Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. Y..., qui exerçait une activité de marchand de fer et de quincaillerie, et qui avait créé et animé la société Lavi Tréfi, devenue la société Y... et fils, la société Quincaillerie du Sud-Ouest, la Société Comptoir des Fers de l'Armagnac et le Groupement d'Intérêt Economique des Marchands de Fer et de Quincaillerie, a été mis en liquidation des biens, de même que ces sociétés et ce groupement d'intérêt économique, avec constitution d'une masse commune ; que M. Z..., en sa qualité de syndic de ces liquidations des biens a assigné le Crédit Lyonnais (la banque) et les héritiers de M. Louis X... (les consorts X...), préposé de celle-ci, pour les entendre condamner, par application des articles 1382 et 1384, alinéa 5, du Code civil, a réparer le préjudice causé à la masse commune des créanciers de ces liquidations des biens par la prolongation fictive du crédit accordé à M. Y..., aux sociétés et au groupement d'intérêt économique ; que la cour d'appel a accueilli cette demande et, ayant constaté que le préjudice subi par la masse des créanciers résultait de ce que le gage de celle-ci avait été réduit par les agios perçus par la banque, a condamné cette dernière et les consorts X... à verser à la masse une somme représentant la moitié des agios ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches, dont l'examen est préalable :
Attendu que la banque et les consorts X... font grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait, alors selon le pourvoi, d'une part, que les constatations et appréciations de nature civile que le juge répressif - statuant sur l'action civile dont il est saisi accessoirement à l'action pénale - est conduit à formuler, n'ont que l'autorité relative de la chose jugée dans les termes de l'article 1351 du Code civil ; que ces constatations et appréciations ne s'imposent donc au juge civil qu'à la condition qu'il soit saisi d'une demande ayant un objet identique, formée entre les mêmes parties agissant en la même qualité et fondée sur la même cause que celle soumise au juge pénal ; que précisément en l'espèce, ainsi que l'avaient fait valoir la banque et les consorts X... dans leurs conclusions d'appel, ces conditions faisaient défaut puisque par son arrêt du 28 septembre 1976 - auquel le syndic n'était pas partie - la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Toulouse avait statué sur l'action civile formée par la banque à l'encontre de M. X... en réparation du préjudice personnel qu'elle avait subi, tandis que, par l'arrêt attaqué, la chambre civile de la même Cour a statué sur l'action formée par le syndic ès qualités à l'encontre de la banque et des consorts X... en réparation du préjudice collectif subi par la masse des créanciers, de sorte qu'en se déterminant au seul motif, erroné, que le juge pénal avait définitivement jugé que M. X... avait commis une faute dont la banque devait répondre solidairement avec son préposé, la cour d'appel a méconnu l'étendue de la chose jugée au pénal sur le civil en violation des dispositions de l'article 1351 du Code civil, et alors, d'autre part, qu'en motivant sa décision par voie de simple référence à une décision pénale, dépourvue de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs, en violation des dispositions de
l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que le syndic se prévalait de faits relevés par une instance pénale dans laquelle M. Y... et diverses personnes dont M. X... avaient été poursuivis pour escroquerie et que l'arrêt correctionnel, qui avait écarté la responsabilité pénale de M. X..., avait néanmoins relevé que celui-ci avait été mis au courant de ce que M. Y... émettait des traites de cavalerie, qu'il avait admis l'avoir compris mais qu'étant trop engagé pour reculer il avait continué à accepter les effets tirés par M. Y..., faisant ainsi preuve d'une complaisance coupable envers un client dont les agissements suspects lui avaient été signalés, la cour d'appel énonce que " les éléments qui viennent d'être analysés établissent la faute commise par Louis X... " ; qu'ainsi, par une décision motivée, sans méconnaître l'étendue de la chose jugée au pénal sur le civil, et après avoir apprécié la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui résultaient d'une procédure pénale versée aux débats, elle a pu sans encourir les reproches qui lui sont faits et qui s'attachent à des motifs surabondants retenir la faute commise par M. X..., dans l'exercice de ses fonctions de directeur de la succursale de la banque et décider que celle-ci devait en répondre solidairement avec son préposé ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu les articles 1382 et 1384, alinéa 5, du Code civil ;
Attendu qu'après avoir relevé que la banque avait perçu des agios sur des opérations frauduleuses dans lesquelles la responsabilité de son préposé X... était engagée et qui étaient la conséquence de fautes dont elle devait répondre solidairement avec celui-ci, la cour d'appel retient qu'en raison du fait que ces agios résultaient pour partie des agissements frauduleux de M. Y... qui avait été sanctionné pénalement pour cela et qui était représenté dans l'instance par le syndic, le préjudice subi par la masse des créanciers ne devait être supporté par les consorts X... et par la banque que dans la proportion de moitié ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs alors que c'était en la seule qualité de représentant de la masse des créanciers que le syndic avait engagé une action contre les consorts X... et contre la banque qui étaient tenus envers la victime de réparer intégralement les conséquences des fautes commises, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, ayant établi le préjudice de la masse des créanciers des liquidations de biens confondues de M. Pierre Y..., de la société Pierre Y... et Fils, de la société quincaillerie du sud-ouest, de la Société Comptoir des Fers de l'Armagnac et du Groupement d'Intérêt Economique de Marchands de Fer et de Quincaillerie, à la somme de 977 123,56 francs, il n'a condamné la banque et les consorts X... à verser à la masse que la somme de 488 561,78 francs, l'arrêt rendu le 13 novembre 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
REJETTE le pourvoi incident