CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Eric,
- la Mutuelle assurance artisanale de France (MAAF), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 1988 qui, dans une procédure suivie contre Eric X... du chef de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer aux parents de Bernard Y... et à ses frères diverses indemnités en réparation de leur préjudice matériel et moral ;
" aux motifs que le préjudice matériel du père n'est pas contesté et qu'il y a un préjudice moral directement lié au délit de blessures involontaires commis sur la personne de leur fils et frère, et subi par les parents et les frères qui ont le chagrin de voir à quel état a été réduite la victime du fait des blessures faites par le prévenu ;
" alors qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale le seul dommage direct dont la réparation peut être poursuivie devant la juridiction répressive contre l'auteur du délit de blessures involontaires est celui qui a été subi par la victime de l'infraction ;
" que les parents et frères de Bernard Y... n'ayant pas été personnellement blessés et victimes du délit de blessures involontaires reproché à X... n'étaient pas recevables à saisir la juridiction répressive d'une demande en dommages-intérêts ;
" qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que, statuant sur la réparation des conséquences dommageables du délit de blessures involontaires commis par Eric X... sur la personne de Bernard Y..., la juridiction du second degré a accueilli les demandes indemnitaires présentées par le père, la mère et les frères de la victime ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que les proches de la victime d'une infraction de blessures involontaires sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et découlant directement des faits objet de la poursuite ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir fixé à 2 259 500 francs le préjudice global de Bernard Y... et constaté qu'il ne lui était rien dû sur le préjudice soumis au recours de la caisse primaire d'assurance maladie, n'en a pas moins condamné X... et la MAAF à payer à la victime une rente annuelle de 121 764 francs au titre de la tierce personne à compter du 31 janvier 1984 indexée dans les conditions de l'article L. 455 du Code de la sécurité sociale et a sursis à statuer sur le préjudice relatif à l'aménagement du logement et de la voiture ;
" alors qu'à l'exception des chefs de préjudice qu'il énumère, l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale soumet à l'action récursoire des caisses de sécurité sociale l'ensemble des indemnités concourant à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, que tel est le cas de l'indemnité allouée en réparation du préjudice résultant de la nécessité pour la victime d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne et de l'indemnité attribuée au titre des frais engagés par cette victime pour adopter son logement aux handicaps physiques résultant des séquelles de l'accident ;
" que, par suite, en n'incluant pas dans le préjudice soumis au recours de la caisse de sécurité sociale l'indemnité allouée à Bernard Y... pour assistance d'une tierce personne ainsi que les frais pour adaptation de son logement et de sa voiture, la cour d'appel, violant les textes visés au moyen, n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale que, lorsqu'un assuré social est victime d'un accident imputable en tout ou en partie à un tiers, la part d'indemnité à caractère personnel sur laquelle la caisse d'assurance maladie ne peut poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge correspond seulement aux souffrances physiques ou morales endurées par la victime ainsi qu'à ses préjudices esthétique et d'agrément, à l'exclusion de tous autres chefs de dommage ;
Attendu que, statuant sur la réparation du dommage à caractère personnel causé à Bernard Y..., les juges lui allouent de ce chef non seulement des indemnités compensatrices de ses souffrances physiques et de ses préjudices esthétique, d'agrément et moral, mais encore, au titre des frais nécessités par l'assistance d'une tierce personne, une rente annuelle ; qu'ils déclarent en outre ne pas disposer des éléments leur permettant d'évaluer les frais d'adaptation d'un logement et d'aménagement d'un véhicule, et sursoient à statuer de ces deux derniers chefs ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi alors que ces trois éléments du dommage de la partie civile devaient être inclus dans l'assiette du recours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 8 janvier 1988, mais seulement en ce qu'il a évalué le préjudice global de Bernard Y... et la part d'indemnité soumise au recours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, condamné Eric X... et la MAAF à verser à Bernard Y... une rente au titre de l'assistance d'une tierce personne, et sursis à statuer sur les frais d'adaptation d'un logement et d'aménagement d'un véhicule, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.