CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 10 mai 1985 qui, pour non-assistance à personne en danger, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement avec maintien en détention, ainsi qu'à des réparations civiles ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 49, 191 et suivants, 510 et 591 du Code de procédure pénale, vice de forme, ensemble violation des droits de la défense, violation des principes généraux du droit ;
" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence où siégeaient M. Albertini, faisant fonction de président, MM. Saurel et Chaussiers, conseillers ;
" alors, d'une part, que la Cour d'appel ainsi composée ne pouvait pas se présenter objectivement comme un tribunal impartial au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet la seule circonstance que Monsieur le Conseiller Saurel avait, comme membre de la Chambre d'accusation, rendu l'arrêt du 5 septembre 1984 confirmant l'ordonnance du magistrat instructeur renvoyant X... devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger et avait par conséquent nécessairement un préjugé sur le dossier transmis dans son intégralité à la Chambre d'accusation en application de l'article 197, alinéa 3, du Code de procédure pénale, entraînait par là même un risque objectif de partialité ;
" alors, d'autre part, qu'en fait, en l'espèce, l'arrêt de la Chambre d'accusation rendu le 5 septembre 1984 au vu d'un supplément d'information ordonné par un précédent arrêt en date du 25 mai 1983 et après inculpation du demandeur du chef d'homicide involontaire a, pour confirmer l'ordonnance du magistrat instructeur en date du 14 février 1983, examiné dans leur ensemble les faits donnant lieu à renvoi devant la juridiction correctionnelle en sorte que le magistrat qui a participé à cet arrêt ne pouvait demeurer libre de se former en toute objectivité une opinion sur la culpabilité du prévenu ; "
Vu lesdits articles ;
Attendu que ne peuvent faire partie de la Chambre correctionnelle d'une Cour les magistrats qui dans l'affaire soumise à la juridiction de jugement ont participé à un arrêt de la Chambre d'accusation dans lequel il a été discuté et statué sur des faits qui ont provoqué pour partie le renvoi des prévenus devant le tribunal correctionnel ;
Attendu que par un premier arrêt en date du 25 mai 1983 et alors qu'elle était saisie par les époux Y..., parties civiles, de l'appel par eux formé à l'encontre d'une ordonnance du juge d'instruction qui avait renvoyé Michel X... et divers co-inculpés devant le tribunal correctionnel du chef de non-assistance à personne en danger et qui avait dit n'y avoir lieu à suivre contre quiconque des chefs d'escroquerie et d'homicide involontaire, la Chambre d'accusation a infirmé pour partie cette ordonnance, et après évocation, a désigné l'un des conseillers la composant pour procéder, par supplément d'information, à l'inculpation de Michel X... et de trois autres personnes du chef complémentaire d'homicide involontaire ;
Que par un second arrêt en date du 5 septembre 1984, la Chambre d'accusation de la même Cour, dont l'un des conseillers était M. Saurel, a déclaré " qu'autrement composée et éclairée par le mémoire déposé le 23 juillet 1984, elle n'estimait pas devoir retenir à l'encontre des personnes qu'elle avait fait inculper la prévention d'homicide involontaire ; qu'elle ne pouvait donc que renvoyer celles-ci devant le tribunal correctionnel sous la prévention de non-assistance à personne en danger visée à l'ordonnance de renvoi querellée, ordonnance qu'elle confirmait expressément malgré les contestations des parties civiles en affirmant que la juridiction d'instruction du second degré ne pouvait, sur leur seul appel, modifier l'ordonnance de renvoi dans un sens défavorable à leurs intérêts ; "
Attendu, par ailleurs, qu'appelée à se prononcer sur l'appel du jugement du tribunal correctionnel devant lequel Michel X... avait été renvoyé, la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel, lors de l'arrêt aujourd'hui attaqué, se trouvait composée par un président et deux conseillers, l'un de ces derniers étant M. Saurel, lequel avait déjà participé le 5 septembre 1984 à l'arrêt de la Chambre d'accusation ayant discuté des faits qui, pour certains d'entre eux, l'avaient conduite à confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant renvoyé Michel X... et divers co-inculpés devant la juridiction pénale de jugement ;
Que, dès lors, cette Cour d'appel étant illégalement composée, sa décision encourt la cassation ;
Par ces motifs, et sans avoir à examiner le second moyen de cassation proposé,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions concernant Michel X... l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 mai 1985, et pour être jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Montpellier.