STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- X... ANNIE, ET AUTRES, PARTIES CIVILES,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 29 JUIN 1981, QUI, DANS LA PROCEDURE SUIVIE SUR LEUR CITATION POUR ENTRAVE A LA LIBERTE DU TRAVAIL, A DECLARE L'ACTION CIVILE IRRECEVABLE ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 2, 3, 591 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, 414 DU CODE PENAL, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
" EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE IRRECEVABLE L'ACTION CIVILE DE SALARIES NON GREVISTES TENDANT A LA REPARATION DU PREJUDICE SUBI DU FAIT DES MANOEUVRES ET VIOLENCES DE SALARIES GREVISTES LES AYANT EMPECHES DE TRAVAILLER, EN DEPIT D'UNE DECISION JUDICIAIRE PRESCRIVANT L'EXPULSION DES GREVISTES DES LIEUX DE TRAVAIL " ;
" AU MOTIF QUE, MEME DANS L'HYPOTHESE OU L'EMPLOYEUR N'A COMMIS AUCUNE FAUTE, LE PREJUDICE DES NON-GREVISTES, QU'IL SOIT MORAL OU RESULTE DE LA PRIVATION DE SALAIRE, PREND DIRECTEMENT SA SOURCE DANS L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES ET NE PEUT AINSI OUVRIR L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE " ;
" ALORS QUE, D'UNE PART, POUR ETRE RECEVABLE DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE, L'ACTION CIVILE DOIT AVOIR POUR BUT LA REPARATION D'UN PREJUDICE PERSONNEL RESULTANT DIRECTEMENT POUR LA VICTIME DE L'INFRACTION POURSUIVIE ;
QU'EN L'ESPECE, LES SALARIES NON GREVISTES AYANT ETE EMPECHES PAR LES SALARIES GREVISTES D'EXERCER LIBREMENT LEUR TRAVAIL, INFRACTION PREVUE PAR L'ARTICLE 414 DU CODE PENAL, LA PERTE DE SALAIRES QUI EN EST RESULTEE EN EST LA CONSEQUENCE DIRECTE ;
QUE LE PREJUDICE ALLEGUE PAR LES SALARIES NON GREVISTES AYANT EFFECTIVEMENT SA SOURCE DANS L'INFRACTION DONT EST SAISIE LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE ET NON DANS L'INEXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL RENDU IMPOSSIBLE PAR UN CAS DE FORCE MAJEURE, LEUR ACTION CIVILE EST RECEVABLE ;
QU'EN DECIDANT LE CONTRAIRE, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE " ;
" ALORS QUE, D'AUTRE PART, EN SE BORNANT A ENONCER QUE MEME SI L'EMPLOYEUR N'A COMMIS AUCUNE FAUTE, LE PREJUDICE DES SALARIES NON GREVISTES PREND SA SOURCE DANS L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES, LA COUR A MOTIVE SA DECISION PAR UN SIMPLE PRINCIPE D'ORDRE GENERAL ;
QUE CE FAISANT, ELLE A ENTACHE SA DECISION D'UN DEFAUT DE MOTIFS, LE PREJUDICE MORAL NE POUVANT TROUVER SA CAUSE QUE DANS L'ACTION DES GREVISTES ET NON DANS L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'EN APPLICATION DES ARTICLES 2 ET 3 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, L'ACTION CIVILE EN REPARATION DU PREJUDICE CAUSE PAR UN DELIT APPARTIENT A TOUS CEUX QUI EN ONT PERSONNELLEMENT ET DIRECTEMENT SOUFFERT ET EST RECEVABLE POUR TOUS CHEFS DE DOMMAGES, AUSSI BIEN MATERIELS OU CORPORELS QUE MORAUX ;
ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;
QUE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU QU'A LA SUITE D'UNE GREVE DECIDEE AUX ETABLISSEMENTS DESMAREZ DE CHAUNY PAR UNE PARTIE DU PERSONNEL, TREIZE SALARIES DE L'ENTREPRISE, QUI NE PARTICIPAIENT PAS A CE MOUVEMENT MAIS QUI DECLARAIENT AVOIR ETE EMPECHES DE PENETRER DANS LES LOCAUX POUR Y ACCOMPLIR LEURS TACHES HABITUELLES, ONT CITE DIRECTEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL UN CERTAIN NOMBRE DE LEURS COLLEGUES GREVISTES, DU CHEF D'ENTRAVE A LA LIBERTE DU TRAVAIL, EN DEMANDANT LA REPARATION DE LEUR PREJUDICE ;
QUE LE TRIBUNAL, APRES AVOIR STATUE SUR L'ACTION PUBLIQUE ET DECLARE CARACTERISE LE DELIT PREVU PAR L'ARTICLE 414 DU CODE PENAL, A ACCORDE AUX PARTIES CIVILES DES DOMMAGES COMPENSATEURS TANT DE LEUR PREJUDICE MORAL QUE DU PREJUDICE RESULTANT DE LEUR PERTE PARTIELLE DE SALAIRE, MAIS SEULEMENT A COMPTER DE LA DATE A LAQUELLE LES FAITS POURSUIVIS ONT CONSTITUE, SELON LES PREMIERS JUGES, UN CAS DE FORCE MAJEURE DECHARGEANT LE CHEF D'ENTREPRISE DE SON OBLIGATION DE SALAIRE A L'EGARD DES EMPLOYES NON GREVISTES ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE, POUR INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS ET DECLARER IRRECEVABLE L'ACTION DES PARTIES CIVILES, SE BORNE A ENONCER QUE " LE PREJUDICE DES SALARIES NON GREVISTES, QU'IL SOIT MORAL OU QU'IL RESULTE DE LA PRIVATION DE SALAIRE, PREND DIRECTEMENT SA SOURCE DANS L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS CONTRACTUELLES (DE L'EMPLOYEUR) ET NE PEUT, EN CONSEQUENCE, OUVRIR L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE " ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, SANS MOTIVER AUTREMENT SA DECISION ET SANS S'EXPLIQUER SUR LES RAISONS QUI INTERDIRAIENT L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE AUX VICTIMES D'UN DELIT D'ENTRAVE A LA LIBERTE DU TRAVAIL, LA COUR D'APPEL A MECONNU LES PRINCIPES SUS-ENONCES ;
QUE, DES LORS, LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS, EN DATE DU 29 JUIN 1981, MAIS SUR LES SEULS INTERETS CIVILS, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE PARIS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.