Sur le premier moyen :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 novembre 1984), par acte du 29 août 1978 M. Raoul X..., propriétaire de diverses parcelles de terre données en location, a fait délivrer pour le 15 mars 1980 au preneur M. Paul Y... un congé fondé à la fois sur l'âge de celui-ci et sur la volonté de reprendre les terres pour les exploiter personnellement et " à défaut pour le cas où par impossibilité le bailleur en serait empêché, au bénéfice de son fils majeur Christian " ; que M. Paul Y... a quitté les lieux à la date prévue sans avoir contesté le congé ; qu'en février 1983, M. Paul Y... et son fils André qui se prétendait cessionnaire du bail, invoquant tous deux le défaut d'exploitation personnelle et la vente de certaines parcelles, ont assigné M. Raoul X... devant le tribunal paritaire pour obtenir que soit prononcée la nullité du congé fondé sur l'âge du preneur, que soit ordonnée la réintégration dans les terres reprises et que le bailleur soit condamné à leur payer des dommages-intérêts ; que M. Christian X... est intervenu volontairement à l'instance comme exploitant en vertu d'un bail consenti par son père le 15 avril 1983 ; que M. Raoul X... est décédé le 27 août 1983 ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir débouté M. Paul Y... de ses demandes en réintégration et en dommages-intérêts, alors, selon le moyen, " que le bailleur qui a délivré un congé fondé sur l'âge du preneur ne comportant pas la mention prescrite à peine de nullité par l'article 845-1 (devenu L. 411-64) du Code rural n'est pas fondé à invoquer la forclusion à l'encontre du preneur qui n'a pas saisi le tribunal paritaire dans le délai de quatre mois après l'échec d'une contestation ; qu'en jugeant cependant que le preneur était forclos, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 411-64 (ancien article 845-1) du Code rural, et alors qu'il ne peut y avoir de renonciation valable à l'action en nullité sans connaissance du vice qui justifiait celle-ci ; que la renonciation à un droit ne résulte que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que l'arrêt attaqué qui déclare que la nullité du congé a été couverte par l'acquiescement du preneur et son délaissement volontaire des lieux suivi de son abstention de déférer dans le délai légal de quatre mois ce congé au tribunal, sans relever aucun acte manifestant sans équivoque la volonté du preneur de renoncer à son droit, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Mais attendu que l'omission dans le congé délivré à plusieurs fins des termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 411-64 du Code rural n'affectant pas la validité de ce congé en tant qu'il était donné en vue d'une reprise pour exploitation personnelle, la cour d'appel a justement retenu qu'en délaissant les terres le 15 mars 1980 et en s'abstenant de saisir le tribunal paritaire dans les quatre mois du congé, le preneur avait acquiescé à la reprise ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir débouté M. André Y... de ses demandes en réintégration et en dommages-intérêts alors, selon le moyen, " que la cession régulière d'un bail rural peut être implicite ; qu'en affirmant que cette cession " en tout état de cause aurait dû être écrite ", la cour d'appel a violé l'article L. 411-35 du Code rural par fausse interprétation, alors que l'autorisation du bailleur à la cession peut être implicite et résulter de l'acceptation de fermages par le cessionnaire ; que l'arrêt attaqué constate que pendant les deux dernières années, le bailleur avait été payé des fermages par M. André Y... ; qu'ainsi l'arrêt a violé les articles L. 411-64 et L. 411-35 du Code rural par refus d'application, alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que M. André Y... a toujours fait valoir qu'il avait cultivé les terres reprises à son père et que les consorts X... n'ont jamais soutenu le contraire ; que la cour d'appel qui relève que " M. André Y... n'a pas fourni la preuve qu'il avait personnellement cultivé les terres louées à son père, seul ou en aidant ce dernier ", alors que ses adversaires n'ont aucunement remis en question la réalité de cette exploitation, a violé par refus d'application l'article 7 du nouveau Code de procédure civile, alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'aucune des parties ne remet en cause la réalité de l'exploitation personnelle des terres litigieuses par M. André Y... qui payait les fermages ; que le juge du fond qui affirme que cette preuve n'était pas rapportée ne respecte pas le principe de la contradiction et viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application " ;
Mais attendu qu'en relevant d'une part, que le fait pour M. André Y... d'avoir payé de ses propres deniers deux années de fermage n'impliquait pas l'accord de M. Raoul X... à la cession du bail et, d'autre part, que M. André Y... n'avait pas contesté la validité du congé qui lui aurait cependant été inopposable si la cession avait été réalisée comme il le prétend, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes en réintégration et en dommages-intérêts alors, selon le moyen, " que la mise en vente, même partielle, de terres postérieurement à la validation du congé pour reprise démontre l'inobservation par le propriétaire-bailleur des conditions d'exploitation personnelle imposées par l'article L. 411-59 du Code rural ; que, dès lors, en admettant que le vendeur avait pu justifier de la reprise des terres, au motif que la vente effectuée par le bailleur ne portait que sur des surfaces fort minimes et ce, sans vérifier si ces surfaces, en dépit de leur étendue n'étaient pas indispensables à l'équilibre de l'exploitation, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 411-64 (ancien article 646) du Code rural, alors que le bailleur est déchu de son droit de reprise, dès lors qu'il a vendu les biens sur lesquels il a prétendu exercer un tel droit, qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que le bailleur avait vendu des parcelles du bien précédemment loué, tant au profit du preneur évincé que d'un tiers ; qu'en refusant de prononcer la déchéance du droit de reprise à la faveur d'un motif erroné et inopérant tiré de ce que le preneur évincé avait lui-même acquis l'une des parcelles vendues, la cour d'appel a violé l'article L. 411-64 (ancien article 646) par refus d'application, alors que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'une cour d'appel ne saurait faire état d'office d'un moyen non invoqué par les parties et sur lequel elles n'ont pas été amenées à s'expliquer ; qu'en évoquant d'office le moyen tiré de la modification du plan d'occupation des sols permettant de résilier le bail, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, alors que l'article 838 (nouvel article L. 411-48) du Code rural dispose que la substitution de bénéficiaire ne peut avoir lieu que si le bénéficiaire principal se trouve dans l'impossibilité d'exploiter par force majeure ; que l'arrêt ne répond pas aux conclusions pertinentes de M. Y... qui faisaient valoir que M. Raoul X... ne justifiait pas de son impossibilité d'exploiter par force majeure et qu'il ne pouvait donc céder le bail à son fils ; que l'arrêt a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile pour défaut de réponse à conclusions " ;
Mais attendu que la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre à un moyen dont elle n'était pas saisie, ayant constaté que la superficie des parcelles vendues par M. X... Raoul étaient d'une importance minime par rapport à celle de l'exploitation reprise, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi