CASSATION, sur pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 10 mars 1938.
La Cour,
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte tant des motifs adoptés par l'arrêt attaqué que des motifs propres de celui-ci, que X..., conduisant sa voiture en marche arrière, a renversé, le 8 avril 1936, la dame Y..., que la victime aussitôt relevée parut être dans son état normal, qu'elle ne portait pas de traces de contusions et n'a pas signalé la fracture du poignet que sa chute lui avait causée, qu'elle a tenu à regagner son domicile par ses propres moyens, que X... n'a eu connaisance de ladite fracture que le 16 mai 1936 lors de son interrogatoire sur la plainte déposée par la victime ;
Attendu que les juges du fond ont pu déduire de ces faits souverainement constatés que l'avis du sinistre, envoyé à l'assureur de responsabilité le 16 mai 1936, plus de cinq jours après l'accident, avait été donné sans retard, l'assuré n'étant pas en mesure avant cette date de conjecturer personnellement les conséquences préjudiciables de la collision, que l'attitude de la dame Y... l'autorisait à tenir pour négligeables ;
Attendu, en effet, que la clause de déchéance écrite dans l'article 3 des conditions générales de la police litigieuse ne peut intervenir que dans les limites fixées par le texte impératif de l'article 15, 4° de la loi du 13 juillet 1930, duquel résulte que le délai maximum de cinq jours imparti à l'assuré pour aviser la compagnie d'assurances a pour point de départ la connaissance du sinistre par l'assuré, c'est-à-dire la connaissance à la fois de l'événement et de conséquences éventuellement dommageables de nature à entraîner la garantie de l'assureur de responsabilité ;
Et attendu que, si l'assuré, auteur de l'accident, a le devoir de procéder, dans la mesure de ses moyens, à une enquête sur les conséquences immédiates et sur celles qui pourraient être conjecturées, les juges du fait ont néanmoins pu décider, dans les circonstances qui ont suivi la collision, que l'attitude de la victime, écartant toute conjecture de dommage, justifiait l'abstention de l'assuré ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué n'a pas violé les textes visés par le premier moyen ;
Rejette ce moyen ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir repoussé l'exception de déchéance opposée à X..., a condamné la compagnie "Le Soleil" à payer à son assuré 1500 francs à titre de dommages-intérêts pour réparer les conséquences de son refus injustifié de prendre la défense de celui-ci devant les juridictions correctionnelles saisies sur la plainte de la victime ;
Mais attendu qu'il appartenait aux juges du fond d'établir au préalable l'obligation de la compagnie d'assurances de défendre l'assuré en justice, malgré l'existence d'une contestation sérieuse sur la déchéance alléguée contre ce dernier, alors que la compagnie d'assurances ne pouvait exécuter l'une de ces prestations d'assurance sans renoncer par là-même au bénéfice de la déchéance litigieuse ;
Attendu que la police souscrite par X... et produite par la compagnie "Le Soleil", qui comprend dans la garantie les honoraires et frais de toute nature occasionnés par les instances judiciaires et qui consent à l'assureur le pouvoir de diriger le procès au nom de l'assuré, ne détermine pas en termes clairs et précis qui pourraient soutenir le dispositif de l'arrêt attaqué que le mandat conféré à l'assureur dans son intérêt et dans l'intérêt commun devrait être exercé dans l'intérêt de l'assuré, même lorsqu'il serait contraire à l'intérêt de l'assureur ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel n'a pas fourni les motifs de sa décision et qu'elle doit être déclarée nulle en la forme ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qui concerne la condamnation à 1500 francs à titre de dommages-intérêts.