LA COUR :
Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué, la Banque Worms, qui détenait plusieurs chèques tirés par Faye sur la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel des Alpes-Maritimes, agence de Cagnes-sur-Mer (la Caisse), les a présentés à la chambre de compensation de Paris, que, après avoir reçu ces chèques en son agence de Cagnes, la Caisse en a refusé le paiement au motif que Faye était décédé et que son compte était bloqué, que, par la suite, pour justifier son refus, l'émission des chèques étant antérieure au décès de Faye, elle a fait valoir qu'elle n'avait pas provision, le découvert qu'elle avait consenti se trouvant dépassé depuis le 18 avril 1974 ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que, faute d'avoir restitué les chèques et refusé leur paiement dans le délai qui lui était imparti par le règlement de la Chambre de compensation, la Caisse n'était pas en droit, selon les usages bancaires, de revenir sur une compensation devenu définitive et qu'elle était tenue au paiement, et que, de surplus, l'absence de provision alléguée n'était pas établie, alors, selon le pourvoi, d'une part, que nul ne peut être jugé qu'il n'ait été entendu, et que, si le juge peut soulever des moyens d'office, c'est à la condition d'avoir fait respecter le principe de la contradiction, qu'il doit fait observer en toute matière, ainsi que les droits de la défense, et d'avoir invité les parties à s'expliquer sur les moyens qu'il envisage de soulever d'office, et que, en l'espèce actuelle, la cour d'appel, devant laquelle la Banque Worms s'était contentée de faire valoir qu'en réalité le Crédit agricole détenait les chèques depuis le jour de la présentation au CEDI et que le rejet des chèques, s'il avait eu un motif valable, aurait dû intervenir dans l'immédiat, et qu'il n'est pas possible d'admettre qu'ils aient pu être rejetés après, en invoquant pour seul motif "client décédé, compte bloqué", motif illégal aux termes de l'article 33 du décret-loi du 30 octobre 1935 n'a pu, sans violer les droits de la défense, soulever un moyen tiré d'usages bancaires et du règlement de la Chambre de compensation, qui n'avait pas été invoqué par la Banque Worms, dans ses conclusions,
Que, si la cour d'appel entendait retenir ce moyen, elle devait inviter la caisse à s'expliquer sur celui-ci, alors, d'autre part, que les usages n'ont, en matière commerciale, que valeur contractuelle, supplétive de la volonté des parties, et qu'un prétendu usage, dont la cour d'appel n'indique du reste pas l'origine, ne saurait avoir pour effet d'instituer une forclusion en empêchant un tiré de refuser le paiement d'un chèque, lorsqu'il ne détient aucune provision à cette fin,
Alors, en outre, que la présentation à une Chambre de compensation n'équivaut à la présentation au paiement que pour la détermination des délais de présentation, mais non en ce qui concerne l'existence de la provision dans les rapports du porteur et du tiré, que, spécialement, lorsque le tiré est représenté en Chambre de compensation, ce n'est pas au jour où le chèque est remis à son représentant auprès de cette chambre que doit être appréciée l'existence de la provision, mais au jour où l'effet lui parvient effectivement, et alors enfin, que c'est à celui qui invoque l'existence d'une obligation à la prouver, et qu'en l'espèce c'était à la Banque Worms à prouver, le cas échéant, que les chèques dont elle réclamait le paiement étaient provisionnés, et non pas à la Caisse à démontrer que lesdits chèques ne l'étaient pas, de telle sorte que la cour d'appel ne pouvait retenir, pour estimer qu'il y avait une provision, le fait que la Caisse ne prouvait pas la limitation à 3000000 F de l'ouverture de crédit dont bénéficiait son client, puisqu'elle ne produit en vue de prouver une limitation de crédit qu'un acte sous seing privé qui porte sur une ouverture de crédit de 1550000 F ;
Mais attendu, en premier lieu, que, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, la Banque Worms prétendait que le rejet des chèques, après leur présentation à la Chambre de compensation, aurait dû "intervenir dans l'immédiat" ; que, de son côté, la Caisse faisait expressément valoir que "le paiement n'est effectif que lorsque le tiré a vérifié l'existence de la provision et n'a pas rendu le chèque lors d'une séance de compensation ultérieure" ; qu'ainsi la question du délai imparti par les usages pour rejeter un chèque présenté à une Chambre de compensation était dans le débat et que la cour d'appel n'avait pas, avant de la trancher, à inviter les parties à s'expliquer sur ce point ;
Attendu, en second lieu, que la Cour d'appel, qui n'a pas considéré que la présentation à une chambre de compensation valait paiement, a souverainement apprécié l'existence et la portée des usages par elle retenus ;
Attendu, enfin, que, par les motifs vainement entrepris par le premier moyen et par les deux premières branches du second moyen, la cour d'appel a justifié sa décision, et que le motif concernant l'existence de la provision, après le 18 avril 1974, est surabondant ; d'où il suit que, ni le premier moyen, ni le second moyen, pris en ses trois branches, ne sont fondés ;
Par ces motifs, rejette.