LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt et un mars mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller SOUPPE, les observations de la société civile professionnelle LEMAITRE et MONOD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général RABUT ; Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Benoît,
- A... Anne-Marie,
- LA DIRECTION GENERALE DES IMPOTS, partie poursuivante,
contre un arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre B, en date du 24 octobre 1986 qui, pour infractions à la réglementation sur la billeterie de spectacles, a condamné Michel Z..., Benoît X... et Anne-Marie A... solidairement à des amendes et pénalités fiscales ainsi qu'au paiement des droits fraudés mais a omis de prononcer la contrainte par corps ; Joignant les pourvois, en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; I - Sur les pourvois d'X... et de A... :
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation de l'article R. 213-10 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article 592 du Code de procédure pénale ; "en ce qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel était composée de "MM. Olivier et Flament, ce dernier appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour en remplacement des autres membres de cette chambre" ; "alors qu'en l'état des énonciations, l'arrêt, qui ne constate ni l'empêchement, ni même l'absence des autres membres de la chambre appelés à siéger, a violé les textes susvisés" ; Attendu que l'arrêt mentionne parmi les magistrats qui ont composé la cour d'appel, "M. Flamant conseiller, appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour en remplacement des autres membres de cette chambre" ; Attendu que s'il est vrai que le texte visé au moyen dispose qu'en cas d'empêchement d'un conseiller, celui-ci est remplacé pour compléter la chambre par un autre conseiller de la Cour, la mention de l'arrêt ci-dessus reproduite, implique l'empêchement du conseiller remplacé ; D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Sur le second moyen proposé par les demandeurs et pris de la violation des articles 261.G, 290 quater, 1788 bis, 1791, 1804 du Code général des impôts, 50 sexiès B, 50 sexiès G, 50 sexiès H de l'annexe IV dudit Code, 473, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ; "en ce qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné au paiement d'amendes, pénalités et diverses sommes à titre de confiscation de recettes Benoît X... et Mme A..., déclarés coupables de défaut de présentation de 82 000 billets (article 50 sexiès G de l'annexe IV du Code général des impôts), défaut d'établissement des relevés relatifs à l'utilisation de 82 000 billets (article 50 sexiès H), utilisation de 116 000 billets non conformes à la réglementation (article 50 sexiès B, 2ème alinéa) défaut de conservation des souches de 27 000 billets (article 50 sexiès B, 3ème alinéa) ; "aux motifs propres et adoptés des premiers juges que l'association Addieh avait en réalité pour objectif essentiel l'exploitation mercantile d'une entreprise de spectacle pornographique de caractère purement commercial, la recette quotidienne étant très supérieure à celle déclarée officiellement, et l'affectation proclamée des bénéfices aux buts que poursuivait cette association devant de plein droit dispenser les recettes de la TVA, et par conséquent des obligations de la billeterie ; qu'X... et Mme A... étaient les dirigeants de fait de l'association, le premier en sa qualité d'animateur du Boy's Vidéo Club, la seconde en sa qualité de comptable, ni l'un ni l'autre ne pouvant, de par leurs fonctions, ignorer la manière irrégulière dont fonctionnait la billeterie ; "alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer pour caractériser l'aspect commercial de l'entreprise, l'ampleur présumée des bénéfices réalisés et destinés à éluder le paiement de la TVA, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée dans des conclusions demeurées sans réponse (p. 10 et 11), si l'hypothèse de 150 entrées présumées par jour (selon le nombre de billets imputés par le fisc à l'association) n'était pas fantaisiste, la fréquenttion d'une telle salle devant être en réalité appréciée à 40 ou 50 entrées par jour, ainsi que l'affirmait le caissier, que le confirmait le livre de caisse remis à l'Administration et que le démontrait la fréquentation moyenne de ce type de salle à Paris depuis 1980 ; qu'une telle recette suffisait à couvrir les faits de fonctionnement d'une association sans but lucratif ; qu'en affirmant péremptoirement le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que tel qu'il est formulé, le moyen, sous couvert du grief de refus de réponse à argument péremptoire, se borne à remettre en question devant la Cour de Cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond de la valeur et de la force probante des éléments de conviction contradictoirement débattus ; Que, dès lors, ce moyen ne saurait être accueilli ; II - Sur le pourvoi de l'administration des Impôts :
Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation des articles 473, 749 à 762 du Code de procédure pénale par refus d'application, ensemble violation des articles 591 et 593 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué, après avoir condamné les prévenus à des pénalités fiscales pour infractions à la réglementation des contributions indirectes, n'a pas prononcé la contrainte par corps à l'encontre des intéressés, tous majeurs et âgés de moins de 65 ans ; "alors que dans les cas où l'action correctionnelle a été exercée par l'Administration à raison d'infractions en matière de contributions indirectes, pour l'application des peines édictées par les articles 1791 et suivants du Code général des impôts, les juridictions pénales sont tenues de prononcer la contrainte par corps pour le recouvrement des amendes, pénalités proportionnelles et confiscations qu'elles prononcent au profit du Trésor public" ; Vu les textes susvisés ; Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L. 240 et L. 272 du Livre des procédures fiscales et de l'article 749 du Code de procédure pénale qu'en matière de législation sur les contributions indirectes et lorsque l'administration des Impôts en fait la demande, il y a lieu à application de la contrainte par corps pour le recouvrement des amendes, confiscations et pénalités fiscales prononcées ainsi que pour les dépens sauf lorsque les infractions sanctionnées ne concernent que les fraudes fiscales portant sur l'établissement total ou partiel des droits indirects ou de la taxe à la valeur ajoutée, due par un contribuable, fraudes visées et réprimées par l'article 1741 du Code général des impôts ; que l'article 76 de la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 n'a apporté à ce principe aucune modification ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Michel Z..., Benoît X..., Anne-Marie A..., coupables de défaut de présentation de billets de spectacles, défaut d'établissement des relevés relatifs à l'utilisation de billets, utilisation de billets non conformes à la réglementation, défaut de conservation des souches des billets et utilisation irrégulière de billets, infractions prévues par les articles 261 G et 290 quater du Code général des impôts, 50 sexiès G, H, B deuxième et troisième alinéas de l'annexe IV dudit Code, les a condamnés aux amendes et pénalités fiscales prévues par l'article 1791 du même Code, a cependant omis de prononcer la contrainte par corps que l'Administration poursuivante avait requise ; Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors que les prévenus n'étaient ni poursuivis ni condamnés pour des fraudes fiscales concernant des droits indirects ou des taxes à la valeur ajoutée mais pour d'autres délits relevant de la législation sur les contributions indirectes, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ; Que, dès lors, la décision encourt la cassation ; Par ces motifs :
Sur les pourvois de Benoît X... et d'Anne-Marie A... :
REJETTE les pourvois ;