LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation portant désignation de juridiction, en application de l'article 679 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires ampliatif et additionnel produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par X..., et pris de la violation de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 30 décembre 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X..., syndic de la liquidation de biens de Z..., coupable de malversations ;
" aux motifs que la plupart des irrégularités constatées sont impossibles sans concevoir une volonté de fraude de la part de X... ; qu'il a commis des malversations au préjudice de Z... et d'autres créanciers afin de favoriser son ami Y..., juge consulaire à Draguignan ; que X... avait agi par amitié, espérant sans doute être un jour payé de retour et qu'un syndic de faillite avait toujours intérêt à se ménager les bonnes grâces ou la protection d'un juge consulaire appartenant à la juridiction susceptible de le désigner et de contrôler sa gestion ;
" alors, d'une part, que la loi nouvelle du 25 janvier 1985, en son article 207, ne vise par les syndics de faillite et abroge l'article 146 de la loi du 13 juillet 1967 qui sanctionnait pénalement les malversations dont un syndic de faillite se rendait coupable ; qu'il s'ensuit que, en vertu de la loi nouvelle plus douce, les faits de malversations reprochés à X... en qualité de syndic de la faillite de Z... ne tombaient plus sous le coup d'aucune incrimination pénale, de sorte que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, d'autre part et en tout état de cause, que l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ne vise pas les malversations d'un syndic de faillite réprimées par l'article 146 de la loi du 13 juillet 1967, lequel a été abrogé par l'article 238 de la loi nouvelle, qu'il réprime le fait pour " tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan " d'avoir " fait, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur " ; qu'en tant qu'il comportait des dispositions pénales plus douces-l'abrogation du délit de malversation-ce texte était immédiatement applicable à X... auquel la prévention reprochait de s'être rendu coupable de malversations dans sa gestion en vertu du principe de la rétroactivité in mitius ; qu'en tant qu'il comportait des dispositions pénales plus sévères-avoir fait dans son intérêt des pouvoirs dont il disposait un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur-ce texte n'était pas applicable aux faits de malversations reprochés à X... en vertu de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ; qu'ainsi les faits de malversation reprochés à X... ne tombaient sous le coup d'aucune incrimination pénale et que la déclaration de culpabilité est illégale ;
" alors, enfin et subsidiairement, que, à supposer que les dispositions de l'article 207 soient applicables aux anciens syndics de faillite, leur application est subordonnée à la condition que le syndic ait fait, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur ; qu'en se bornant à énoncer que les irrégularités commises par X... constituent des malversations commises afin de favoriser son ami, le juge Y..., qu'il avait agi par amitié en espérant un jour être payé de retour et qu'un syndic de faillite avait toujours intérêt à se ménager les bonnes grâces ou la protection d'un juge consulaire qui est susceptible de le désigner et de contrôler sa gestion, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs généraux et hypothétiques, n'a caractérisé à l'encontre du prévenu aucun intérêt personnel et actuel pénalement punissable ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité est privée de base légale " ;
Le moyen étant pris en ses deux premières branches ;
Et sur le moyen additionnel de cassation proposé par X..., pris de la violation des articles 1er modifié du Code civil, 4 du Code pénal, 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 85 de la loi du 30 décembre 1985, 207 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale et du principe de la rétroactivité in mitius, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable de malversations ;
" alors que l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985, entrée en vigueur le 1er janvier 1986, a abrogé l'article 146 de la loi du 13 juillet 1967 réprimant les malversations commises par les syndics de faillite ; qu'en vertu de l'article 1er du Code civil, la loi du 30 décembre 1985 qui rétablit, par son article 85, l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 et a été publiée au Journal officiel le 31 décembre 1985, n'a pu entrer en vigueur dans le département des Bouches-du-Rhône 1 jour franc après sa promulgation, mais seulement 1 jour franc après que le Journal officiel qui la contient était parvenu au chef-lieu de l'arrondissement, c'est-à-dire au plus tôt le 3 janvier 1986 ; qu'il s'ensuit que, le 1er janvier 1986, les faits de malversations reprochés à X... n'étaient plus susceptibles de poursuites pénales en vertu du principe de la rétroactivité in mitius ; qu'ils ne pouvaient plus ensuite tomber sous le coup de la répression nouvelle édictée par l'article 207 tel qu'il résultait de la loi du 30 décembre 1985 " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les faits imputés à X... sous la qualification de malversations par un syndic, relevaient à la date de leur commission des dispositions de l'article 146 de la loi du 13 juillet 1967 ; qu'en leur faisant application, non pas de ce texte, abrogé depuis le 1er janvier 1986 en vertu des articles 238, alinéa 2, et 243 de la loi du 25 janvier 1985 mais de l'article 207 de ce dernier texte, tel qu'il a été rétabli par l'article 85 de la loi du 30 décembre 1985, l'arrêt attaqué n'a nullement encouru les griefs des moyens, dès lors qu'aux termes de l'article 94 de ladite loi les dispositions de l'article 85 susvisé, qui déterminent autrement que le texte abrogé les éléments de l'infraction dont s'agit, étaient applicables à compter du 1er janvier 1986 ;
Qu'en effet, d'une part, les juges répressifs sont tenus d'appliquer la loi en toutes ses dispositions sans pouvoir en apprécier la constitutionnalité ;
Que, d'autre part, le principe de la légalité des délits et des peines, tel qu'il est exprimé à l'article 7-1 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne fait pas obstacle à ce qu'une loi nouvelle, en ses dispositions équivalentes ou favorables, s'applique à des faits déjà incriminés par la loi ancienne sous l'empire de laquelle ils ont été commis ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par X..., pris en sa troisième branche ;
Et sur les deux moyens de cassation proposés par Y..., le premier pris de la violation de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 30 décembre 1985, violation du principe de la présomption d'innocence, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de complicité du délit de malversation retenu à l'encontre de X... ;
" aux motifs que " la plupart des irrégularités constatées sont impossibles à concevoir sans une volonté de fraude de la part de X... ; qu'il est donc établi que celui-ci a commis des malversations au préjudice de Z... et de certains créanciers, afin de favoriser son ami Francis Y..., juge consulaire à Draguignan ; que X... a agi par amitié, en espérant, sans doute, être payé un jour de retour ; qu'en outre un syndic de faillite a toujours intérêt à se ménager les bonnes grâces ou la protection d'un juge consulaire appartenant à la juridiction qui est susceptible de le désigner et de contrôler sa gestion " ;
" alors que, d'une part, l'article 207, alinéa 1er, 2°, de la loi du 25 janvier 1985 modifiée par la loi du 30 décembre 1985, exigeant que le syndic sache que ses actes sont contraires aux intérêts des créanciers ou du débiteur pour que le délit de malversation soit caractérisé, la Cour qui se borne au constat subjectif de la nécessité quasiment intellectuelle d'une volonté de fraude de X..., motif parfaitement hypothétique, ne met par la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le respect des dispositions précitées ;
" alors que, d'autre part, le même texte exigeant que le syndic ait agi " dans son intérêt ", la cour d'Aix-en-Provence, qui s'est bornée, une fois encore, par des motifs généraux et hypothétiques, à présumer l'existence de l'intérêt de X... du seul fait que son ami Y... soit juge consulaire, sans expliquer en quoi X... aurait tiré un bénéfice précis des agissements incriminés, a violé le texte susvisé " ;
Le second, pris de la violation des articles 59 et 60 du Code pénal, 485 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable du délit de complicité de malversation ;
" au motif qu'" il est établi que Y... s'est rendu coupable du délit de complicité de malversation par instructions, fournitures de moyens ou aide et assistance " ;
" alors que la Cour, qui n'a pas expliqué en quoi Y... aurait donné des instructions ou fourni des moyens ou de l'aide à X..., ni en quoi il aurait eu conscience de participer à l'infraction réprimée, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé les articles 59 et 60 du Code pénal " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, pour parties reproduites aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé par des motifs exempts d'insuffisance et de caractère hypothétique, tous les éléments, tant matériels qu'intentionnel, du délit de malversation dont elle a déclaré X... coupable ainsi que la complicité de cette infraction qu'elle a retenue à la charge de Y... au regard tant de l'article 146 de la loi du 13 juillet 1967 que de l'article 207 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Que les moyens qui reviennent à remettre en question, devant la Cour de Cassation, l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois
REJET des pourvois formés par : 1°) X... Jean-Luc, 2°) Y... Francis, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre correctionnelle, en date du 29 juin 1987, qui les a condamnés respectivement le premier pour délit de malversation à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende, le second pour complicité de ce délit à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende.