Sur le premier moyen :
Attendu qu'au motif qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la composition de la Cour d'appel était différente le jour où l'affaire a été plaidée et celui où l'arrêt a été rendu, le pouvoir fait grief à l'arrêt de ne pas contenir les mentions permettant de savoir quand s'est placé le délibéré, et lequel, du magistrat devant lequel la cause a été débattue ou de son remplaçant y a pris part, alors qu'il appartient au magistrat devant qui la cause a été débattue d'en délibérer, que son remplaçant le jour du prononcé de l'arrêt ne pouvait prendre part au délibéré et que tout arrêt doit porter en soi la preuve de sa régularité ;
Mais attendu que l'arrêt, après l'indication de la date des débats et de la composition de la Cour à ce jour, ainsi que de celui où devait être prononcé l'arrêt, comporte la mention ci-après "Messieurs les président et assesseurs susnommés en ayant délibéré en secret" ; qu'il s'en suit, et conformément à la présomption de régularité qui s'attache à toute décision de justice, que ce sont les juges devant lesquels la cause a été débattue qui en ont délibéré ainsi que le prescrit l'article 95 du décret du 20 juillet 1972, sans qu'il y ait lieu de s'attacher à une composition différente de la Cour le jour où l'arrêt a été rendu, le prononcé de la décision pouvant, aux termes de l'article 100 du même décret, intervenir alors même que certains des juges qui en ont délibéré ne seraient pas présents ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen et sur la première branche du cinquième moyen :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'Antoine X..., Gilbert X... et André X..., exploitant en commun divers domaines agricoles dont ils sont pour partie propriétaires, après avoir procédé à des semis de céréales de printemps, se procurèrent auprès de la société La Quinoléine, un désherbant sélectif liquide dénommé "Le Securon" dont ils firent usage, conformément aux directives données lors de plusieurs visites par un ingénieur de leur fournisseur, en le mélangeant avec un engrais azoté liquide ; que l'application ainsi faite s'étant révélée nuisible pour les cultures, les consorts X..., au vu du rapport d'un expert technique désigné par le juge des référés, ont demandé la réparation de leur préjudice à la société La Quinoléine en se fondant sur l'article 1382 du Code civil ;
Attendu qu'il est reproché à la Cour d'appel d'avoir admis, tout en reconnaissant que la mise en vente du "Securon" n'était pas fautive, que la société La Quinoléine avait commis une imprudence en engageant les exploitants à opérer un mélange d'un maniement dangereux avec l'accord d'un de ses ingénieurs qui n'aurait pu rester un spectateur passif, alors, d'une part, que la société n'aurait pu être déclarée responsable des conseils donnés que dans la mesure où les utilisateurs auraient établi s'être strictement conformés aux directives contenues dans les notices et dans les emballages, ou à celles accompagnant les conseils de l'ingénieur, et alors, d'autre part, que le rapport de l'expert, d'où il résulte que cet ingénieur n'a jamais personnellement assisté à aucun traitement et n'était pas sur les lieux le jour du mélange, aurait été dénaturé, de sorte que la Cour se serait fondée sur des motifs hypothétiques ;
Mais attendu que la société Quinoléine dont la responsabilité était recherchée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, ainsi qu'il avait été décidé par un précédent jugement, ne pouvait se prévaloir pour y échapper, des obligations qu'elle prétendait avoir imposées à sa clientèle dans des documents accompagnant la livraison des produits ; que l'arrêt relève qu'aucune mention spéciale relative aux possibilités de mélanger le produit désherbant à des engrais liquides azotés ne figurait sur le mode d'emploi porté à la connaissance des consorts X... ;
Et attendu qu'analysant, sans le dénaturer, ni avoir recours à des motifs hypothétiques, le rapport de l'expert, l'arrêt énonce que Santanach, ingénieur de la société La Quinoléine, s'était rendu sur la propriété cultivée par X... le 22 janvier 1968, y était revenu le 11 février, date du début du traitement et encore le
19 février, date à laquelle il a été d'accord pour que les traitements tels qu'ils avaient été commencés soient poursuivis ; que l'arrêt ajoute que, sous peine de priver de tout sens ses visites successives, l'ingénieur n'a pu s'enfermer dans une attitude passive au moment où X... opérait le mélange et s'apprêtait à en faire application, qu'il n'a pu ignorer ni comment le mélange était effectué, ni à quel stade de la végétation l'application allait en être faite, qu'il en a le 19 février apprécié les effets et conseillé de persister ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur les troisième et quatrième moyens, et sur la seconde branche du cinquième moyen :
Attendu, selon le pourvoi, que la Cour d'appel, n'aurait pu, pour retenir l'entière responsabilité de la société, se limiter au résultat des seules investigations faites sur place par un expert, qui n'avait pas été à même de contrôler comment plusieurs mois auparavant avait été opéré un mélange prétendument utilisé, et écarter les expériences et les essais pratiqués par des spécialistes compétents en faisant état d'une soi-disant contradiction entre l'expert et la société pour ne pas tenir compte de l'état du sol, qui était un élément déterminant des dommages constatés, et ce, en laissant sans réponse des conclusions faisant valoir que l'année précédente le mélange incriminé avait été utilisé à l'entière satisfaction des utilisateurs, lesquels, de l'avis même de l'expert, avaient commis dans son application un certain nombre de fautes, ce qui aurait dû entraîner à tout le moins un partage de
responsabilité ;
Mais attendu que les juges du fond ont apprécié souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis et ont pu ainsi, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, déterminer les circonstances dans lesquelles avait été utilisé le mélange dont l'emploi était à l'origine du dommage, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération des éléments de fait extérieurs à son application ; que les critiques du moyen se ramènent dès lors à une discussion de fait qui ne saurait être admise devant la Cour de Cassation ;
Sur le sixième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir, en adoptant les motifs des premiers juges, écarté l'exception d'irrecevabilité de la demande soulevée par la société La Quinoléine devant les premiers juges en raison de ce que les consorts X... n'auraient pas justifié de la réalité de leur préjudice pour les terres dont ils n'étaient pas propriétaires faute de rapporter la preuve de ce qu'ils étaient à tout le moins propriétaires des récoltes, alors qu'il aurait été indispensable pour déterminer l'étendue du préjudice subi, de calculer la superficie des parcelles ayant souffert du traitement, l'expert n'ayant aucunement sur ce point, vérifié l'exactitude des dires des demandeurs ;
Mais attendu que l'exception d'irrecevabilité soulevée devant les premiers juges a été écartée par ceux-ci dans des motifs qui n'ont pas été critiqués par la société Quinoléine en cause d'appel, qu'il s'ensuit que le moyen est nouveau ; que, mélangé de fait et de droit, il doit être déclaré irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le vingt huit juin mil neuf cent soixante treize par la Cour d'appel de
Montpellier ;