Attendu, selon le jugement déféré et les pièces produites, que les époux Daniel X... ont fait donation d'un fonds de commerce, d'une valeur de 200 000 francs, en avancement d'hoirie à leur fils Thierry ; qu'il était stipulé dans l'acte que les donateurs se réservaient le droit de retour sur le bien transmis en cas de prédécès du donataire sans descendant, et que la libéralité était consentie à charge par le donataire de verser aux donateurs une somme de 150 000 francs, le rapport à leur succession étant fixé à 50 000 francs ; qu'aucun droit de mutation à titre gratuit n'a été perçu lors de l'enregistrement de l'acte en application de l'article 779 du Code général des impôts ; qu'ultérieurement, en se fondant sur l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales, l'administration des Impôts a considéré que l'acte contenait deux dispositions constituant, la première, pour une valeur de 50 000 francs, une mutation à titre gratuit exonérée de droits, la seconde une convention à titre onéreux entrant dans les prévisions de l'article 720 du Code général des impôts, et a émis un avis de mise en recouvrement des droits d'enregistrement et des pénalités estimés dûs ;
Sur le moyen unique, pris en sa première et en sa troisième branches :
Attendu que M. Thierry X... fait grief au jugement d'avoir rejeté son opposition à l'avis de mise en recouvrement, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en considérant que l'acte litigieux devait s'analyser en une donation à hauteur de la somme rapportable et comme un contrat à titre onéreux à hauteur de la charge, le tribunal a dénaturé la doctrine de l'administration fiscale selon laquelle lorsque les charges sont inférieures à la valeur du bien donné, la convention constitue pour le tout une libéralité et ainsi a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que l'administration des Impôts ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente de celle qu'elle avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées ; qu'en reconnaissant à l'Administration le droit d'opérer un rehaussement, en présence de dispositions de doctrine claires selon lesquelles la convention constituait une libéralité soumise aux règles des donations ordinaires, le Tribunal a violé l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, d'une part, que le jugement retient exactement que l'interprétation administrative invoquée par M. X..., si elle énonce le principe dont se prévaut ce dernier, envisage des cas où il peut recevoir exception, et que le litige pose la question de savoir si l'une de ces exceptions est applicable à la situation de l'espèce ; que ces motifs, ainsi que ceux portant appréciation de la portée des règles en cause, ne sont pas susceptibles d'être critiqués par M. X... au moyen d'un grief alléguant la dénaturation des instructions administratives invoquées ;
Attendu, d'autre part, que, n'étant pas établi que la doctrine invoquée par M. X..., qui devait être envisagée dans son ensemble, lui était favorable avec certitude, en sorte qu'elle ne liait pas les juges, les dispositions de l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales étaient inapplicables en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, est inopérant en sa troisième branche ;
Mais, sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 894 du Code civil, ensemble l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales et les articles 671, 719 et 720 du Code général des impôts ;
Attendu qu'en vertu de l'article 671 du Code général des impôts, il n'est dû pour chacune des dispositions d'un même acte, et selon son espèce, une taxe ou un droit particulier qu'à la condition que les stipulations considérées soient indépendantes ou ne dérivent pas nécessairement les unes des autres ; qu'une donation constitue une libéralité pour le tout lorsque la charge stipulée par le donateur a une valeur inférieure à la valeur du bien transmis ;
Attendu que, pour rejeter l'opposition de M. X... à l'avis de mise en recouvrement, le jugement retient qu'en raison de l'importance de la charge, égale aux trois quarts des biens donnés en valeur, de sa liquidité et du bref délai laissé au donataire pour s'en acquitter, c'est à bon droit, que l'Administration fiscale a analysé l'acte litigieux comme une donation à hauteur de la somme rapportable et comme un contrat à titre onéreux à hauteur de la charge ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les motifs énoncés, tirés de la seule analyse objective de la clause stipulant une charge constituée par le paiement aux donateurs d'une somme d'un montant inférieur à la valeur du bien transmis, n'étaient pas propres à établir que les donateurs avaient entendu stipuler sans intention libérale pour le tout, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 19 juin 1987, entre les parties, par le tribunal de grande instance du Puy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Moulins