Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 16 janvier 1985), qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts la société à responsabilité limitée le Journal de Doullens (la SARL) avait pour objet, d'une part, l'exploitation d'un hebdomadaire du même nom, dont le siège était situé à Doullens, d'autre part, " l'exploitation directe ou indirecte de toutes librairies, imprimeries, maisons de publicité et d'affiches " ; que Mme X..., gérant, a cédé à la société Editions Rohart et compagnie (société Rohart) " une partie de fonds de commerce constituant l'exploitation du journal ", l'acte mentionnant que le cédant conservait " la branche librairie-papeterie " exploitée à la même adresse, " laquelle était exclue de la cession " ; que, convoquée à cet effet, l'assemblée générale des associés a refusé de ratifier l'opération mais, réunie à nouveau le lendemain, a donné pouvoir au gérant de réaliser la vente au profit d'un tiers plus offrant, la société le Courrier picard, qui a effectivement acquis le fonds de commerce tel que défini ci-dessus ; que, soutenant qu'elle était devenue propriétaire de celui-ci par l'acte sous seing privé passé avec le gérant, la société Rohart a assigné Mme X..., prise tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la SARL, et le Courrier picard pour obtenir l'annulation de la vente consentie à cette dernière ;
Attendu que la société Rohart fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 49, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1966 dans la rédaction que lui a donnée l'ordonnance du 20 décembre 1969 : " dans les rapports avec les tiers le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés " ; que, si l'article 60 de la même loi réserve aux associés représentant au moins les trois quarts du capital social la modification de l'objet social, le pouvoir ainsi réservé aux associés ne concerne que la modification de l'objet social, tel qu'il figure aux statuts et non la modification de l'activité réelle ou principale de la société ; qu'en affirmant que l'activité effective de la SARL n'aurait été que la publication du journal, dont la cession aurait été pratiquement équivalente à la disparition de l'objet social et aurait dû recueillir, pour être valable, l'accord des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, cependant qu'il résulte de l'article 2 des statuts, reproduit par l'arrêt, que la société avait pour objet à la fois l'exploitation d'un journal et l'exploitation directe ou indirecte de toutes imprimeries, librairies, maison de publicité et d'affiches et que cet objet statutaire ne disparaissait donc pas du fait de la cession du journal, la cour d'appel a attribué aux associés des pouvoirs autres que ceux qui leur sont réservés par la loi, lesquels sont strictement limités à la modification de l'objet statutaire ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 49, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu que, l'arrêt ayant relevé que l'objet social de la SARL était notamment l'exploitation d'un hebdomadaire dénommé " le Journal de Doullens " et que cette dénomination expresse était celle de la SARL, la cession de cet hebdomadaire impliquait nécessairement une modification de ses statuts ; que les modifications des statuts d'une société à responsabilité limitée, pour lesquels la loi attribue expressément compétence aux associés, échappent à la compétence du gérant ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui justement critiqué aux termes duquel la cession litigieuse aurait dû recueillir pour sa validité l'accord des associés parce qu'elle " équivalait pratiquement à la disparition de l'objet social ", l'arrêt attaqué se trouve justifié en ce qu'il a décidé que la cession consentie à la société Rohart par Mme X... n'engageait pas la SARL ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Rohart fait encore grief à l'arrêt d'avoir décidé que, limitée à l'édition de l'hebdomadaire, l'activité de la SARL excluait l'exploitation de la librairie-papeterie, aux motifs, selon le pourvoi, qu'aucune conséquence ne peut être tirée de la circonstance que Mme X..., à la fois gérant de la SARL et exploitant du fonds de commerce de librairie-papeterie, n'a cru devoir tenir qu'une comptabilité unique pour ces deux activités juridiquement distinctes, alors que les livres des marchands font preuve contre eux ; qu'ils ont la force probante d'un aveu écrit ; que le fait qu'une comptabilité unique ait été tenue par le gérant de la SARL à la fois pour l'exploitation du journal et pour l'exploitation du fonds de librairie-papeterie situé à la même adresse constituait un aveu de l'exploitation par la SARL dudit fonds de librairie-papeterie ; qu'en refusant de tenir compte des livres de commerce ainsi tenus la cour d'appel a violé l'article 1330 du Code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que la société Rohart, qui s'est bornée à soutenir qu'une vérification de la comptabilité invoquée était de nature " à corroborer la dualité de l'activité " de la SARL, ait fait valoir devant les juges d'appel l'argumentation présentée par le moyen ; que, nouveau, mélangé de fait et de droit, celui-ci est irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Rohart fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en réparation du préjudice résultant pour elle de l'inexécution de la convention conclue avec Mme X..., alors, selon le pourvoi, que, du seul fait de la signature du contrat synallagmatique, un contractant a intérêt à obtenir la prestation consentie par celui-ci et la réparation, fût-elle de principe, du préjudice résultant de l'inexécution du contrat ; qu'en refusant de tirer les conséquences de la fraude commise à titre personnel par Mme X..., fraude à laquelle s'était associée la société le Courrier picard, en retenant que la société Rohart n'aurait pas subi de préjudice du fait de la fraude qui avait conduit à l'inexécution du contrat conclu par Mme X... en qualité de gérant de la SARL parce que la société Rohart aurait été informée rapidement de ce que le contrat ne serait pas exécuté, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence d'une fraude à la charge de Mme X..., a, par motif adopté, constaté que l'inexécution de la convention conclue par la société Rohart ne résultait pas d'une faute de sa cocontractante ; que, par ce seul motif, abstraction faite de celui visé par le moyen, qui est surabondant, la cour d'appel a légalement justifé sa décision ; que le moyen est donc sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi