CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes et des Droits indirects, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai (chambre correctionnelle), en date du 10 décembre 1987 qui, dans des poursuites exercées par elle contre Jean-Pierre X... du chef d'infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger, a relaxé le prévenu.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 336, 343, 350, 382, 451, 455, 458, 459 du Code des douanes, 1er du décret du 24 novembre 1968 et 101 de la loi de finances pour 1982 :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe au profit du prévenu du chef de détention irrégulière d'avoirs à l'étranger ;
" aux motifs que les avoirs en litige ont été irrégulièrement constitués par X... en 1976 et 1977, que cette infraction, qui était à l'époque une infraction instantanée, était prescrite lorsqu'est entré en vigueur l'article 101 (de la loi de finances pour 1982) et, a fortiori, lorsqu'ont été engagées les poursuites ; " que, contrairement à ce qui est soutenu, la détention d'avoirs à l'étranger ne constitue pas en elle-même sous l'empire de l'article 101 un délit, que cette détention ne devient délictueuse qu'à raison de la constitution irrégulière de ces avoirs, ce qui ne peut être présumé ; ... qu'il existe donc une corrélation étroite entre l'irrégularité de la constitution et l'irrégularité de la détention, la première étant le support nécessaire de la seconde ; ... qu'un nouveau délit ne peut avoir pour support nécessaire et compter parmi ses éléments constitutifs un délit prescrit, que l'effet légal de la prescription n'est pas seulement de couvrir le passé mais de protéger pour l'avenir " ;
" alors qu'aux termes de l'article 101 de la loi de finances pour 1982, les résidents français qui détiendront, après le 1er juin 1982 s'il s'agit d'immeubles, des avoirs à l'étranger, devront justifier de l'origine régulière de ces derniers ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que X..., résident français, détenait en Espagne après le 1er juin 1982, un avoir sous la forme d'un immeuble d'une valeur de 370 000 francs ; qu'en prononçant sa relaxe au motif erroné que la détention d'avoirs à l'étranger ne saurait être incriminée par l'article 101 qu'à raison de la constitution irrégulière de ces avoirs et au motif inopérant que le délit de constitution illicite d'avoirs à l'étranger serait prescrit, la cour d'appel a violé l'article 101 de la loi de finances pour 1982 ;
" alors que, quelle que soit l'ancienneté de ces avoirs, ceux qui les détiendront, après le 1er juin 1982 s'il s'agit d'immeubles, devront justifier de leur origine régulière ; qu'il est incontesté que X... détenait des avoirs à l'étranger depuis 1976 et qu'il n'a pu justifier de leur origine régulière ; qu'en prononçant dès lors sa relaxe, la cour d'appel a violé l'article 101 de la loi de finances pour 1982 " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 24- II de la loi du 8 juillet 1987 ;
Attendu que la détention irrégulière d'avoirs à l'étranger par un résident est une infraction continue dont la prescription commence à courir du jour où la détention a pris fin ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux, base des poursuites, que X..., résident français, détenait en Espagne depuis 1976 des avoirs constitués par un immeuble d'une valeur de 370 000 francs ; qu'à la date des procès-verbaux rapportant ces faits, notamment des 26 juillet et 22 septembre 1983, il n'a pu justifier l'origine régulière de ces avoirs ;
Attendu que pour relaxer le prévenu des fins de la poursuite, l'arrêt attaqué relève que les avoirs litigieux ont été constitués en 1976 et 1977 ; que cette infraction instantanée était prescrite lors de l'engagement des poursuites en 1983 et énonce que la détention de ces avoirs ne saurait présenter un caractère délictueux dès lors que leur constitution irrégulière, qui en forme le support nécessaire, est elle-même prescrite ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;
Que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai du 10 décembre 1987, en ce qui concerne l'action pour l'application des sanctions fiscales, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.