Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 425-1 et L. 436-1 du Code du travail ;
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, le syndicat du commerce CFDT des Ardennes a, par lettre du 19 janvier 1984, notifié à la société Ardico que Mlle Blandine X... était désignée comme délégué syndical et que celle-ci demandait l'organisation d'élections de délégués du personnel et de membres du comité d'entreprise ; que cette salariée avait le même jour, mais deux heures environ avant l'envoi de cette lettre, fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, une procédure de licenciement pour faute grave étant engagée contre elle ; que l'inspecteur du Travail, saisi par l'employeur, sous réserve du résultat de la contestation de la désignation comme délégué syndical que celui-ci engageait par ailleurs, a, le 6 février 1984, refusé d'autoriser le licenciement ; que la désignation litigieuse a été annulée par le tribunal d'instance le 24 février 1984 ; que le 25 février suivant, la salariée a été licenciée pour faute grave dans les formes du droit commun ; qu'elle a demandé devant la juridiction prud'homale l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et d'une indemnité de préavis ;
Attendu que pour la débouter de ses demandes, l'arrêt attaqué a retenu que la prétention de la salariée à une protection contre le licenciement distincte de la qualité de déléqué syndical qu'elle avait perdue rétroactivement de par l'annulation de sa désignation et provenant de ce qu'elle aurait réclamé des élections professionnelles n'est pas pertinente, dès lors que la lettre du 19 janvier 1983 demandant ces élections n'émanait que du seul syndicat CFDT sans que la salariée se soit personnellement manifestée ;
Attendu, cependant, que la cour d'appel a constaté que le licenciement de la salariée avait été refusé par l'autorité administrative qui avait estimé que la salariée bénéficiait de la protection instituée en faveur des salariés demandeurs d'élections professionnelles ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que la décision administrative s'imposait en l'état au juge judiciaire, qui ne pouvait en apprécier la légalité, fût-ce en présence d'une allégation de fraude, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe de la séparation des pouvoirs ;
PAR CES MOTIFS : et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mars 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy