CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Maurice,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rennes, Chambre correctionnelle, en date du 17 mai 1985 qui, dans une poursuite exercée contre lui du chef d'infraction au Code de l'urbanisme, s'est prononcé sur sa requête en reversement d'astreinte.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 480-7 modifié par la loi du 31 décembre 1976, et L. 480-8 du Code de l'urbanisme, 593 et 710 du Code de procédure pénale, des règles de la compétence, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a : " au fond, annulé le jugement déféré et renvoyé X... à se pourvoir dans des conditions régulières devant la juridiction compétente " ;
" au motif que l'astreinte étant recouvrée soit au profit de la commune soit à celui de l'Etat, la juridiction saisie de l'action en reversement devait, pour en fixer éventuellement le montant, apprécier le préjudice résultant de l'infraction et dont la commune devait obtenir réparation ; que s'agissant " d'une instance civile ", la commune devait être appelée en cause, faute de représentation par le Ministère public ; que dès lors le prévenu devait être renvoyé à se pourvoir devant la juridiction civile compétente ;
" alors que, d'une part, les premier et dernier alinéas de l'article L. 480-7 modifié donnent compétence à une même juridiction, le Tribunal correctionnel en premier ressort, pour impartir au contrevenant un délai d'exécution, assortir la décision d'une astreinte et accorder un reversement partiel si l'inobservation dudit délai découle d'une circonstance indépendante de la volonté de l'intéressé ; qu'en déniant cette unité de juridiction, conforme au surplus à la règle générale posée par l'article 710 du Code de procédure pénale, l'arrêt attaqué a méconnu sa propre compétence et violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, l'article L. 480-7 modifié a en vue uniquement l'exécution de la mesure pénale de mise en conformité dans un délai déterminé par le juge ; qu'il n'institue aucun droit à réparation pour la collectivité publique, désignée de façon alternative et dont la présence aux débats n'est pas requise ; qu'au surplus, le critère légal du reversement partiel, méconnu par l'arrêt infirmatif attaqué, n'est pas la mesure d'un préjudice subi par la commune, restée absente des débats, mais bien la circonstance indépendante de la volonté du redevable, l'ayant empêché d'exécuter la condamnation dans le délai imparti " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'astreinte dont peut être assorti l'ordre de mise en conformité d'une construction irrégulièrement édifiée constitue non une réparation civile mais une mesure comminatoire destinée à contraindre à exécution le débiteur d'une obligation de faire et que, selon l'alinéa 4 de l'article L. 480-7 du Code de l'urbanisme, le reversement des astreintes peut être autorisé lorsque la remise en état ordonnée aura été régularisée et que le redevable établira qu'il a été empêché d'observer, par une circonstance indépendante de sa volonté, le délai qui lui a été imparti ;
Attendu en outre que ni l'alinéa 1er dudit article qui prévoit le prononcé de l'astreinte ni l'alinéa 4 qui en autorise le reversement n'exigent la présence aux débats de la commune au profit de laquelle le recouvrement est opéré ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... a été condamné pour infraction au Code de l'urbanisme par le Tribunal correctionnel qui a ordonné la mise en conformité de la construction dans un délai de trois mois sous une astreinte de 200 francs par jour de retard ;
Que l'intéressé, qui n'avait pu achever les travaux dans le délai prescrit, a versé à la commune le montant total des astreintes mises à sa charge ;
Qu'estimant que ce retard ne lui était pas imputable, il a adressé au procureur de la République, une requête afin d'obtenir le reversement desdites astreintes ;
Que le requérant a été avisé par lettre recommandée de la date à laquelle l'affaire serait appelée devant le Tribunal correctionnel, et que cette juridiction a fait droit partiellement à la demande dont elle était saisie ;
Que sur appel, les juges du second degré ont annulé le jugement et renvoyé le requérant " à se pourvoir dans des conditions régulières devant la juridiction compétente " ; qu'à l'appui de leur décision ils énoncent " que pour fixer éventuellement le montant du reversement à accorder, la juridiction saisie doit notamment apprécier le préjudice résultant de l'infraction et dont la commune doit obtenir réparation ; que s'agissant d'une instance civile, il ne saurait être considéré, sans atteinte aux droits de la collectivité publique bénéficiaire de l'astreinte, que celle-ci, qui n'a pas été appelée à la cause, a été valablement représentée par le ministère public " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rennes, en date du 17 mai 1985 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Angers.