LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le treize septembre mil neuf cent quatre vingt huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de Me LUC-THALER et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ; Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Michel,
- A... Jean-Pierre,
contre un arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 27 juin 1986, qui a condamné, X... Michel pour escroquerie à la peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis probatoire, et avec dispense de révocation des sursis accordés le 8 mars 1984, A... Jean-Pierre pour complicité d'escroquerie et recel d'escroquerie à la peine d'un an d'emprisonnement, et sans dispense de révocation du sursis accordé le 24 février 1984, etqui a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits ; Sur le moyen unique de cassation proposé au nom de X... Michel et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 485, 512, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs manque de base légale ; " en ce que la cour d'appel a condamné X... du chef d'escroquerie ; " aux motifs adoptés que " Z... Hong acceptait au profit de X... d'abord, des autres prévenus ensuite, des effets, billets à ordre ou lettres de change non causés tirés sur la société L'Homme qui étaient réunis en banque et dont le montant lui était rétrocédé en espèces par les bénéficiaires, déduction faite de la commission convenue entre les parties, commission qui comportait ou non le montant de la TVA suivant que les fournisseurs supposés de la société L'homme établissaient ou non une fausse facture ; que du 31 mai au 4 juin 1984, Michel X... encaissait sur les comptes de différentes entreprises ou sociétés qu'il contrôlait, s'il ne les créait pas pour les besoins de la cause, 18 effets d'un montant total de 1 310 043, 23 francs ; que quelles que soient les explications des prévenus " ils ont contribué à des degrés divers mais suivant un processus indentique aux manoeuvres frauduleuses imaginées par Z... pour se faire remettre des fonds appartenant à la société L'homme (jugement entrepris p. 10 et 11) ;
" alors que 1°) le délit d'escroquerie se caractérise par des manoeuvres frauduleuses déterminant la remise de la chose escroquée ; qu'un tel délit était exclu en l'espèce pour le prévenu X... qui n'avait pratiqué aucune de ces manoeuvres déterminantes, s'étant borné à encaisser puis à rembourser, même avec une commission, les effets tirés sur la société L'homme par Z..., lequel, en abusant de sa qualité de directeur financier de cette société, avait seul pu déterminer la remise des fonds détournés ; qu'en retenant néanmoins la culpabilité de X... de ce chef, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ; " alors que 2°) au surplus, en ne caractérisant pas en fait l'intention frauduleuse de X..., soit sa connaissance du caractère frauduleux des moyens qu'il aurait utilisés pour obtenir la remise des fonds, laquelle intention ne pouvait se déduire du seul encaissement des effets tirés par Z..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ; Sur le moyen unique de cassation, proposé au nom de A... Jean-Pierre, et pris de la violation des articles 59, 60, 401, 405, 460 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de la présomption d'innocence, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré A... coupable de complicité d'escroquerie et de recel d'escroquerie et l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement ferme et solidairement au paiement de réparations civiles ; " aux motifs adoptés que les faits de complicité et de recel reprochés à A..., qui s'est entremis pour mettre en rapport les co-auteurs de l'escroquerie, qui a rédigé de sa main des traites non causées et des fausses factures et qui a perçu pour rémunération de ses services des fonds provenant du délit sont également établis ; " alors que la complicité comme le recel ne sont punissables qu'autant qu'ils ont eu lieu sciemment, la loi n'ayant créé relativement à ces délits aucune présomption de culpabilité ; qu'aucune disposition légale n'autorisant les juges à présumer la culpabilité d'un prévenu uniquement parce qu'il a mis en relation commerciale plusieurs personnes reconnues par la suite coupables d'escroquerie et qu'il a, en sa qualité de comptable, rédigé des écritures, la Cour, qui retient A... dans les liens de la prévention, sans établir la connaissance effective du prévenu, ni de la mise en oeuvre d'un procédé frauduleux par Z... Hong, ni de l'inexactitude des factures et des traites qu'il a rédigées, ni davantage de l'origine délictuelle des sommes qu'il a reçues à titre de rémunération de ses services, a fait peser sur le prévenu une présomption de culpabilité non établie par la loi et a renversé la charge de la preuve, violant par là même les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour déclarer Michel X... coupable d'escroquerie et A... Jean-Pierre coupable de complicité d'escroquerie et de recel, les juges exposent que Hong Z..., chef comptable de la SA " Lhomme ", avait mis au point un procédé frauduleux de financement qui consistait à accepter au profit de X... et d'autres prévenus des effets non causés, tirés sur la société précitée, et dont le montant, après escompte, lui était rétrocédé en espèces, déduction faite d'une commission ; Qu'ils relèvent que X... a encaissé sur les comptes de différentes entreprises ou sociétés qu'il contrôlait dix-huit effets de cette nature d'un montant total de 1 310 043, 23 francs ; qu'ils énoncent que A... a mis Z... en relation avec de nouveaux partenaires, notamment avec Vicedo qui a accepté d'encaisser cinquante sept effets d'un montant total de 2 531 319, 58 francs, qu'il a rédigé de sa main des traites non causées et de fausses factures, et qu'il a perçu en rémunération de ses services des fonds provenant des malversations ; qu'ils ajoutent que les prévenus ont contribué, suivant un processus identique, aux manoeuvres frauduleuses imaginées par Z... pour se faire remettre des fonds ; qu'ils en déduisent que les faits procèdent d'un concert unique tendant au même but ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui relèvent de son pouvoir souverain d'appréciation des circonstances de la cause soumises au débat contradictoire, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les infractions reprochées ; D'où il suit que les moyens réunis ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois ;