ANNULATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Saïf,
- la société Eurasia,
- la société Perrigault,
- la société Transit-Gauthier,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 1987, qui, pour contravention douanière, les a condamnés, solidairement, X... Saïf et la société Eurasia à des amendes et pénalités fiscales, X... Saïf et les sociétés Eurasia, Transit-Gauthier et Perrigault au paiement des taxes compensatoires éludées.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom de Saïf X... et de la société Eurasia, et pris de la violation de l'article 412 du Code des douanes, du tarif extérieur commun, et, en particulier de la position 08-04 B 1, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la décision attaquée a déclaré les demandeurs coupables d'avoir commis la contravention douanière de fausse déclaration d'espèce ayant pour but ou pour effet d'éluder le paiement d'une taxe ;
" aux motifs que le 6 juillet 1983 des fonctionnaires des Douanes ont prélevé dans les magasins de la société Eurasia des échantillons de raisins secs importés ; que l'analyse pratiquée de ces échantillons a mis en évidence que le raisin prélevé s'apparentait à la variété Sultana et se différenciait des raisins de Corinthe ; que c'est à tort que Saïf X... et la société Eurasia ont effectué des déclarations d'importation portant l'indication raisins dits de Corinthe ;
" alors que le point de savoir dans quelle position doit être classée une marchandise en vue de l'application d'un droit de douane, ou le point de savoir si elle entre dans le champ d'application d'une réglementation, et, en particulier, d'une réglementation communautaire de nature à entraîner la perception d'une taxe suppose l'interprétation des textes concernant la position tarifaire ou du règlement instituant une taxe, qu'il s'agit là d'un problème de droit ; que les juges du fond doivent, par ailleurs, décrire la marchandise litigieuse, afin de permettre à la Cour de Cassation de déterminer si les textes, et singulièrement les textes communautaires dont l'application est revendiquée, s'appliquent ou non ; qu'en l'espèce actuelle, les juges du fond en se contentant d'affirmer que l'analyse pratiquée par le laboratoire des Douanes de Paris aurait mis en évidence que le raisin prélevé s'apparentait à la variété Sultana et se différenciait des raisins de Corinthe, sans préciser les caractéristiques des raisins litigieux, n'a pas mis la Cour de Cassation à même d'exercer son contrôle sur le point de savoir si les raisins litigieux entraient ou non dans la catégorie des raisins dits de Corinthe au sens du règlement n° 2742 / 82 de la Commission des Communautés économiques européennes en date du 13 octobre 1982 et des sous-positions 08-04- b-1 et 2 du tarif douanier commun ;
" alors, d'autre part, que les juges du fond sont tenus de répondre au moyen péremptoire des parties ; qu'en l'espèce actuelle, le Directeur général des Douanes ayant soutenu dans ses conclusions devant la Cour qu'une étude " de l'avis joint au présent dossier précise que la culture du raisin dit de Corinthe est très localisée à la Grèce et très accessoirement à l'Australie, l'Afrique du Sud et la Californie USA et qu'il n'apparaît pas que l'Afghanistan soit producteur de cette variété " et les demandeurs ayant contesté cette définition et fait valoir qu'au surplus l'Administration classait les raisins uniquement en fonction de leur prix, ce qui ne pouvait constituer une définition douanière, la cour d'appel devait impérativement rechercher ce qu'étaient des raisins de Corinthe au sens des textes communautaires ; qu'en ne le faisant pas elle n'a pas répondu à des moyens péremptoires des conclusions des parties ;
" alors enfin que toute décision doit être motivée, que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs et que les juges du fond en se contentant de se référer, pour qualifier la marchandise au seul résultat de l'examen auquel aurait procédé le laboratoire des Douanes de Paris, sans donner aucune indication sur les motifs qui avaient conduit le laboratoire de Paris à affirmer que les raisins entraient dans la variétés Sultana et sans donner la moindre indication sur les qualités substantielles de la marchandise, a insuffisamment motivé sa décision " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé au nom de la société Transit-Gauthier, et pris de la violation des articles 369, 396, 392, 399, 395, 412, paragraphe 2, 435 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Transit-Gauthier coupable d'avoir, du 26 janvier 1983 au 21 juin 1983, importé des raisins secs en effectuant de fausses déclarations d'espèces ayant pour but d'éluder la taxe compensatoire, et d'avoir ainsi commis la contravention douanière de fausse déclaration d'espèce ayant pour but ou pour effet d'éluder le paiement d'une taxe ;
" aux motifs que X... et la société Eurasia importent des raisins secs du Moyen-Orient et de l'Orient, et se sont adressés à Rouen à la société Transit-Gauthier, au Havre à la société Perrigault et à Marseille à la société Plaisant, que du 18 avril 1981 au 22 septembre 1982, ils ont importé, en provenance d'Afghanistan des raisins secs en la déclarant sous la position tarifaire " autres raisins secs ", la facture du fournisseur précisant qu'il s'agissait de raisins secs Sultana, que le 28 septembre 1982 un régime douanier spécial a été institué par la Communité économique européenne (CEE) pour les raisins secs dits de Corinthe avec l'instauration d'une taxe compensatoire pour les autres sortes de raisins secs importés par la Communité économique européenne (CEE) au-dessous d'un prix minimum, que le 29 décembre 1982, la société Transit-Gauthier a fourni à l'administration des Douanes des échantillons de raisins secs en provenance d'Afghanistan et lui a demandé si cette marchandise était bien de la variété dite " de Corinthe ", que le 18 janvier 1983 l'administration des Douanes répondit que les produits présentés relevaient bien de la position tarifaire " raisins secs dits de Corinthe ", qu'à compter de cette réponse les déclarations d'importation porteront l'indication " raisins dits de Corinthe ",
que des procès-verbaux des Douanes en date du 16 juin, 6 juillet et 3 novembre 1983 feront apparaître que, du 26 janvier 1983 au 21 juin 1983, X... et la société Eurasia, la société Plaisant, la société Transit-Gauthier et la société Perrigault avaient importé d'importantes quantités de raisins en provenance d'Afghanistan, sous la nouvelle dénomination, que l'administration des Douanes qui soutient que ces raisins devaient être déclarés " petits raisins secs " a fait prélevé le 6 juillet 1983 dans les magasins de la société Eurasia des échantillons de raisins secs importés, que l'analyse pratiquée sur ces échantillons a mis en évidence que le raisin prélevé s'apparentait à la variété Sultana et se différenciait des raisins de Corinthe, qu'en effectuant des déclarations d'importation portant l'indication " raisins dits de Corinthe " les prévenus ont commis la contravention douanière de fausse déclaration d'espèce ayant pour but d'éluder le paiement des taxes compensatoires ;
" alors, d'une part, que lorsqu'une loi déterminant autrement que les textes précédents les éléments d'une infraction, est intervenue après une condamnation et avant l'arrêt qui statue sur le pourvoi en cassation, il y a lieu à l'application de cette loi nouvelle, que la loi du 8 juillet 1987 modifiant la procédure fiscale et douanière a abrogé en son article 23 le paragraphe 2 de l'article 369 du Code des douanes interdisant aux tribunaux de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention, que cette loi est entrée en vigueur le 9 juillet 1987, qu'à compter de cette date, la condamnation de la société Transit-Gauthier du chef de fausse déclaration d'espèce ayant pour but ou pour effet d'éluder le paiement d'une taxe, contravention prévue et réprimée par l'article 412 du Code des douanes dépourvue de base légale à défaut de constatation par l'arrêt attaqué de l'intention frauduleuse du prévenu ;
" alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, l'erreur invincible est celle qui, en l'absence de toute faute ou négligence, ne peut être évitée à la suite des vérifications que requiert l'opération incriminée qu'en l'espèce la société Transit-Gauthier avait, au vu de l'entrée en vigueur le 28 septembre 1982 du régime douanier spécial institué par la Communauté économique européenne (CEE), pour les raisins secs dits " de Corinthe ", demandé à l'administration des Douanes le 29 décembre 1982 sous quelle rubrique elle devait classer les raisins secs importés d'Afghanistan, que le 18 janvier l'administration des Douanes lui répondait, après avoir examiné les échantillons, que ces produits relevaient de la position tarifaire " raisins secs dits de Corinthe ", qu'ainsi la société Transit-Gauthier avait entrepris les diligences indispensables pour éviter de commettre une erreur sur la classification du produit incriminé ; qu'en raison des nouvelles dispositions régissant la classification douanière des raisins secs, seule une demande à l'administration des Douanes pouvait permettre à la société Transit-Gauthier d'éviter de commettre une erreur de classification, que la réponse erronée de l'administration des Douanes constituait pour la société Transit-Gauthier une erreur invincible au sens de l'article 399. 3° du Code des douanes " ;
Et sur le moyen d'annulation relevé d'office en faveur de la société Perrigault et pris de l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1987, notamment en son article 23 portant abrogation de l'article 369. 2° du Code des douanes ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de prévisions contraires expresses une loi nouvelle qui abroge une incrimination ou qui comporte des dispositions pénales ou douanières plus douces s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu que l'administration des Douanes a fait citer devant le tribunal de police Saïf X... comme prévenu et notamment les sociétés Eurasia, Transit-Gauthier et Perrigault, transitaires en douanes comme solidairement responsables pour contravention douanière par fausse déclaration d'espèce ayant pour but d'éluder le paiement d'une taxe ;
Attendu que pour retenir la culpabilité du susnommé et la reponsabilité solidaire des sociétés précitées, l'arrêt attaqué, après avoir énoncé que Saïf X..., gérant de la société Eurasia, a importé, par l'intermédiaire des sociétés Transit-Gauthier et Perrigault, des raisins secs d'Afghanistan en les déclarant faussement " raisins de Corinthe ", écarte les conclusions des parties poursuivies faisant valoir à l'appui de leur bonne foi qu'un règlement communautaire ayant institué un régime spécial pour les raisins de Corinthe et instauré une taxe compensatoire pour les autres sortes de raisins, la société Transit-Gauthier a obtenu de l'administration des Douanes la confirmation que les marchandises importées relevaient de la position tarifaire applicable aux raisins secs dits de Corinthe ;
Mais attendu que l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 a abrogé l'article 369. 2° du Code des douanes qui édictait que les tribunaux ne peuvent relaxer les contrevenants pour défaut d'intention ; que si cette loi nouvelle n'a pas introduit un quelconque élément intentionnel dans les incriminations douanières relevant de la compétence du juge pénal, il n'est désormais plus interdit au contrevenant de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que cette modification s'analyse en une disposition favorable ;
Que, dès lors, l'arrêt attaqué doit être annulé et l'affaire renvoyée devant les juges du fond afin de procéder à un réexamen de la poursuite au regard de ces nouvelles dispositions ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés :
ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rouen du 24 mars 1987, mais dans ses seules dispositions ayant prononcé sur les poursuites exercées par l'administration des Douanes contre Saïf X... et les sociétés Eurasia, Perrigault et Transit-Gauthier,
Et pour être à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.