Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'ayant fait construire, pour être vendu en copropriété, un ensemble immobilier par la société Quemeneur, entreprise de gros oeuvre, sous la maîtrise d'oeuvre des architectes Mevel et Lemoine, la Société civile immobilière Résidence de Stand Ar C'Hoat fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 15 novembre 1984) d'avoir rejeté sa demande en garantie par la société Quemeneur des condamnations prononcées envers le syndicat des copropriétaires alors, selon le moyen, que, " d'une part, le règlement judiciaire de la société Quemeneur ayant abouti à un concordat, homologué par le jugement du premier décembre 1978, cette société avait, conformément à l'article 74 de la loi du 13 juillet 1967, recouvré la libre administration et disposition de ses biens, entrés dans le patrimoine de la société des Grands Travaux de Bretagne ; que dès lors, s'agissant d'une créance se rattachant à l'action en responsabilité décennale exerçée le 28 janvier 1980 par les propriétaires de l'immeuble ou leur syndicat de copropriétaires, née postérieurement au concordat de l'entreprise appelée en garantie, la société civile immobilière était redevable, contrairement à ce qu'avait décidé le tribunal, à demander paiement à l'entrepreneur lui-même dont la responsabilité a été retenue par les juges du fond ; qu'en décidant le contraire et en limitant les droits de la société civile immobilière au seul exercice de l'action directe contre l'assureur de l'entrepreneur, redevenu in bonis, l'arrêt a violé l'article 74 de la loi du 13 juillet 1967 " ;
Mais attendu qu'il résulte des motifs propres et adoptés de l'arrêt que la créance de la société civile immobilière contre la société Quemeneur est fondée sur les obligations née d'un contrat de louage d'ouvrage conclu et exécuté avant la mise en règlement judiciaire de l'entrepreneur ; que dès lors que cette créance était soumise aux exigences de la procédure collective intervenue, la société civile immobilière, malgré l'homologation d'un concordat, ne pouvait en demander paiement à la société Quemeneur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, en tant qu'il concerne l'assureur de l'entrepreneur :
Attendu que la société civile immobilière fait grief à l'arrêt de n'avoir pas prononcé une condamnation in solidum des constructeurs et de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (S.M.A.B.T.P.), assureur de la société Quemeneur, alors, selon le moyen, que, chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ; qu'en l'espèce, la société civile immobilière avait expressément sollicité, à titre de garantie du chef des désordres aux bâtiments, la condamnation in solidum des architectes et de l'entreprise Quemeneur, celle-ci étant tenue par des manquements constatés dans l'acte de construction que l'arrêt attaqué, qui ne remplit pas de ses droits la société civile immobilière par le seul accueil de l'action directe contre la S.M.A.B.T.P., vu la franchise contractuelle et l'opposabilité du partage bénéficiant à cet assureur, d'ailleurs à tort, a violé les articles 1147 et 1203 du
Code civil ;
Mais attendu, que la société civile immobilière était irrecevable à demander paiement à la société Quemeneur et, sur l'action contre la S.M.A.B.T.P., que le droit de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance et ne peut porter que sur l'indemnité d'assurance telle qu'elle a été stipulée, définie et limitée par ce contrat ; qu'en retenant que les clauses limitatives de la police étaient opposables à la société civile immobilière, notamment celles relatives à la non assurance d'une condamnation in solidum de l'assurée et à la franchise instituée au prorata du coût des travaux, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le moyen invoqué pris en sa seconde branche, en ce qui concerne les architectes :
Vu les articles 1792 et 1203 du Code civil ;
Attendu que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée ;
Attendu qu'après avoir retenu que la mauvaise exécution des travaux de façade par l'entreprise Quemeneur démontrait que les architectes n'avaient pas exécuté leur contrôle avec la diligence requise, l'arrêt condamne les architectes Mevel et Lemoine à garantir la société civile immobilière dans la proportion du tiers des condamnations prononcées envers le syndicat des copropriétaires pour la mise hors d'eau des bâtiments ;
Qu'en statuant par ces seuls motifs sans rechercher si les architectes avaient engagé leur responsabilité dans la réalisation de l'entier dommage subi par la société civile immobilière, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qui concerne l'étendue de l'obligation de la réparation due par les architectes à la société civile immobilière, l'arrêt rendu le 15 novembre 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes, remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers