LA COUR, Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des article 83 et suivants et D. 27 et suivants du Code de procédure pénale,
En ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu pour abus de confiance sur ordonnance de renvoi devant la juridiction correctionnelle, signée par Perrin, juge d'instruction ;
Alors que seul peut accomplir des actes d'instruction le juge d'instruction régulièrement désigné par une ordonnance du président du Tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce, sur désignation du président du Tribunal de grande instance de Dijon, l'information a été ouverte et diligentée par M. Blondeau, régulièrement désigné par ordonnance du 27 septembre 1976, mais, à partir du 25 juillet 1978 (pièce cotée D. 81), la procédure d'instruction a été le fait de M. Perrin, magistrat qui n'a jamais fait l'objet d'une désignation par le président du Tribunal de grande instance et ne pouvait donc signer l'ordonnance de renvoi ; qu'ainsi la juridiction correctionnelle n'a pas été valablement saisie et que cette irrégularité, touchant à une règle substantielle et d'ordre public, peut être soulevée en tout état de cause et devait être soulevée d'office par la Cour d'appel ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, une information ayant été ouverte contre X... au Tribunal de grande instance de Dijon, l'instruction du dossier a été confiée à M. Blondeau par ordonnance du 27 septembre 1978, le juge d'instruction ayant instrumenté a été M. Perrin, sans que soit intervenue une désignation dans les conditions définies par les articles 83, 84 et D. 27 et suivants du Code de procédure pénale ;
Attendu que cette omission, si elle constitue une nullité substantielle d'ordre public touchant à l'organisation et à la composition des juridictions, n'affecte pas la compétence ; que dès lors, elle aurait dû être présentée avant toute défense au fond en application des dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale ; Qu'ainsi le moyen doit être déclaré irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 157, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, manque de base légale, en ce que, saisie par la défense de conclusions lui demandant de prononcer la nullité de l'expertise ordonnée par le juge d'instruction, l'expert désigné ne figurant pas sur la liste des cour d'appel et n'ayant pas été désigné par ordonnance spécialement motivée, la Cour d'appel a rejeté cette demande ; au motif que ce moyen n'avait pas été soulevé avant toute défense au fond et n'était donc pas recevable ; alors que les nullités d'ordre public peuvent être invoquées en tout état de cause ; que les dispositions de l'article 157 dernier alinéa, qui exigent que l'ordonnance commettant un expert ne figurant pas sur les listes de la Cour d'appel soit motivée, étant d'ordre public, leur violation pouvait être invoquée en tout état de cause et la Cour d'appel avait l'obligation de constater la nullité de l'expertise faite dans de telles conditions ;
Attendu que, saisie de conclusions tendant à faire prononcer la nullité d'une expertise ordonnée par le juge d'instruction pour violation des dispositions de l'article 157 dernier alinéa du Code de procédure pénale, la Cour d'appel a déclaré cette demande irrecevable au motif qu'elle n'a pas été présentée avant toute défense au fond ;
Attendu qu'en statuant ainsi les juges ont donné une base légale à leur décision sans encourir les griefs au moyen ; qu'en effet, aux termes de l'article 385 du Code sus-rappelé, les exceptions tirées de la nullité soit de la citation soit de la procédure antérieure doivent, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond ; que cet article, conçu en termes généraux, concerne sans faire de distinction toutes les nullités pouvant avoir été commises jusqu'à et y compris la délivrance de la citation ; Qu'il s'ensuit que le moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 164, alinéa 2, 118, 121, 106 et 107 du Code de procédure pénale, en ce que les experts, dûment autorisés par le juge d'instruction, ont procédé à l'interrogatoire de l'inculpé sans établir aucun procès-verbal de cet interrogatoire, dont ils ont simplement donné un résumé dans leur rapport ; alors que, dès lors qu'ils procèdent à l'audition de l'inculpé, les experts sont tenus, à peine de nullité, d'établir un procès-verbal d'interrogatoire dans les formes prévues par les articles 106 et 107 du Code susvisé ; qu'ainsi le rapport d'expertise est nul ainsi que la procédure subséquente ;
Attendu que les experts commis par le juge d'instruction ont, sur délégation de ce magistrat agissant en application des dispositions de l'article 164, alinéa 2 du Code de procédure pénale, entendu l'inculpé dont ils ont résumé les dires en leur rapport ;
Attendu que, pour rejeter l'exception présentée devant les premiers juges avant toute défense au fond et fondée sur une prétendu nullité du rapport d'expertise faute d'établissement d'un procès-verbal d'interrogatoire établi conformément aux prescriptions des articles 106 et 107 du même code, la Cour d'appel énonce que " aucun texte légal n'imposant aux experts de reproduire mot par mot les questions posées et les réponses fournies " aucune violation de la loi ne saurait être invoquée ;
Attendu qu'en statuant ainsi les juges ont donné une base légale à leur décision sans encourir les griefs du moyen ; qu'en effet, l'article 164, alinéa 2, du Code de procédure pénale précise que, dans le cas prévu par cet article, la seule obligation commune à tous ceux procédant à l'interrogatoire d'un inculpé est d'observer les formes et conditions édictées par les articles 118 et 119 dudit code ; que les experts régulièrement délégués pour accomplir un tel acte n'ont par suite à rendre compte de l'exécution de leur mission que dans le rapport qu'ils sont tenus de rédiger par application des dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale ; Que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale,
En ce que le prévenu a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis du chef d'abus de confiance ;
Aux motifs que s'il nie les détournements qui lui sont reprochés en soutenant que les bons d'éclatement étaient établis par le cabinet Y... et Z... sans sa participation, ses dénégations sont contredites par les déclarations de Y..., A... et Z... et que si les premiers bons d'éclatement ont bien été dressés par le cabinet Y... conformément aux situations mensuelles établies par Z..., c'est par la suite X... qui a joué le rôle prépondérant et qu'il résulte du dossier que c'est lui qui adressait personnellement à la banque " des lettres de répartition " destinées à hâter la ventilation des fonds et que les bons d'éclatement conformes à ces lettres étaient établis ensuite sur ses propres directives ; qu'ainsi il a fait verser à la société dans laquelle il avait des intérêts des sommes qu'il avait mandat de répartir entre les diverse entreprises du groupement ;
Alors que la Cour a délaissé les conclusions par lesquelles le prévenu avait fait valoir, d'une part, qu'il résulte de la déclaration d'un témoin, Mme B..., que même lorsque les bons d'éclatement étaient établis a posteriori par le cabinet Y..., c'était toujours ce cabinet qui, par téléphone, indiquait à l'entreprise C...-X... la manière dont devait être effectuée la répartition, d'autre part que c'était Y..., seul, et non pas lui, qui était intervenu dans toutes les relations du groupement avec la société Cegco, successeur de la société Courville dans l'attribution du lot électricité, qui avait reçu la somme de 431 879,79 francs ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces deux moyens péremptoires de défense, la Cour de Dijon a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs que X..., mandataire d'un groupement d'entreprises chargées de la construction de 337 logements, avait pour mission de répartir entre ces diverses entreprises les fonds versés par le maître de l'ouvrage au vu de bons d'éclatement établis par un métreur et signés, après vérification, par l'architecte Y... ou son délégué ; que l'expertise judiciaire diligentée avait établi " que de nombreux bons d'éclatement ne correspondent pas en fait aux situations des travaux " et que notamment la société dans laquelle le demandeur avait des intérêts avait bénéficié de sommes indues ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de X... par lesquelles il soutenait avoir toujours agi sur instructions du cabine Y... et pour déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance, les juges relèvent que celui-ci " adressait personnellement à la banque des lettres de répartition destinées à hâter la ventilation des fonds et que les bons d'éclatement conformes à ces lettres étaient établis ensuite sur ses propres directives " ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le demandeur dans tous les détails de son argumentation et qui a répondu à tous les chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.