LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt juillet mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZIBERT, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN, de la société civile professionnelle LEMAITRE et MONOD et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ; Statuant sur les pourvois formés par :
- B... Rosy épouse C...,
- D... Philippe,
- A... Yannick,
- Z... Maurice,
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de LYON, en date du 2 juillet 1986, qui, dans la procédure suivie contre eux et plusieurs autres, des chefs d'abus de biens sociaux, escroqueries, émission de chèques sans provision, recel, faux en écriture privée, de commerce et de banque et complicité de ces infractions, a condamné Rosy B... à un an d'emprisonnement avec sursis et Philippe D... à six mois avec sursis et qui a statué sur les intérêts civils, tant à leur égard qu'à l'encontre de Yannick A... et Maurice Z..., non appelants ni intimés sur l'action publique ; Vu leur connexité, joignant ces pourvois ; 1° / Sur le pourvoi de Rosy B..., épouse C... :
Attendu qu'aucun moyen n'est proposé à l'appui de ce pourvoi ; 2° / Sur les autres pourvois :
Vu les mémoires produits ; Sur le premier moyen de cassation proposé par Philippe D... et pris de la violation des articles 145, 146, 147, 148, 149 et 150 du Code pénal et de l'article 543 du Code de procédure pénale pour défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré D... coupable de délit de faux en écriture de commerce aux motifs qu'il avait déclaré avoir signé 25 traites en blanc tirées sur la société Orthotron, sans avoir aucune qualité pour le faire, le 9 novembre 1979 ; qu'à ses dires ces traites ont été détruites dès le 12 novembre 1979 ; qu'il est de fait que les lettres de change acceptées par D... au nom de la société Orthotron n'ont pas été retrouvées ; qu'il n'ignorait pas qu'il engageait sans aucun droit, par son acceptation, les finances de la société Orthotron ce qui caractérise l'élément moral de l'infraction ; que la présentation de ces traites à l'escompte ou au paiement, après avoir été complétées, était de nature à porter préjudice à la société Orthotron ; " alors que, d'une part, l'arrêt, qui relève que les traites incriminées n'ont pas été retrouvées et qui, de ce fait, n'a pas constaté qu'il s'agissait effectivement d'effets de commerce réunissant toutes les conditions de légalité de la lettre de change exigées par les articles 110 et suivants du Code de commerce et comportant l'obligation d'un tiers, manque de base légale ; " et alors que, d'autre part, l'arrêt constate que les traites incriminées n'ont jamais été mises en circulation, ni même retrouvées, D... ayant affirmé, sans être contredit, qu'elles avaient été détruites, et qu'elles n'étaient susceptibles de causer un préjudice à la société Orthotron qu'après avoir été complétées ; qu'ainsi l'arrêt des énonciations duquel il résulte que les traites n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice et qui reconnaît lui-même qu'elles étaient insusceptibles, en l'état, de causer un préjudice, manque de base légale " ; Attendu qu'en énonçant que D... " confirme devant la Cour avoir réellement signé l'acceptation de 25 traites dont la présentation à l'escompte et au paiement, après qu'elles eurent été complétées, était de nature à porter préjudice à la société Orthodron ", et alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé à signé lesdites traites " en blanc, sans avoir aucune qualité pour le faire ", l'arrêt attaqué a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit de faux en écriture de commerce retenu à la charge du prévenu ; Qu'il s'ensuit que le moyen proposé est inopérant et ne saurait être accueilli ; Sur le second moyen de cassation proposé par Philippe D... et pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 405 et 460 du Code pénal, 203 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil ;
" en ce que, l'arrêt, qui a déclaré D... coupable de faux en écritures publiques en retenant qu'il avait signé 25 traites en blanc sans avoir la moindre qualité pour le faire, l'a condamné solidairement avec les autres prévenus à payer :
- à Me X..., es qualité de syndic de la liquidation des biens de la société de Mécanique Générale Forezienne, les sommes de 130 000, 00 francs à titre de restitution, 10 000, 00 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires, 5 000, 00 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;- à la société Marseillaise de Crédit la somme de 342 888, 84 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;- à la société anonyme Martin Brunel les sommes de 1 050 104, 10 francs à titre de restitution, 250 000, 00 francs au titre de son préjudice commercial, 15 000, 00 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; " aux motifs que dès lors qu'une action est connexe peu importe qu'en elle-même elle ait ou n'ait pas entrainé de préjudice ; que l'acceptation par D... de traites tirées sur Orthotron entrait dans le dessein général mis en oeuvre par Y... pour créer, pour les sociétés de son groupe et les sociétés satellites qui profitaient du sytème une trésorerie artificielle ; que D..., exerçant des fonctions dans trois des sociétés du groupe et pressenti pour en diriger une quatrième ne pouvait ignorer ce dessein auquel il a, ne serait-ce que temporairement, prêté la main ; que les faits dont il s'est rendu coupable à l'instigation de Y... sont donc connexes aux autres infractions poursuivies ; " alors que, d'une part, l'arrêt, qui constate que les traites acceptées par D... n'ont pas été mises en circulation, ni retrouvées et que, par conséquent l'infraction retenue à son encontre n'avait causé aucun préjudice à quiconque, ne pouvait légalement le condamner solidairement avec les autres prévenus à réparer les divers préjudices subis par les différentes parties civiles l'action civile n'étant recevable devant la juridiction répressive qu'en tant que la partie qui l'exerce ou au nom de laquelle elle est exercée, est directement lésée par l'infraction pénale ; " et alors que d'autre part, la connexité qui peut fonder une condamnation solidaire n'était pas réalisée en l'espèce, les constatations de l'arrêt ne justifiant pas que chacun des différents préjudices résultait des différentes infractions qui avaient été commises par suite d'un concert formé à l'avance entre les prévenus " ; Sur le moyen unique de cassation proposé par Yannick A... et pris de la violation des articles 55 du Code pénal, 203 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motif, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ; " en ce que la Cour a condamné le demandeur avec les autres prévenus solidairement au remboursement des dommages causés aux parties civiles ;
" au seul motif que A... a participé à des émissions, encaissements et acceptations de chèques et effets sans cause, concernant la société d'exploitation du cabinet Georges Y..., GP Diffusion, Rondou et Yvette Caillat ; que le fait d'avoir voulu, selon lui, rendre service à Y... n'exonère pas A... des conséquences civiles de ses délits, qui, comme ceux des précédents prévenus, font partie du circuit de cavalerie, d'où résultent globalement en définitive les préjudices des parties civiles ; qu'en raison de la connexité entre l'ensemble des infractions poursuivies le demandeur ne pourra échapper à la solidarité, ni en faire limiter les effets à son égard ; " alors, d'une part, que la solidarité ne peut être prononcée entre l'auteur d'un abus de biens sociaux et les auteurs qui ont commis plusieurs autres infractions (escroqueries, faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque, abus de biens sociaux, banqueroute simple et frauduleuse, complicité de recel) que si un lien de connexité est constaté entre les différentes infractions commises par les prévenus et l'infraction dont le demandeur a été déclaré coupable ; qu'en se bornant à affirmer l'existence d'un lien de connexité, sans aucunement le caractériser, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; " alors, d'autre part, que la cour d'appel a omis de répondre aux chefs péremptoires des conclusions d'appel du demandeur, dans lesquelles il était soutenu qu'aucun concert frauduleux n'existait entre lui et les autres prévenus, et que les interventions limitées de A... n'avaient, à aucun moment, interféré avec la société SMGF, la société Marseillaise de Crédit et la société Martin Brunel ; qu'il n'avait pas participé de manière directe ou indirecte au préjudice subi par les différentes sociétés, parties civiles, et que seule la société Rondou pouvait justifier d'un préjudice en rapport avec l'intervention de A..., pris ès qualités de gérant de la société Ascred " ; Et sur le moyen unique de cassation proposé par Maurice Z..., pris de la violation des articles 55, 203 et 543 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Z... solidairement avec les autres prévenus à payer au syndic de la liquidation de biens de la société de Mécanique Générale Forezienne les sommes de 130 000, 00 francs à titre de restitution, 10 000, 00 francs à titre de dommages-intérêts complémentaires et celle de 5 000, 00 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; à la société Martin Brunet la somme de 1 050 104 francs à titre de restitution, la somme de 250 000, 00 francs au titre de son préjudice commercial et 15 000, 00 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale aux motifs que " les opérations auxquelles il a participé et qui impliquent sans aucune créance ou dette réelle, une dizaine de personnes morales ou physiques, s'inscrivent dans le cadre plus vaste du circuit de cavalerie, organisé par Y... en vue de procurer de la trésorie aux diverses sociétés en cause ; que Z... ne saurait donc échapper à la solidarité avec les autres auteurs des préjudices causés par les agissements " ; " alors que la solidarité ne frappe que les auteurs d'une même infraction ou les participants à des infractions indivisibles ou connexes et qu'en l'espèce, il ne résulte des motifs des juges du fond aucune indivisibilité ni connexité entre les infractions retenues " ; Les moyens étant réunis ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reprises au moyen proposé respectivement par chacun des trois demandeurs, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, pour condamner solidairement D..., A... et Z... avec les autres prévenus au paiement des dommages-intérêts alloués aux parties civiles, après avoir répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie sur ce point, a caractérisé sans insuffisance le lien de connexité existant entre les infractions retenues à leur charge et a fait l'exacte application des articles 55 du Code pénal et 203 du Code de procédure pénale ; D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ;