CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X..., épouse Y...,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry du 7 juillet 1986 qui, infirmant sur appel de la partie civile l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, l'a renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu que la chambre d'accusation, pour renvoyer X... épouse Y... devant le tribunal correctionnel, a statué sur le seul appel de la partie civile Z... contre l'ordonnance du juge d'instruction portant non-lieu en sa faveur, le ministère public n'ayant pas usé de la même voie de recours ;
Attendu qu'un arrêt de cette nature, en ce qu'il a fait droit à l'appel de la partie civile aussi bien sur l'action publique que sur l'action civile, constitue une décision définitive que le Tribunal saisi de la connaissance de l'affaire, ne saurait modifier ; qu'il entre dès lors dans la classe des arrêts qui, aux termes de l'article 574 du Code de procédure pénale, sont soumis au contrôle de la Cour de Cassation ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 198 et 593 du Code de procédure pénale et des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a statué au vu d'un mémoire de la partie civile qui n'avait pas été régulièrement communiqué à la défense " ;
Attendu qu'il appert de la procédure et de l'arrêt attaqué que le ministère public a notifié par lettres recommandées expédiées le 5 juin 1986 à chacune des parties et à son conseil que l'affaire serait appelée à l'audience du 1er juillet 1986, que le dossier de la procédure comprenant les réquisitions écrites du procureur général a été déposé ledit jour au greffe de la chambre d'accusation et tenu à la disposition desdits conseils, qu'à la date du 30 juin 1986, ces derniers ont chacun déposé un mémoire visé par le greffier avec indication du jour et de l'heure du dépôt et dont l'arrêt attaqué fait mention ; que lors des débats, le conseil de l'inculpée a présenté des observations sommaires ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que les prescriptions des articles 197, 198 et 216 du Code de procédure pénale ont été observées et que les droits de la défense ont été respectés ; qu'il ne saurait être fait grief aux juges de ne pas avoir relevé le défaut de communication de son mémoire par le conseil de la partie civile à celui de l'inculpée ; que cette formalité incombant aux parties qui usent de la faculté prévue à l'article 198 dudit Code, est dépourvue de sanction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de la violation de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu ledit article ;
Attendu que le ministère public qui requiert une information pour une infraction prévue et réprimée par la loi sur la liberté de la presse, est tenu, à peine de nullité de son réquisitoire, d'articuler et de qualifier les faits et de préciser le texte de la loi édictant la peine dont l'application est demandée ; que s'il est vrai que l'action publique est aussi mise en mouvement par la plainte avec constitution de partie civile, dès que la consignation a été versée, encore faut-il que cette plainte réponde aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; que la nullité est d'ordre public et doit être soulevée d'office tant par les juges que par la Cour de Cassation ;
Attendu qu'à la date du 13 août 1985, Z... s'est constitué partie civile en portant plainte pour " diffamation sur le fondement de l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 modifiée par l'ordonnance du 6 mai 1944 " contre X... épouse Y... à raison des propos que celle-ci aurait proférés à son encontre en présence de plusieurs personnes les 24 et 25 juillet 1985 à la résidence P... ; que cette plainte a été suivie le 13 septembre 1985 d'un réquisitoire introductif du chef de " diffamation en application de l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Attendu que les actes susceptibles de mettre l'action publique en mouvement ne qualifient pas précisément les faits incriminés, ne citent pas le texte de loi applicable à cette qualification, et dès lors ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 50 de la loi précitée ;
Qu'il n'importe que l'arrêt attaqué ait retenu à l'encontre de l'inculpée le délit de " diffamation publique prévu et réprimé par les articles 29, 32 et 23 de la loi du 29 juillet 1881 ", la chambre d'accusation n'ayant d'autre pouvoir que de constater la nullité de la plainte avec constitution de partie civile, celle du réquisitoire introductif et des actes subséquents ;
Qu'en conséquence, faute d'avoir prononcé la nullité de la procédure, sa décision encourt la cassation ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé pour la demanderesse :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry en date du 7 juillet 1986, et attendu que ni l'action publique ni l'action civile n'ont été légalement mises en mouvement,
Dit n'y avoir lieu à renvoi.