CASSATION PARTIELLE et sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurances " Groupe Drouot ", partie intervenante,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, Chambre correctionnelle, en date du 3 octobre 1985 qui, dans une poursuite exercée contre X... Jean-Luc des chefs d'homicide et blessures involontaires et contravention au Code de la route, s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense, et les conclusions de mise hors de cause ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la Cour d'appel a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Cogema, employeur de madame Y... et a en conséquence condamné le prévenu et son assureur, le Groupe Drouot, à verser à cet employeur une somme de 54 830,24 francs représentant les salaires versés à la salariée durant son indisponibilité et les charges sociales y afférentes ;
" aux motifs que l'employeur qui, lié par une convention collective comme tel est le cas, a dû acquitter ses propres obligations en réglant à son employée ou pour son employée des salaires et prestations sans bénéficier du travail correspondant de la victime de l'accident, est en droit de demander à l'auteur de l'accident, par le lien direct et certain de causalité de ses règlements, la réparation du préjudice qui lui est ainsi causé par ses règlements, ledit préjudice étant évalué à la somme de 54 830,24 francs représentant 37 733,26 francs de salaires et 17 096,98 francs de charges sociales ;
" alors que les salaires versés à Madame Y... durant son incapacité due à l'accident ainsi que les charges sociales correspondantes, résultant d'obligations contractuelles à la charge de l'employeur, la Cour d'appel, statuant en matière répressive, était incompétente pour faire droit à l'action civile de la Cogema, le dommage invoqué par celle-ci ne rentrant pas dans les prévisions de l'article 2 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le droit d'exercer l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu que statuant sur la réparation des conséquences dommageables d'un accident dont X..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Raymonde Y..., avait été déclaré entièrement responsable, l'arrêt attaqué a condamné le prévenu et son assureur, le Groupe Drouot, à payer à l'employeur de la victime, la Compagnie générale de matières nucléaires S. A. Cogema, la somme de 54 830,24 francs représentant le complément de salaires versé à la blessée pendant une période d'incapacité totale de travail, ainsi que les charges sociales y afférentes ;
Qu'à l'appui de leur décision sur ce point, les juges d'appel énoncent que " l'employeur qui, lié par une convention collective comme tel est le cas, a dû acquitter ses propres obligations en réglant à son employée ou pour son employée des salaires et prestations sans bénéficier du travail correspondant de la victime de l'accident, est en droit de demander à l'auteur de l'accident la réparation du préjudice qui lui est ainsi causé par ses règlements " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que l'employeur, qui n'était pas personnellement victime du délit de blessures involontaires reproché au prévenu, n'était pas recevable à saisir la juridiction répressive d'une demande de dommages-intérêts et ne pouvait réclamer qu'à la juridiction civile réparation du dommage résultant pour lui de la faute de X..., la Cour d'appel a méconnu l'étendue de sa compétence ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Poitiers en date du 3 octobre 1985 mais seulement en ce qu'il a condamné X... et le Groupe Drouot à payer à la Cogema une somme de 54 830,24 francs, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.