'elle a développée en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi, qui repose sur une obligation de quitter le territoire elle-même illégale, doit être annulée ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 33 de la convention de Genève.

La requête a été communiquée le 6 juin 2024 au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bahaj a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise (République du Congo) née le 21 décembre 1978 et déclarant être entrée régulièrement en France le 19 décembre 2022, a sollicité le 27 février 2023 son admission au séjour au titre de l'asile. Cette demande a été rejetée, tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 13 juin 2023 que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 décembre 2023. Par un arrêté du 29 janvier 2024, le préfet d'Indre-et-Loire a obligé l'intéressée à quitter le territoire français et a fixé la République du Congo comme pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 3 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Mme A... soutient que la mesure d'éloignement contestée porte à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée, dès lors qu'elle a débuté une formation professionnelle en France en vue de devenir assistante de vie aux familles, qu'elle perçoit une rémunération et est assurée de trouver un emploi par la suite, s'agissant d'un secteur en tension. S'il ressort effectivement de l'attestation d'entrée en formation produite par la requérante qu'elle participe depuis le 10 janvier 2024 à la formation " CCP1 du titre professionnel Assistant(e) de vie aux familles ", cette seule circonstance ne saurait suffire à caractériser une " vie privée " au sens des stipulations précitées. En tout état de cause, à supposer même que la date d'entrée sur le territoire français avancée par l'intéressée soit établie, celle-ci ne serait en mesure de justifier que d'une durée de présence en France de 13 mois et 10 jours à la date de l'arrêté attaqué. De plus, elle ne fait état, en dehors de la récente entrée en formation précitée, d'aucune autre circonstance ou relation de nature à caractériser l'intensité de la vie privée qu'elle aurait nouée sur le territoire national. Au surplus, si Mme A... ne se prévaut pas, au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent, de sa situation familiale, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans enfant en France, alors que son fils, né en 2019, ainsi que son frère et ses trois sœurs vivent toujours en République du Congo. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

7. Mme A... soutient avoir fait l'objet de violences psychologiques, physiques et sexuelles de la part de son époux militaire lorsqu'elle vivait en République du Congo et dit craindre de subir à nouveaux de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, afin d'établir le risque auquel elle se trouverait ainsi exposée, la requérante ne produit, en dehors d'une évaluation psychologique réalisée par une psychologue clinicienne le 23 novembre 2023 estimant sa symptomatologie " compatible, cohérente et directement en lien avec les éléments de vie " déclarés par l'intéressée, qu'un document émanant de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés intitulé " République du Congo : information sur les femmes visées par le mariage forcé, y compris la protection offerte par l'Etat et les services de soutien (2010-2013) " faisant état des difficultés d'accès à la justice rencontrées par les femmes congolaises pour faire valoir leurs droits ainsi qu'un rapport émanant du bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail du ministère des affaires étrangères américain relatif aux droits de l'homme en République du Congo en 2021 comportant, en sa sixième section, un paragraphe faisant état des peines encourues en cas de viol et violences domestiques. Ces documents ne sont de nature à établir, ni la réalité des violences que Mme A... aurait personnellement subies dans son pays d'origine, ni l'actualité de la menace qui pèserait encore sur elle en cas de retour en République du Congo. De plus, il ressort de la décision du 13 juin 2023 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de l'intéressée et qui a été confirmée par la CNDA le 22 décembre suivant, que ses déclarations n'ont pas permis d'établir les faits allégués, son discours ayant notamment été considéré comme " peu tangible ", " fluctuan[t] ", " peu emprein[t] de vécu " et ses déclarations " peu substantielles " et " préparées ". Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. ".

9. Mme A..., qui s'est vu définitivement refuser la qualité de réfugiée, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève relatives au principe de non-refoulement des réfugiés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi, qu'en tout état de cause, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Camenen, président-assesseur,

Mme Bahaj, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

C. Bahaj

La présidente de la cour,

N. Massias

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24VE01121


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01121
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte BAHAJ
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;24ve01121 ?
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