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11/02/1986 | FRANCE | N°84-94952

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 février 1986, 84-94952


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
- la Société " La Redoute Catalogue ",
contre un arrêt du 21 septembre 1984 de la Cour d'appel de Douai (4e chambre) qui, dans une procédure suivie contre Y... Joseph, Z... Gérard et X... Jean-Claude, des chefs de contrefaçon de modèle et débit d'objets contrefaisants, a condamné le dernier nommé à des réparations civiles et a déclaré ladite société civilement responsable ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 11

mars 1957, de l'article 425 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pén...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Claude,
- la Société " La Redoute Catalogue ",
contre un arrêt du 21 septembre 1984 de la Cour d'appel de Douai (4e chambre) qui, dans une procédure suivie contre Y... Joseph, Z... Gérard et X... Jean-Claude, des chefs de contrefaçon de modèle et débit d'objets contrefaisants, a condamné le dernier nommé à des réparations civiles et a déclaré ladite société civilement responsable ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 11 mars 1957, de l'article 425 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué déclare X... coupable de contrefaçon envers la société des établissements Goldner et la société Redoute Catalogue civilement responsable, les condamnant de ce chef ;
" aux motifs que le tee-shirt dont ladite société Goldner incriminait la reproduction serait une création protégeable au titre de la législation sur la propriété artistique, qu'il était purement et simplement reproduit et que l'état de nécessité ne pouvait être valablement allégué ;
" alors que l'arrêt omet ainsi totalement de répondre au moyen de X... et de la Redoute Catalogue pris de ce que la société Goldner ne rapportait pas la preuve de sa qualité de créateur et des droits qu'elle invoquait sur ledit modèle ; qu'en s'abstenant d'examiner ce chef péremptoire des conclusions dont elle était saisie, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ; "
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des loi du 11 mars 1957 et 12 mars 1952, de l'article 425 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué déclare X... et la Redoute Catalogue coupables de contrefaçon à l'égard de la société Goldner, s'agissant de la reproduction d'un tee-shirt ;
" au motif que cet article vestimentaire obéissant aux normes générales de la mode féminine lors de la saison estivale considérée serait néanmoins affecté d'une certaine originalité, qu'il a été reproduit par la Redoute et que celle-ci ne saurait invoquer un état de nécessité ;
" alors que l'arrêt omet ainsi de répondre au moyen des conclusions de X... et de la Redoute faisant valoir que ledit modèle justiciable du régime spécifique de la loi du 12 mars 1952 propre aux industries saisonnières de l'habillement et de la parure, n'était plus protégeable lors de la prétendue contrefaçon ; "
Ces moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et de l'exposé des faits des premiers juges, auquel il se réfère expressément, que la société des Etablissements Goldner a fait fabriquer sous la marque JAVIC et la référence " Trou-Trou ", un modèle caractéristique de " tee-shirt " ; que le 1er octobre 1981 elle a obtenu de la société La Redoute une commande de ces vêtements ; que s'étant vu restituer par leur client certains articles, estimés défectueux, les responsables de la société Goldner ont constaté que ceux-ci ne provenaient pas de leurs établissements ; qu'ils ont alors demandé des explications aux dirigeants de " La Redoute ", lesquels ont indiqué que, par crainte de ne pas recevoir à temps la livraison promise, ils n'avaient eu d'autre solution que de faire reproduire par un autre fabricant le modèle concerné ; qu'une saisie opérée sur l'initiative de la société Goldner a révélé que 21 750 pièces avaient été ainsi confectionnées, à la demande de " La Redoute ", et stockées par cette firme sous la même référence que celle des articles livrés par la première de ces entreprises ; que poursuivis pour contrefaçon, Y..., président du directoire de la société La Redoute, Z..., président-directeur général de la " Société Nouvelle d'Extension La Redoute ", et X..., président-directeur général de la société " La Redoute Catalogue ", ont été relaxés par le tribunal qui a mis hors de cause lesdites sociétés, citées comme civilement responsables, et a débouté de ses demandes la société des établissements Goldner, partie civile ;
Attendu que pour infirmer le jugement en ce qui concerne X... et déclarer les faits précités établis à la charge de celui-ci, en relevant " qu'en sa qualité de président-directeur général de la société " Redoute Catalogue ", il a assuré la responsabilité tant des relations contractuelles avec la société Goldner que de la recherche d'un produit de substitution ", la juridiction du second degré souligne que l'examen des modèles contrefaits et contrefaisants démontre " qu'il s'agit d'un article vestimentaire obéissant aux normes générales de la mode féminine lors de la saison estivale considérée, mais dont la coupe et les coloris spécialement agencés ont ainsi un certain " cachet " et sont affectés dans le détail (épaulettes, emmanchures) de " petits riens " qui le rangent hors du champ de la banalité et en font un article unique, sans antériorité en ce sens qu'il n'est la copie d'aucun autre, très individualisé, fruit exclusif de l'imagination et du talent artistique de son créateur " ;
Attendu que la même juridiction considère ensuite " qu'il est constant que La Redoute n'a pas voulu reproduire cet article en " approchant ", mais bel et bien à " faire pareil " et a fait exécuter l'imitation servile de l'article commandé par sa clientèle sur catalogue, et ce en partant d'une photographie ; que c'est donc à juste raison que la société Goldner voit dans l'identité de la reproduction la preuve de la contrefaçon de sa propre création ; que le fait est d'autant plus patent que la publicité de La Redoute a été réalisée par le moyen du modèle de la société Goldner " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la Cour d'appel qui a répondu, pour les écarter, aux conclusions du prévenu, dont elle n'était pas tenue de suivre dans le détail l'argumentation, a souverainement estimé établis, au regard des textes visés par la citation sur l'application desquels ne sauraient influer les dispositions invoquées de la loi du 12 mars 1952, les faits reprochés au demandeur ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens, qui ne peuvent en conséquence être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la loi du 11 mars 1957, de l'article 425 du Code pénal, de l'article 64 du même Code, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué déclare X... et La Redoute Catalogue coupables de contrefaçon au détriment de la société Goldner ;
" au motif notamment " que les prévenus arguent qu'ils risquaient une rupture de stock et qu'ils se trouvaient ainsi en " état de nécessité " ; que cette circonstance, fût-elle avérée, ne les autorisait pas de toute façon à copier un modèle d'un de ces fournisseurs, aucune clause du contrat les liant à ce dernier ne l'y autorisant, comme ils l'ont reconnu ; que la contrefaçon invoquée par la partie civile est donc établie " ;
" alors, d'une part, qu'il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu a agi sous l'empire d'un fait justificatif objectif, c'est-à-dire d'un état de nécessité ; que le délit de contrefaçon n'échappe pas à ce principe et qu'en en décidant autrement la Cour a violé la loi ;
" alors, d'autre part, que par nature même l'état de nécessité n'implique pas, contrairement à ce que décide l'arrêt, l'autorisation par contrat des faits incriminés mais se situe au contraire hors de cette prévision ; "
Attendu que pour exclure l'état de nécessité que faisait valoir X... en arguant qu'il risquait une rupture de stocks, les juges d'appel énoncent que cette circonstance, fût-elle avérée, ne l'autorisait pas de toute façon à copier un modèle d'un de ses fournisseurs, aucune clause du contrat le liant à ce dernier ne l'y autorisant ;
Attendu qu'ayant ainsi implicitement considéré que le prévenu disposait d'autres solutions que la commission d'un délit de contrefaçon pour pallier les simples difficultés commerciales que pouvait créer une défaillance de son fournisseur, à supposer que celle-ci fût démontrée, les juges ont à bon droit décidé que les circonstances de l'espèce ne caractérisaient nullement l'état de nécessité ;
D'où il suit que ce moyen ne peut davantage être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-94952
Date de la décision : 11/02/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONTREFACON - Dessins et modèles - Caractère de nouveauté et d'originalité de l'objet contrefait - Imitation servile - Constatations suffisantes.

1° et 2° Justifie sa décision au regard des dispositions, tant des articles 425 et suivants du Code pénal que de la loi du 12 mars 1952 sur les industries saisonnières de l'habillement et de la parure, une Cour d'appel qui, après avoir souligné les caractères d'originalité et de nouveauté permettant à un modèle de vêtement de bénéficier de la protection légale, constate l'imitation servile de celui-ci par le prévenu et relève que la contrefaçon reprochée s'est produite au cours d'une même saison estivale.

2° CONTREFACON - Dessins et modèles - Industries saisonnières de l'habillement et de la parure - Créations artistiques - Caractère de nouveauté et d'originalité de l'objet contrefait - Imitation servile - Constatations suffisantes.

3° ETAT DE NECESSITE - Conditions - Rupture de stocks (non).

3° Ecarte à bon droit l'état de nécessité allégué par le prévenu la même Cour d'appel qui, pour réfuter l'argumentation dans laquelle ce dernier faisait état d'une rupture de stocks inopinée, estime que l'intéressé disposait d'autres solutions que la commission d'un délit de contrefaçon pur pallier les simples difficultés commerciales que pouvait créer une défaillance de son fournisseur, à supposer que celle-ci fut démontrée et qu'ainsi les circonstances de l'espèce ne caractérisaient nullement le fait justificatif invoqué (1).


Références :

(1)
Code pénal 425 S.
Loi du 12 mars 1952

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 21 septembre 1984

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1971-11-04, bulletin criminel 1971 N° 301 p. 744 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1974-11-26, bulletin criminel 1974 N° 346 p. 874 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 fév. 1986, pourvoi n°84-94952, Bull. crim. criminel 1986 N° 54 p. 126
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 54 p. 126

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bruneau, Conseiller le plus ancien faisant fonctions -
Avocat général : Avocat général : M. de Sablet -
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Morelli -
Avocat(s) : Avocats : La Société civile professionnelle Riché-Blondel et M. Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.94952
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