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17/04/1989 | FRANCE | N°88-80617

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 avril 1989, 88-80617


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-sept avril mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BAYET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Roger,

- C... Micheline épouse A...,
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de POITIERS, en date du 8 janvier 1988 qu

i les a condamnés, pour abus de biens sociaux et présentation de bilan inexact,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le dix-sept avril mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BAYET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ; Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Roger,

- C... Micheline épouse A...,
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de POITIERS, en date du 8 janvier 1988 qui les a condamnés, pour abus de biens sociaux et présentation de bilan inexact, chacun à une amende de 50 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit, commun aux deux demandeurs ; Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 156 et suivants, C. 320, 174, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ensemble violation des droits de la défense ; " en ce que l'arrêt attaqué a réformé le jugement en ce qu'il avait déclaré le rapport d'expertise inopposable aux époux A... ; " aux motifs que seule la nullité des actes accomplis en violation des articles 114, 118 et 183, alinéa 4, du Code de procédure pénale pouvait être prononcée par les juridictions correctionnelles, si l'acte entaché de nullité faisait grief aux intérêts de la partie qu'elle concerne ; qu'en l'espèce, le rapport d'expertise n'entrait pas dans la catégorie des actes dont la nullité pouvait être invoquée devant la juridiction de jugement ;

" alors que les juridictions correctionnelles ont qualité pour constater, en dehors des cas expressément visés par l'article 174, les nullités de l'information résultant de la violation de dispositions substantielles mettant en cause l'intérêt de l'ordre public ; que l'article C. 320 du Code de procédure pénale qui prévoit que l'expert a le devoir de refuser toute mission d'expertise dans laquelle est impliqué un de ses parents ou de ses amis, un de ses clients ou le responsable d'une personne morale ayant fait appel à ses services constitue une disposition substantielle mettant en cause l'intérêt de l'ordre public puisqu'elle a pour but d'assurer l'impartialité de celui dont la mission est d'éclairer les juridictions d'instruction et de jugement sur les charges pesant sur l'inculpé ou le prévenu ; qu'en l'espèce, il est établi que MM. X... et Y... ne présentaient pas les qualités d'impartialité requises ; qu'en effet, M. X... qui était expert-comptable de la société Dos dont 49 % du capital était détenu par la société Atlantic Buro dont la gérante était Mme Z..., partie civile, était intervenu pour vendre la société Dos à un tiers et qu'après cette vente, la société Dos devenue la société D2S avait employé M. Z..., également constitué partie civile, comme cadre et était demeuré l'expert-comptable de la société transformée ; qu'au surplus, cet expert avait, avec l'expert Y..., négocié avec le syndic de la société Atlantic Buro la reprise de cette dernière par la société Olivetti alors que Mme Z... en était encore la gérante de droit, ainsi que la mise en location-gérance du fonds de commerce d'Atlantic Buro à la société D2S ; qu'ainsi, les experts ne présentaient pas les garanties d'impartialité requises par la loi ; qu'il s'ensuit que les opérations d'expertise étaient entachées d'une nullité radicale qu'il appartenait aux juges du fond de constater " ; Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel les a déboutés de leur demande, reprise au moyen, aux fins de nullité des opérations d'expertise comptable accomplies par MM. X... et Y..., experts désignés par le magistrat instructeur, dès lors que la déclaration respective de culpabilité des prévenus, retenue par l'arrêt attaqué qui confirme sur ce point le jugement entrepris, est fondée exclusivement sur des éléments et pièces du dossier d'information distincts du rapport de l'expertise critiquée ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de présentation de faux bilan ; " aux motifs, repris du jugement, qu'en portant au bilan de 1981, à la rubrique créances de la société, une somme arbitrairement fixée à 116 992, 40 francs, sans commune mesure avec ce qui avait été obtenu par leur prédécesseur, les époux A... ont passé, en juin 1981, une écriture qu'ils ne pouvaient considérer comme sincère ; " alors que la prévention reprochait aux époux A... d'avoir, le 6 juin 1981, présenté aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour l'exercice 1980, l'image fidèle des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine à l'expiration de cette période ; qu'en déclarant les époux A... coupables des faits qui leur étaient reprochés en se fondant sur une écriture passée en juin 1981 qui ne pouvait concerner l'exercice de 1980, les juges du fond ont méconnu les limites de leur saisine et excédé leurs pouvoirs " ; Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 425, 3° et 4°, de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'abus de biens sociaux et de présentation de faux bilan ; " aux motifs, repris du jugement, que les époux Z... leur reprochaient d'avoir détourné à leur profit une somme de 212 122, 18 francs portée dans le livre-journal et les comptes fournisseurs comme correspondant à des achats de la société Atlantic Buro à Dubos, qui n'avaient aucune réalité ; que l'examen des pièces comptables faisait apparaître qu'une telle somme figurait au journal des fournisseurs sous le n° 256 au nom de Dubos ; qu'elle est reportée au crédit du compte de Dubos avec référence à cette même facture à la date du 30 avril 1980 et au débit de ce même compte après paiement, le 30 juin 1980, pour 212 125, 36 francs et une régularisation de 2, 82 francs ; que les époux A... ont nié que cette facture qui n'a pas été retrouvée ait jamais existé, mais qu'elle avait été vue par le comptable Monjotin et la secrétaire Gomez ; que la réalité de cette facture que les époux A... qui disposaient de factures vierges à l'en-tête de Dubos pour écouler une partie du stock lui appartenant avaient la possibilité de fabriquer, qui a été vue par plusieurs personnes et a été régulièrement portée en comptabilité, ne faisait aucun doute ; qu'à la même époque, les époux A... avaient soit retiré en liquide par 8 chèques, soit viré ou porté à leur compte-courant des sommes d'un montant total correspondant à celle portée dans les écritures avec la même régularisation de 2, 82 francs ; que cette opération de détournement avait eu pour conséquence une falsification volontaire du bilan de " alors, d'une part, qu'en aucune de ses énonciations, l'arrêt attaqué ne constate que la facture n° 256 eût été effectivement fabriquée par les époux A... ou sur leur ordre, ni qu'ils aient même eu connaissance de l'existence de cette facture ; qu'en les déclarant dès lors coupables des infractions qui leur

étaient reprochées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; " alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever qu'à la même époque, les époux A... avaient soit retiré en liquide par 8 chèques, soit viré ou porté à leur compte-courant des sommes d'un montant total de 212. 125 francs correspondant à celle portée dans les écritures... " sans donner aucune précision ni sur la date exacte, ni sur le montant des chèques et des virements ou des opérations de crédit au compte-courant, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision ; " alors, enfin, que la Cour ne pouvait sans se contredire ou s'en expliquer davantage constater que le détournement allégué portait, selon les époux Z..., sur une somme de 212 122, 18 francs figurant sur le journal des fournisseurs et constater que le compte fournisseurs de Dubos avait été débité de 212 125, 36 francs avec une régularisation de 2, 82 francs ; qu'en effet, la différence entre ces deux dernières sommes ne correspond pas au montant prétendument détourné par les prévenus ; que cette contradiction de motifs prive l'arrêt attaqué de base légale " ; Sur le moyen complémentaire de cassation pris de la violation des articles 509, 515 et 591 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt a énoncé que l'appel des époux A... était limité au seul moyen de la nullité du rapport d'expertise ; " alors qu'il résulte de l'acte d'appel que les époux A... ont relevé appel pour le tout du jugement du 2 avril 1987 ; qu'en se bornant à statuer sur le seul moyen tiré de la nullité du rapport sans examiner si les délits qui leur étaient reprochés étaient constitués, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine " ; Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour déclarer Roger A... et son épouse Micheline C..., respectivement gérant de fait et de droit de la SARL " Atlantic-Buro ", coupables de publication de bilan inexact et d'abus de biens sociaux, les juges du fond relèvent, d'une part, que les époux A... ont porté au bilan de 1981, se rapportant à l'exercice 1980, à la rubrique créances de la société une somme déterminée représentant une ristourne sur les quotas de vente de matériels, alors qu'il ressort des divers éléments de l'information rapportés par les juges que de telles ristournes n'existaient pas ; qu'ils retiennent d'autre part que les prévenus ont détourné à leur profit une autre somme, inscrite au livre journal et dans les comptes fournisseurs comme correspondant à des achats de matériels de la société à un tiers, acquisitions attestées par une facture n° 256 du 30 avril 1980, dont la matérialité ne fait aucun doute, alors que cette pièce comptable ne correspondait à aucune opération réelle ; que selon les juges du fond, il est résulté de ces écritures passées en comptabilité et de ce détournement une falsification volontaire du bilan de l'exercice 1980 dont la lecture laissait croire que figurait à l'actif le matériel faisant l'objet de la facture n° 256 ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et de contradiction, la cour d'appel qui a prononcé dans la limite des faits et de l'appel dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués aux moyens lesquels ne sauraient dès lors être accueillis ; Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 425-4° de la loi du 24 juillet 1966, 173 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de Me B..., syndic, et condamné les époux A... à lui payer la somme de 189 477, 14 francs en remboursement des sommes détournées pour abus de biens sociaux ; " aux seuls motifs, repris du jugement, que la demande du syndic d'une somme de 189 477, 14 francs qui ne représentait même pas le montant des détournements avérés serait accueillie ; " alors que, dans leurs conclusions, les prévenus faisaient valoir que la somme de 189 477, 14 francs réclamée par le syndic avait été déterminée par le rapport d'expertise qui était entaché de nullité radicale ; que, dès lors que la demande du syndic trouve son fondement dans une pièce entachée de nullité, la condamnation des prévenus au paiement de cette somme est illégale " ; Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour condamner les époux A..., reconnus coupable d'abus de biens sociaux, à payer solidairement des dommages-intérêts au syndic à la liquidation des biens de la société Atlantic-Buro, dont les prévenus étaient les responsables, les juges du fond retiennent que la demande du syndic, partie civile, sollicitant le paiement d'une somme de 189 477, 14 francs en remboursement des sommes détournées, doit être accueillie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a fait qu'user du pouvoir qui appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement, dans les limites des conclusions de la partie civile, l'étendue du préjudice causé directement par l'infraction, a donné une base légale à sa décision ; Que dès lors le moyen ne peut qu'être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-80617
Date de la décision : 17/04/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le 2e moyen et le moyen complémentaire) SOCIETE - Société à responsabilité limitée - Gérant - Abus de biens sociaux - Perception de ristournes indues - Présentation de faux bilan - Constatations suffisantes.


Références :

Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 425 3° et 4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 08 janvier 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 avr. 1989, pourvoi n°88-80617


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LE GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.80617
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