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06/11/1986 | FRANCE | N°85-12354

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 06 novembre 1986, 85-12354


Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 1984), que M. A..., entrepreneur de travaux agricoles, a pris en location un important domaine rural qui appartient indivisément aux héritiers de M. Y... ainsi qu'à MM. D... et X... ; que M. A..., s'étant abstenu de payer les fermages pendant trois ans, Mme B..., indivisaire agissant seule, l'a mis à deux reprises en demeure d'avoir à s'acquitter des sommes convenues ; que le preneur qui avait obtenu en référé des délais de paiement n'a pas respecté les échéances fixées par le juge ; qu

e M. A... a saisi le Tribunal paritaire d'une action en nullité du fer...

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 1984), que M. A..., entrepreneur de travaux agricoles, a pris en location un important domaine rural qui appartient indivisément aux héritiers de M. Y... ainsi qu'à MM. D... et X... ; que M. A..., s'étant abstenu de payer les fermages pendant trois ans, Mme B..., indivisaire agissant seule, l'a mis à deux reprises en demeure d'avoir à s'acquitter des sommes convenues ; que le preneur qui avait obtenu en référé des délais de paiement n'a pas respecté les échéances fixées par le juge ; que M. A... a saisi le Tribunal paritaire d'une action en nullité du fermage évalué en espèces et en fixation d'un fermage en deniers, en suspension des effets des mises en demeure, tandis que Mme B..., agissant pour le compte des héritiers de M. Y... demandait reconventionnellement la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ;

Attendu que M. A..., admis au règlement judiciaire et assisté de Me C..., syndic, fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en nullité des mises en demeure alors, selon le moyen, d'une part " qu'il résulte de la combinaison des articles L. 411-47 (ancien article 838) et L. 411-53 (ancien article 840) du Code rural que seul le propriétaire du bien loué peut donner congé au preneur et poursuivre la résiliation du bail ; qu'aux termes de l'article 815-2 du Code civil, les mesures nécessaires à la conservation de la chose indivise que peut prendre seul tout indivisaire doivent s'entendre des actes matériels et juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des autres indivisaires ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui se contente de relever l'urgence de la situation et son caractère nécessaire, sans préciser en quoi le défaut de paiement de M. A... exposait le bien indivis en lui-même à un " péril imminent ", autorisant Mme Y... veuve B... à agir seule, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 815-2 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 815-3 du Code civil que les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires et qu'un mandat spécial est nécessaire pour qu'un indivisaire puisse effectuer seul un acte ne relevant pas de l'exploitation normale des biens indivis ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux ; que la délivrance d'un congé au preneur ou la poursuite de son expulsion constituent des actes ne relevant pas de l'administration normale d'un bien indivis ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui ne caractérise pas l'existence d'un mandat spécial conféré par l'indivision Blanchet-Rastoin à Mme Y... veuve B... concernant les mises en demeure délivrées à M. A... et la procédure d'expulsion qui s'en est suivie, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 815-3 du Code civil " ;

Mais attendu que l'arrêt énonce qu'il était nécessaire et urgent, eu égard à l'importance du fermage indiscutablement dû, de mettre le preneur en demeure de payer ; que la cour d'appel en a justement déduit qu'il s'agissait d'un acte conservatoire que pouvait diligenter seul un des coindivisaires ; que par ce motif, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action en résiliation judiciaire du bail diligentée par les seuls héritiers de M. Y..., alors, selon le moyen, " d'une première part, qu'il ressort des conclusions de l'hoirie Blanchet-Rastoin que cette dernière n'a jamais soumis à la cour d'appel un quelconque moyen tiré de ce que M. A... et Me C... ne pouvaient à la fois se prévaloir de droits nés de baux conclus par l'hoirie Blanchet-Rastoin seule et contester le pouvoir de cette dernière de poursuivre seule la résiliation de ces mêmes baux ; qu'un tel moyen appelait nécessairement des observations de la part de M. A... et de Me C... tant, en fait, sur le point de savoir si le preneur connaissait à l'époque de la conclusion des baux l'existence de MM. D... et X..., qu'en droit, sur celui de déterminer l'incidence des conditions dans lesquelles ces baux avaient été conclus sur les conditions devant présider à leur résiliation ; qu'en soulevant ainsi d'office un moyen qui n'était pas dans le débat, sans provoquer les observations des parties, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction et l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile, alors, d'une deuxième part, que s'il appartenait le cas échéant à MM. D... et X... ou à certains membres de l'hoirie Blanchet-Rastoin de se prévaloir de la nullité des baux consentis à M. A..., la cour d'appel n'était saisie que de la recevabilité de l'action en résiliation desdits baux introduite par une partie seulement des coindivisaires des biens loués ; qu'il lui appartenait donc de statuer sur ce point au regard des dispositions des articles L. 411-47 et L. 411-53 (anciennement 838 et 840 du Code rural) conférant le droit de poursuivre la résiliation du bail au seul propriétaire, en l'occurrence l'indivision Blanchet-Rastoin-Vian-Bergeret composée de l'ensemble de ses membres ; qu'en tirant ainsi argument de ce que les baux consentis à M. A... n'avaient été conclus qu'avec l'hoirie Blanchet-Rastoin, circonstance qui n'impliquait pas que cette dernière était seule propriétaire des biens loués au jour de la demande en résiliation des baux considérés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard desdits articles L. 411-47 et L. 411-53 du Code rural, alors, d'une troisième part, qu'il appartenait à l'hoirie Blanchet-Rastoin, qui y avait seule intérêt, de faire intervenir en la cause MM. D... et X... pour régulariser la situation ayant donné lieu à la fin de non-recevoir soulevée par M. A... et Me C... ; qu'en mettant cette régularisation à la charge de ces derniers, alors que l'action en résiliation des baux était uniquement diligentée par l'hoirie Blanchet, la cour d'appel a fait une fausse application des dispositions de l'article 126 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'une quatrième part, qu'il résulte de l'article 815-3 du Code civil que les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de

tous les indivisaires et qu'un mandat spécial est nécessaire pour qu'un indivisaire puisse effectuer seul un acte ne relevant pas de l'exploitation normale des biens indivis ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux ; que la poursuite de l'expulsion du preneur ne relève pas de l'exploitation normale du bien indivis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui justifie le pouvoir de la seule hoirie Blanchet-Rastoin à agir à l'encontre de M. A... et de Me C... par l'existence d'un " mandat général " tacite d'administration que lui auraient donné MM. D... et X..., a violé les dispositions de l'article 815-3 du Code civil, qui exige en pareil cas justification d'un mandat spécial, alors, d'une cinquième part, qu'aux termes de l'article 815-2 du Code civil, les mesures nécessaires à la conservation de la chose indivise que peut prendre seul un indivisaire, ou partie de l'indivision, doivent s'entendre des actes matériels et juridiques ayant pour objet de soustraire le bien indivis à un péril imminent sans compromettre sérieusement le droit des autres indivisaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui ne précise à aucun moment en quoi le défaut de paiement de M. A... exposait les terres indivises à un péril imminent de nature à autoriser la seule hoirie Blanchet à poursuivre la résiliation des baux, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard dudit article 815-2 du Code civil ;

Mais attendu que l'action relative à l'exécution des obligations nées d'un bail relève des actes d'administration normale du bien loué et n'exige pas que celui qui met en oeuvre cette action justifie d'un mandat spécial ; que dès lors, ayant retenu, sans violer le principe de la contradiction, que le preneur n'avait pas payé les loyers depuis trois ans au jour de la demande en résiliation, que le bail avait été consenti par les héritiers de M. Y... , que M. A... n'a eu de rapports qu'avec l'hoirie Blanchet, que connaissant l'existence de MM. D... et X..., il n'a agi que contre les membres de l'hoirie et enfin, que MM. D... et X... ne se sont jamais immiscés dans la gestion des terres, que ce soit pour les louer ou pour percevoir les fruits ou à l'occasion de précédents litiges, la cour d'appel a pu en déduire que les héritiers de M. Y... disposaient d'un mandat général d'administration du domaine connu de M. A... et déclarer recevable la demande en résiliation engagée par les héritiers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du bail alors, selon le moyen, d'une part, que, " dans ses conclusions d'appel, l'hoirie Blanchet-Rastoin se contentait d'alléguer que M. A... et Me C... ne pouvaient se dispenser de payer le montant des fermages tel qu'il avait été fixé par les parties en l'absence d'action en révision du preneur en temps utile ; qu'à aucun moment l'hoirie Blanchet n'a contesté les termes de la note de M. Z... produite aux débats et le fait que le montant des fermages ait dépassé le maximum prévu par arrêté préfectoral ; qu'en estimant ainsi que M. A... et Me C... ne justifiaient pas suffisamment du caractère illicite du montant des fermages réclamés par l'hoirie Blanchet, la cour d'appel a statué au regard d'une contestation qui ne résultait pas des termes du litige et, partant, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et, alors, d'autre part, que la cour d'appel n'était pas saisie du point de savoir si M. A... et Me C... pouvaient obtenir une révision rétroactive du prix de fermage réclamé par l'hoirie Blanchet, question faisant l'objet d'une précédure distincte, mais devait seulement rechercher si le caractère excessif de ce prix au regard de la réglementation préfectorale applicable ne constituait pas une raison sérieuse et légitime de nature à excuser, au sens de l'article L. 411-53 (ancien article 840) du Code rural, les retards de paiement du preneur et, partant, à faire échec à la résiliation du bail pour non-paiement de fermages ; qu'ainsi la cour d'appel, qui s'est contentée de relever le caractère tardif de la demande en révision du prix des fermages introduite par M. A... et Me C..., sans rechercher si le prix excessif réclamé par le bailleur ne constituait pas en lui-même une raison sérieuse et légitime de nature à excuser le retard des paiements des exposants, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-53 du Code rural, alors que la fixation d'un fermage en espèces, contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 411-11 du Code rural (ancien article 812), et dont la conversion peut être exigée à tout moment et rétroactivement par le preneur, constitue une raison sérieuse et légitime de non paiement des fermages, de nature à faire échec à la résiliation du bail ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui s'est contentée d'observer que la sanction d'une telle stipulation était la conversion du fermage sans rechercher si cette même stipulation ne légitimait pas le non-paiement des fermages par le preneur, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-53 du Code rural " ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a souverainement retenu que le preneur n'avait pas rapporté la preuve du caractère excessif des loyers ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui ne s'est pas contentée de relever le caractère tardif de la demande de révision du fermage, a retenu qu'en raison des circonstances économiques et de l'évolution du prix, la conversion du loyer en denrées n'aurait pas eu pour effet de diminuer les sommes dues par M. A... au cours des trois dernières années culturales ;

Que par ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. A... et Me C... font grief à l'arrêt de leur avoir refusé le droit au maintien dans les lieux et d'avoir ordonné leur expulsion alors, selon le moyen, " que selon l'article 411-76, alinéa 3, du Code rural, " si malgré la fixation de l'indemnité provisionnelle ou définitive, le bailleur n'a pas versé ou consigné celle-ci à la date de l'expiration du bail, il ne peut exiger le départ du preneur avant que ce versement ou cette consignation ait été effectuée " ; que ce texte ne signifie nullement que le maintien dans les lieux ne peut être exigé par le preneur sortant que si l'indemnité qui lui est due, ou une provision à valoir sur cette indemnité, a été fixée avant l'expiration du bail et non versée par le bailleur ; que le preneur a droit au maintien dans les lieux tant que l'indemnité n'a pas été fixée et fait l'objet d'une instance même engagée après l'expiration du bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reconnu le droit de M. A... à l'indemnité de sortie et a constaté l'existence d'une instance en fixation de cette indemnité ; qu'en refusant à M. A... le droit au maintien dans les lieux, elle a violé l'article L. 411-76, alinéa 3, du Code rural " ;

Mais attendu que l'article L. 411-76 du Code rural qui prévoit que, si le bailleur n'a pas versé ou consigné l'indemnité de sortie, provisionnelle ou définitive, à la date d'expiration du bail, il ne peut exiger le départ du locataire, ne s'applique pas en cas de résiliation du bail pour faute du preneur ; que, dès lors, l'arrêt qui relève qu'à la suite de la résiliation du bail pour défaut du paiement des loyers, M. A... occupait les lieux sans droit ni titre, retient justement qu'il ne pouvait s'y maintenir en invoquant un droit fondé sur la saisine du juge des référés aux fins de fixation de l'indemnité de sortie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 85-12354
Date de la décision : 06/11/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° INDIVISION - Bail à ferme - Prix - Défaut de paiement - Mise en demeure délivrée par un seul indivisaire - Acte conservatoire - Validité.

BAIL RURAL - Bail à ferme - Preneur - Obligations - Prix - Non-paiement - Pluralité de bailleurs - Mise en demeure délivrée par un seul indivisaire * BAIL RURAL - Bail à ferme - Bailleur - Pluralité de bailleurs - Bailleurs indivis - Mise en demeure délivrée par l'un d'eux - Validité.

1° La cour d'appel qui énonce qu'il était nécessaire et urgent, eu égard à l'importance du fermage incontestablement dû, de mettre le preneur en demeure de payer, en a justement déduit la validité des mises en demeure adressées au preneur par l'un des coindivisaires, propriétaires de l'exploitation, comme constituant des actes conservatoires qu'un coindivisaire pouvait diligenter seul. .

2° INDIVISION - Action en justice - Qualité pour agir - Indivisaire - Indivisaire agissant seul - Action en exécution des obligations d'un bail - Mandat spécial - Nécessité (non).

BAIL (règles générales) - Résiliation - Demande - Qualité pour agir - Bailleur indivis - Mandat spécial - Nécessité (non) * INDIVISION - Administration - Acte d'administration - Action en exécution des obligations d'un bail * BAIL (règles générales) - Bailleur - Pluralité de bailleurs - Bailleur indivis - Bailleur indivis agissant seul - Action en exécution de ses obligations par un preneur - Mandat spécial - Nécessité (non).

2° L'action relative à l'exécution des obligations nées d'un bail relève des actes d'administration normale du bien loué et n'exige pas que celui qui met en oeuvre cette action, telle une demande en résiliation, justifie d'un mandat spécial. .

3° BAIL RURAL - Bail à ferme - Sortie de ferme - Indemnité au preneur sortant - Paiement - Défaut - Faute du preneur - Maintien dans les lieux (non).

BAIL RURAL - Bail à ferme - Preneur - Bail expiré - Maintien dans les lieux - Indemnité de sortie non payée par le bailleur - Faute du preneur - Effet.

3° L'article L. 411-76 du Code rural, qui prévoit que si le bailleur n'a pas versé ou consigné l'indemnité de sortie, provisionnelle ou définitive, à la date d'expiration du bail, il ne peut exiger le départ du locataire, ne s'applique pas en cas de résiliation du bail pour faute du preneur.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18 décembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 06 nov. 1986, pourvoi n°85-12354, Bull. civ. 1986 III N° 151 p. 117
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 III N° 151 p. 117

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Monégier du Sorbier
Avocat général : Avocat général :Mme Ezratty
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jacques Petit
Avocat(s) : Avocats :M. Consolo et la Société civile professionnelle Nicolas, Masse-Dessen et Georges .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.12354
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