LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois juillet mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et LIARD, de Me VUITTON et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Gilbert,
- Y... Jeannine, épouse X...,
- Z... Marcel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 21 novembre 1986, qui, pour infractions fiscales, les a condamnés à des amendes et pénalités fiscales, et a ordonné la publication et l'affichage de la décision ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom des époux X... et pris de la violation des articles 407, 435, 443, 1891, 1794 du Code général des impôts, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les époux X... coupables de fausse déclaration de récolte de vin, de transport, enlèvement de vins sans titre de mouvement et les a condamnés en répression, pour la première infraction, à une amende de 100 francs, une pénalité proportionnelle de 4 378 francs et à la confiscation des vins saisis et, pour la deuxième infraction, à une amende de 100 francs, une pénalité proportionnelle de 398 000 francs et à la confiscation des vins saisis ;
" aux motifs qu'il ressort du rapport d'expertise que s'il est plausible que le produit entreposé et transporté par les prévenus dans des citernes au fur et à mesure des pressurages pouvait être destiné à l'industrie des jus de fruits, l'éventualité de sa vinification après aération et assemblage ne doit pas être écartée ; qu'en toute hypothèse, et qu'elle qu'ait pu être sa destination ultérieure, le liquide répondait bien à la définition donnée par l'article 435 du Code général des impôts ;
" alors que l'article 435 du Code général des impôts, qui dispose que sont compris sous la dénomination de vins, les liquides achevés et potables et ceux se présentant sous les divers états par lesquels peut passer le produit du raisin depuis le moût jusqu'à la lie non parvenue à dessication complète ne concernant que les liquides qui sont nécessairement appelés, au terme de leur élaboration complète, à devenir du vin achevé et potable, la Cour ne pouvait, sans statuer par voie de motif hypothétique et violer les textes susvisés, décider que le liquide dont elle constate qu'il s'agit en l'état d'un jus de fruit, pouvait éventuellement être vinifié au terme d'hypothétiques opérations d'assemblage et d'aération " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom de Marcel Z... et pris de la violation des articles 438-1, 407, 1791, 1794-3, 1799- a, 1800 et 1818 du Code général des impôts, 463 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, du règlement communautaire n° 816 / 70 du 28 avril 1970, 177 du Traité de Rome, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z... coupable d'enlèvement, transport et réception de vin sans titre de mouvement, et l'a condamné à une peine d'amende, une pénalité proportionnelle, à confiscation et affichage ;
" aux motifs qu'il ressort du rapport d'expertise que s'il est plausible que le produit pouvait être destiné à l'industrie des jus de fruits, l'éventualité de sa vinification après aération et assemblage ne doit pas être écartée ; mais attendu, en toute hypothèse, que quelle qu'ait pu être sa destination ultérieure, le liquide litigieux répondait bien à la définition du vin donnée par l'article 435 du Code général des impôts ;
" alors que, d'une part, en se fondant sur une simple hypothèse pour retenir l'élément matériel d'une infraction, l'arrêt attaqué est dépourvu de motifs ;
" alors que, d'autre part, dès lors qu'il était en fait irrémédiablement dénaturé par l'adjonction d'anhydride sulfureux en quantité considérable, le liquide litigieux ne relevait plus des dispositions du Code général des impôts relatives au vin ;
" alors enfin que la définition du vin retenue en l'espèce était en contradiction avec celle retenue par le règlement n° 816 / 70 du 28 avril 1970 du Conseil des communautés européennes ; que l'arrêt attaqué a violé cette disposition " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé au nom de Marcel Z... et pris de la violation des articles 407, 438-1, 1791, 1994-3, 1799- A, 1818 du Code général des impôts, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z... coupable de fausse déclaration de récolte de vin et l'a condamné de ce chef ;
" alors que faute d'avoir constaté une quelconque différence entre les récoltes déclarées et celles effectivement recueillies, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé l'élément matériel de l'infraction et n'a, en tous cas, pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer le moindre contrôle sur la réalité des faits reprochés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour écarter les conclusions dont elle était saisie et déclarer les prévenus coupables d'infractions fiscales, par fausse déclaration de quantité de récolte et transport de vin sans titre de mouvement, la cour d'appel expose que les fonctionnaires des impôts ont découvert dissimulées dans un hangar sept cuves contenant du moût de raisins, stabilisé par adjonction d'anhydride sulfureux, et qui appartenait concurrement aux époux X... et à Marcel Z... ;
Qu'elle constate que les intéressés ont reconnu avoir transporté ce moût, d'appellation champagne et provenant des excédents de la récolte 1983, dans une citerne au fur et à mesure des pressurages ; qu'elle observe que si le produit pouvait être utilisé pour la préparation de jus de fruit, comme le soutiennent les prévenus, sa vinification demeurait possible et que, qu'elle qu'ait pu être sa destination ultérieure, il répondait à la définition du vin donnée par l'article 435 du Code général des impôts ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation des circonstances de la cause soumise au débat contradictoire, et alors que le régime fiscal des vins est étranger aux prévisions de la réglementation communautaire, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments les infractions reprochées ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le second moyen de cassation proposé au nom des époux X... et pris de la violation des articles 7, 9 de la loi du 29 décembre 1977, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, qui a condamné les époux X... pour enlèvement, transport et réception de vin sans titre de mouvement, à une pénalité proportionnelle de 4 378 francs et pour fausse déclaration de récolte de vin à une pénalité de même nature d'un montant de 398 000 francs, sans préciser le montant de droits fraudés ou compromis, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier si, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1977, la pénalité infligée n'excédait pas trois fois le montant des droits fraudés " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des conclusions de l'Administration auxquelles il se réfère que les juges ont condamné les époux X... à des pénalités égales à une fois le montant des droits fraudés pour transport de vin sans titre de mouvement et à une fois la valeur du vin, fixée de gré à gré, pour fausse déclaration de récolte ;
Attendu qu'en cet état, et alors que les juges n'ont pas à mentionner dans leur décision le décompte des pénalités qu'ils prononcent dès lors que ce décompte figure dans les conclusions de l'administration, l'arrêt attaqué ne saurait encourir les griefs du moyen lequel ne peut qu'être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé au nom de Marcel Z... et pris de la violation des articles 438-1, 407, 1791, 1794-3, 1800, 1818 du Code général des impôts, 4, 463 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Z... :- pour enlèvement, transport et réception de vin sans titre de mouvement à une amende de 100 francs, une pénalité proportionnelle de 1 100 francs, la confiscation des vins saisis ou au paiement de leur valeur estimée à 100 000 francs,- pour fausse déclaration de récolte de vin, à une amende de 100 francs, une pénalité proportionnelle de 100 000 francs, la confiscation des vins saisis ou au paiement de leur valeur estimée à 100 000 francs, outre la publication et l'affichage de l'arrêt ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne les sanctions, eu égard aux circonstances particulières de la cause, il échet de réduire le montant des amendes et pénalités infligées aux intéressés, mais de préciser les modalités de la confiscation à prononcer ; qu'il n'y a pas lieu à dispense de l'affichage prévu par l'article 1818 du Code général des impôts ;
" alors que, d'une part, l'arrêt attaqué au surplus non motivé sur ce point ne pouvait prononcer une peine de publication non prévue par les textes ;
" alors que, d'autre part, dès lors qu'une seule contravention de transport était constatée, une seule amende pouvait être prononcée de ce chef quel que soit le nombre d'auteurs ;
" alors enfin que les juges ayant constaté la qualité de viticulteur récoltant du demandeur ne pouvait faire application de l'article 438-1, seul les tarifs de l'article 438-2 devant être retenus pour le calcul des droits et pénalités " ;
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel en prononçant à l'encontre de Marcel Z..., pour les infractions dont elle l'a déclaré coupable, les amendes et pénalités fiscales indiquées au moyen, a fait l'exacte application des articles 438-1, 1791 et 1794 du Code général des impôts ;
Mais sur le moyen pris en sa première branche ;
Et sur le moyen relevé d'office en faveur des époux X... et pris de la violation de l'article 1818 du Code général des impôts ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'aucune peine, autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction, ne peut être prononcée ;
Attendu qu'après avoir condamné les prévenus pour fausse déclaration de récolte et transport de vin sans titre de mouvement, la cour d'appel a ordonné la publication et l'affichage de la décision par application de l'article 1818 du Code général des impôts ;
Mais attendu que si l'article précité édicte que l'affichage du jugement est prononcé en cas d'infraction aux dispositions relatives à la déclaration de récolte, aucun texte ne prévoit, pour l'un des chefs dont les intéressés ont été déclarés coupables, la publication de la décision ;
Que, dès lors, l'arrêt attaqué a violé le principe ci-dessus énoncé ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Reims, en date du 21 novembre 1986, mais seulement par voie de retranchement et sans renvoi, dans ses dispositions relatives à la publication de la décision.