STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX,
CONTRE UN ARRET DE LADITE COUR (CHAMBRE CORRECTIONNELLE) EN DATE DU 15 MAI 1984 QUI, SUR RENVOI APRES CASSATION, A RELAXE X... MARTIN DU CHEF D'INFRACTION A LA POLICE DE LA PECHE ET, STATUANT PAR DEFAUT A L'EGARD DU SYNDICAT DES MARINS DE SAINT-JEAN-DE-LUZ, PARTIE CIVILE, A DEBOUTE CELUI-CI DE SES DEMANDES ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LA COMPETENCE :
ATTENDU QUE X... MARTIN, CAPITAINE D'UN NAVIRE DE PECHE IMMATRICULE EN ESPAGNE, A ETE POURSUIVI SOUS LA PREVENTION D'INFRACTION A L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 MODIFIEE, POUR AVOIR PECHE DANS LES EAUX TERRITORIALES FRANCAISES SANS DETENIR LA LICENCE EXIGEE PAR LE REGLEMENT DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES EN VIGUEUR A LA DATE DES FAITS ;
QU'UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PAU EN DATE DU 27 JUIN 1978 L'A RELAXE DE CE CHEF AUX MOTIFS QU'EN APPLICATION DE LA CONVENTION DE LONDRES DU 9 MARS 1964 ET DE L'ECHANGE DE NOTES ENTRE LA FRANCE ET L'ESPAGNE DU 23 JUILLET 1967, LES RESSORTISSANTS ESPAGNOLS JOUISSAIENT A TITRE PERMANENT DU DROIT DE PECHER TOUTES LES ESPECES SUR LA COTE ATLANTIQUE DEPUIS L'EMBOUCHURE DE LA BIDASSOA JUSQU'AU PARALLELE DE LA POINTE NORD DE BELLE-ILE ET QUE LES REGLEMENTS DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, QUI RESTREIGNAIENT TRES RIGOUREUSEMENT LE DROIT DE PECHE ET COMPORTAIENT UN CARACTERE DISCRIMINATOIRE, ETAIENT INOPPOSABLES AUX PECHEURS ESPAGNOLS EN CE QU'ILS AVAIENT DE CONTRAIRE AUX ACCORDS PRECITES ;
ATTENDU QUE LE MOYEN PRODUIT PAR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PAU CONTRE CETTE DECISION INVOQUAIT LA VIOLATION DE DIVERS TEXTES, DONT LA LOI DU 1ER MARS 1888, AUX MOTIFS ESSENTIELS QUE, SELON LA CONVENTION DE LONDRES ET L'ACCORD FRANCO-ESPAGNOL, LA FRANCE AVAIT LE DROIT DE REGLEMENTER LA PECHE A L'EGARD DES NAVIRES ESPAGNOLS DANS LA ZONE DES 6 A 12 MILLES ET QUE LES REGLEMENTS COMMUNAUTAIRES CRITIQUES, INTEGRES A L'ORDRE JURIDIQUE DES ETATS MEMBRES, CONSTITUAIENT UNE NOUVELLE REGLEMENTATION, DE CARACTERE NON DISCRIMINATOIRE, QUI RESTREIGNAIT LES DROITS DE PECHE, SANS LES SUPPRIMER, ET QUI ABROGEAIT IMPLICITEMENT LE DECRET DU 23 FEVRIER 1968 ;
ATTENDU QUE, STATUANT SUR UNE QUESTION PREJUDICIELLE POSEE PAR UN ARRET DE CETTE CHAMBRE DU 7 JUILLET 1980, DANS UNE PROCEDURE CONCERNANT UN AUTRE PREVENU, LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, PAR ARRET DU 8 DECEMBRE 1981, A DECIDE QU'IL N'EXISTAIT AUCUN ELEMENT DE NATURE A AFFECTER LA VALIDITE DU REGLEMENT DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES N° 2160-77 DU 30 SEPTEMBRE 1977 ET QUE LES DISPOSITIONS DE CE REGLEMENT ETAIENT OPPOSABLES AUX PECHEURS ESPAGNOLS ;
QUE LA CHAMBRE CRIMINELLE EN A DEDUIT QUE LA COUR D'APPEL DE PAU, EN STATUANT COMME ELLE L'AVAIT FAIT, AVAIT MECONNU LA VALEUR ET LA PORTEE DES TEXTES REGISSANT LA PECHE DANS LES EAUX TERRITORIALES ;
QUE LA CASSATION A ETE PRONONCEE PAR ARRET DU 15 MARS 1983 ;
ATTENDU QUE POUR RELAXER, A SON TOUR, LE PREVENU, LA JURIDICTION DE RENVOI, TOUT EN RAPPELANT QUE LA DECISION DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES S'IMPOSE AUX JURIDICTIONS FRANCAISES, RETIENT ESSENTIELLEMENT QU'UN REGLEMENT COMMUNAUTAIRE NE PEUT NI CREER UNE INFRACTION NI MODIFIER LES ELEMENTS CONSTITUTIFS D'UNE INFRACTION DEJA EXISTANTE ;
ATTENDU QUE LE MOYEN PRODUIT PAR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX A L'APPUI DU POURVOI FORME CONTRE CETTE DECISION FAIT GRIEF AUX JUGES D'AVOIR AINSI MECONNU LES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 ET DU DECRET DU 3 JUIN 1967 QUI INTERDISENT LA PECHE DANS LES EAUX TERRITORIALES AUX CAPITAINES DE NAVIRES ETRANGERS NON BENEFICIAIRES D'UNE DEROGATION ET QUI REPRIMENT LADITE INFRACTION ;
ATTENDU QU'IL RESSORT DE CETTE ANALYSE QUE LES DEUX COURS D'APPEL QUI ONT SUCCESSIVEMENT STATUE ONT FONDE LEUR DECISION DE RELAXE SUR DES MOTIFS DIFFERENTS ET QUE LE MOYEN ACTUELLEMENT SOUMIS A L'EXAMEN DE LA CHAMBRE CRIMINELLE EST LUI AUSSI DISTINCT DE CELUI QUI AVAIT ETE PRODUIT CONTRE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PAU ;
QUE, DES LORS, LE RENVOI DEVANT L'ASSEMBLEE PLENIERE NE S'IMPOSE PAS ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION DU PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 ;
VU LEDIT ARTICLE ;
ATTENDU QUE S'IL EST VRAI QUE LES REGLEMENTS COMMUNAUTAIRES SONT PAR EUX-MEMES DEPOURVUS DE SANCTION PENALE, CE PRINCIPE NE SAURAIT METTRE OBSTACLE A L'APPLICATION D'UNE LOI INTERNE QUI REPRIME L'EXERCICE DE CERTAINES ACTIVITES A MOINS QUE CELUI QUI S'Y LIVRE NE BENEFICIE D'UNE DEROGATION ACCORDEE CONFORMEMENT AUX REGLEMENTS EN VIGUEUR ;
ATTENDU QU'IL RESSORT DE L'ARRET ATTAQUE QUE LE 3 NOVEMBRE 1977, X... MARTIN A ETE SURPRIS EN ACTION DE PECHE AU LARGE DE BAYONNE DANS LA PORTION DES EAUX TERRITORIALES FRANCAISES S'ETENDANT ENTRE 6 ET 12 MILLES NAUTIQUES AU-DELA DES COTES, ALORS QU'IL ETAIT DEPOURVU DE LA LICENCE EXIGEE PAR LE REGLEMENT DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES EN DATE DU 30 SEPTEMBRE 1977 ;
ATTENDU QUE POUR RELAXER LE PREVENU DU CHEF D'INFRACTION A L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 MODIFIEE ET DEBOUTER LE SYNDICAT DES MARINS DE SAINT-JEAN-DE-LUZ, PARTIE CIVILE, LA COUR D'APPEL RETIENT QUE LA DECISION PRECITEE DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EST OPPOSABLE AUX PECHEURS ESPAGNOLS MAIS DANS LES SEULS DOMAINES QUI SONT DE SA COMPETENCE, CE QUI EXCLUT LE DOMAINE PENAL, ET QU'UN REGLEMENT DE LA COMMUNAUTE NE PEUT NI CREER UNE INFRACTION NOUVELLE NI MODIFIER LES ELEMENTS CONSTITUTIFS D'UNE INFRACTION EXISTANTE ;
QUE POUR QU'UN TEL REGLEMENT AIT DES SUITES PENALES, IL EST NECESSAIRE QU'UN TEXTE NATIONAL RENVOIE AU TEXTE COMMUNAUTAIRE " POUR DEFINIR LES NORMES OU LES ELEMENTS DE L'INFRACTION, ICI, L'ESPACE GEOGRAPHIQUE, DANS LEQUEL SERA APPLICABLE AUX PECHEURS ESPAGNOLS L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 MODIFIEE " ;
MAIS ATTENDU QUE, CONTRAIREMENT A CE QU'ENONCENT LES JUGES, LE CHAMP D'APPLICATION TERRITORIAL DE LA PROHIBITION FAITE AUX CAPITAINES DE NAVIRES ETRANGERS DE SE LIVRER A LA PECHE EST CLAIREMENT DEFINI PAR LADITE LOI QUI SE REFERE EXPRESSEMENT AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 2 ET 3 DU DECRET N° 67-451 DU 7 JUIN 1967 D'OU IL RESULTE, D'UNE PART, QUE LA PECHE EST INTERDITE AUX NAVIRES ETRANGERS DANS UNE ZONE DE 12 MILLES MARINS MESURES A PARTIR DES LIGNES DE BASE DE LA MER TERRITORIALE, D'AUTRE PART, QUE DES DROITS DE PECHE POURRONT ETRE ACCORDES, PAR DEROGATION A CETTE INTERDICTION, DANS LES CONDITIONS FIXEES PAR DES DECRETS ;
ATTENDU, EN OUTRE, QUE LE DECRET N° 68-209 DU 23 FEVRIER 1968 QUI REGLEMENTAIT EN DROIT INTERNE LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LES NAVIRES ESPAGNOLS ETAIENT ADMIS A PRATIQUER LA PECHE DANS UNE PARTIE DE LA ZONE DE PECHE RESERVEE FRANCAISE A ETE ABROGE PAR LES REGLEMENTS DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, INTEGRES A L'ORDRE JURIDIQUE DES ETATS MEMBRES, ET QUI, A PARTIR DE FEVRIER 1977, ONT FIXE DES MESURES INTERIMAIRES DE CONSERVATION DES RESSOURCES DE PECHE ET DETERMINE, POUR LES NAVIRES EN QUESTION, LES MODALITES D'EXERCICE DE LEUR ACTIVITE DANS LES ZONES DE PECHE DES ETATS MEMBRES ;
QUE, DES LORS, LES CAPITAINES DE NAVIRES ESPAGNOLS QUI SE LIVRENT A LA PECHE DANS LES EAUX TERRITORIALES FRANCAISES, EN DEHORS DES CAS OU ILS SONT AUTORISES A LE FAIRE EN APPLICATION DES REGLEMENTS EN VIGUEUR, TOMBENT SOUS LE COUP DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 1ER MARS 1888 MODIFIEE ;
D'OU IL SUIT QU'EN STATUANT COMME IL L'A FAIT, L'ARRET ATTAQUE A VIOLE, PAR REFUS D'APPLICATION, LADITE LOI ET QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX EN DATE DU 15 MAI 1984, SAUF EN CELLES DE SES DISPOSITIONS CONCERNANT L'ACTION CIVILE EXERCEE PAR LE SYNDICAT DES MARINS DE SAINT-JEAN-DE-LUZ, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE RENNES, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.