Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Z..., que sur le pourvoi incident relevé par les consorts X... : .
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Caen, 7 novembre 1985) que MM. X... et Z... ont conclu une convention en vue du rachat de la société anonyme Léon PLE ; que cet accord comportait des clauses de préemption et de cession d'actions entre les parties et qu'il était prévu qu'en cas de désaccord sur le prix, celui-ci serait fixé conformément aux dispositions de la loi du 24 juillet 1966 ; que faute d'entente sur la valeur des actions cédées par M. X... à M. Z... un expert a été nommé pour déterminer le prix de cession ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le prix des actions cédées est celui établi par M. Y..., alors, selon le pourvoi, que l'interdiction faite aux parties d'apporter au travail de l'expert, sous le contrôle du juge, les correctifs qui peuvent se révéler nécessaires ne ressort ni de la convention des parties, ni des textes légaux auxquels elle se réfère ; que l'expert désigné conformément aux dispositions légales, s'il reçoit mission de déterminer la valeur des droits cédés, n'en est pas moins nommé comme expert et non comme arbitre et que les parties conservent un droit de regard sur la manière dont il a procédé ; que toute erreur de l'expert, dès lors qu'elle a eu une incidence déterminable et chiffrable sur l'évaluation du prix de cession au détriment d'une des parties, appelle, quelque qualification qu'on lui attribue, une indispensable rectification, et que l'arrêt attaqué, en ce qu'il confère à cet expert, sans autre limite que l'erreur grossière, un véritable pouvoir discrétionnaire qu'il ne tient ni de la loi, ni du contrat, a violé, par fausse interprétation et fausse application, les articles 275, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 et 1843-4 du Code civil, en même temps qu'il a violé la loi du contrat et l'article 1134 du Code civil ; et que l'arrêt, en ce qu'il prive l'acheteur de la possibilité de faire rectifier l'évaluation erronée qui lui est ainsi imposée, a violé les droits de la défense consacrés par les articles 30 et 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en se remettant, en cas de désaccord sur le prix de cession d'actions, à l'estimation d'un expert désigné conformément aux articles 275 de la loi du 24 juillet 1966 et à l'article 1843-4 du Code civil, les contractants font de la décision de celui-ci leur loi et qu'à défaut d'erreur grossière, il n'appartient pas aux juges, en modifiant le prix, d'imposer aux parties une convention différente de celle qu'elles avaient entendu établir ; qu'en se prononçant en ce sens, la cour d'appel n'encourt aucun des griefs du moyen ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, et sur le deuxième moyen de ce même pourvoi, pris en ses diverses branches :
Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt d'avoir entériné l'évaluation de M. Y... fixant le prix des actions cédées, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en toute hypothèse, justifient la qualification d'erreur grossière, l'omission d'un élément existant ou la prise en compte d'un élément manifestement absent et qu'en refusant, sur la seule considération qu'il ne s'agissait pas d'erreurs grossières, de se prononcer sur des erreurs ou omissions susceptibles d'altérer gravement les résultats de l'expertise, la cour d'appel, d'un côté, a fait prévaloir une fausse qualification des faits en violation des articles 275, alinéa 2, de la loi de 1966 et 1843-4 du Code civil ; et que, par son refus d'examiner les erreurs qui lui étaient dénoncées, a entaché sa décision de manque de base légale au regard des textes précités et de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il est de principe constant que la valeur de rentabilité d'une affaire ne peut s'apprécier qu'en fonction du bénéfice réellement disponible, c'est-à-dire de celui qui se trouve dégagé après déduction notamment de l'impôt sur les sociétés ; que le refus par un expert de déduire cet impôt des résultats des années prises en compte relève bien de la qualification d'erreur grossière ou, au moins, très grave ; et alors, enfin, qu'en l'espèce, les actions de chacune des deux sociétés ont été évaluées séparément ; que la cour d'appel pour décider que M. Y... n'a pas commis d'erreur grossière en refusant de déduire l'impôt sur les sociétés des résultats avant impôts des années prises en compte se fonde exclusivement sur la réponse de celui-ci au conseiller de la mise en état dont il ressort que M. Y... n'a pas cru devoir tenir compte de l'incidence de cet impôt dans le calcul de la valeur de rentabilité de la société d'exploitation Léon Plé, mais que la question se posait essentiellement de l'incidence de ce même impôt sur la valeur de rentabilité de la société anonyme Etablissements Léon Plé et que sur cette question M. Y... ne s'est pas expliqué ; qu'ainsi l'arrêt attaqué, qui fonde sa décision exclusivement sur cette réponse et reprend à son compte l'omission de M. Y..., a entaché sa décision de manque de base légale au regard de l'article 275, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'en l'espèce l'arrêt constate que les parties ont voulu se placer dans le cadre de la loi du 24 juillet 1966 et que l'expert a donc bien reçu mission de procéder à une évaluation définitive du prix des actions et qu'il relève qu'aucune erreur grossière n'a été établie à l'encontre de l'expert ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné aux intérêts au taux légal calculés sur le prix, courus entre le 28 mars 1978 jusqu'au jour du versement des provisions ainsi qu'aux intérêts au taux légal calculés sur la somme restante due après versement des provisions courus du 28 mars 1978 jusqu'au jour du parfait règlement, alors que l'obligation pour le cessionnaire de payer le prix des actions immédiatement ne ressort pas des termes de la convention du 9 juillet 1971 qui, loin de mettre une telle obligation à la charge de l'acquéreur, disposait qu'en cas de désaccord des parties le prix de cession serait fixé conformément aux dispositions de la loi du 24 juillet 1966 ; que cette obligation ne ressort pas davantage de la lettre du 20 mars 1978 qui ne fixait aucun terme impératif et ne l'aurait pu puisque le prix " proposé " restait encore à fixer, d'un commun accord ou selon la procédure prévue par la convention du 9 juillet 1971 ; qu'ainsi la cour d'appel qui attribue à la lettre du 20 mars 1978 les caractères légaux d'une mise en demeure au seul motif que le prix devait être payé immédiatement sans préciser de quelle stipulation, soit de la convention initiale, soit de la lettre du 20 mars 1978, elle déduit cette affirmation, a entaché sa décision de manque de base légale au regard des articles 1139 du Code civil, 1134 du même code et 275, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966, et qu'en outre, en ce qu'elle qualifie la lettre susvisée de mise en demeure alors que cette lettre ne contenait aucun terme comminatoire, qu'au surplus, le cédant ne pouvait, de sa seule volonté, priver le cessionnaire de la possibilité contractuellement prévue de faire évaluer le prix par un expert et que le désaccord de l'acquéreur s'est révélé fondé puisque le prix évalué par l'expert même s'il est encore trop élevé est inférieur à celui que demandait le cédant, la cour d'appel a dénaturé la lettre du 20 mars 1978 en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a considéré que les termes de la lettre invoquée constituaient la manifestation de volonté de M. X... de mettre en oeuvre la clause insérée au contrat et représentait pour M. Z... une mise en demeure de payer immédiatement le prix des actions qu'il était requis d'acquérir ; que la cour d'appel a donc, hors toute dénaturation, justifié légalement sa décision ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Z... au paiement de la différence entre la valeur des parts et les provisions versées, augmentée des intérêts au taux légal calculés sur le prix, courus entre le 28 mars 1978 jusqu'au jour du versement des provisions, ainsi que les intérêts au taux légal, calculés sur la somme restante due après versement des provisions, courus du 28 mars 1978 jusqu'au parfait règlement, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 1254 du Code civil, le paiement qui n'est point intégral s'impute d'abord sur les intérêts ; qu'en imputant le versement des provisions sur le montant du capital, l'arrêt attaqué a violé ce texte ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt que le juge de la mise en état a condamné M. Z... à payer aux consorts X... conformément à leur demande, une somme à valoir " sur le prix de cession des actions ", que le paiement partiel effectué par M. Z... en exécution de cette décision a donc été fait sur le capital et non sur le " capital et les intérêts " ; que le moyen manque donc en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident