LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le vingt-huit novembre mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller de BOUILLANE de LACOSTE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET et FARGE, avocat en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES (chambre correctionnelle) du 21 avril 1988 qui, pour tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles et qui a ordonné l'affichage pendant sept jours de la décision ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 5, 1110 et 1641 du Code civil, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue et l'a condamné de ce chef ;
" aux motifs que l'expert a relevé de nombreuses traces d'un accident relativement important sur le véhicle vendu à M. Y... et que les réparations effectuées n'avaient pas été réalisées dans les règles de l'art, ce dont le prévenu aurait dû s'assurer avant la vente puisque les travaux avaient été sous-traités ; que l'existence d'un accident antérieur est de nature à écarter certains acquéreurs éventuels quelle que soit l'importance des travaux de remise en état exécutés, et que la révélation de celui-ci doit être faite par le vendeur même si les dégâts causés au véhicule ont été normalement réparés ;
" alors, d'une part, que, en énonçant que le vendeur doit toujours révéler l'existence d'un accident ayant précédemment endommagé le véhicule même si les dégâts causés ont été réparés selon les règles de l'art, la cour d'appel a fondé sa décision sur des considérations générales et a, de ce dait, privé sa décision de motifs, empêchant par là-même la Cour de Cassation d'exercer son contrôle ;
" alors, d'autre part, que le délit prévu à l'article 1er de la loi du 1er août 1905 suppose que soit caractérisée l'intention de tromper ; que, dès lors, en établissant que X... n'avait pas vérifié la régularité des travaux réalisés par un sous-traitant, les juges d'appel ont seulement relevé une négligence mais n'ont aucunement constaté l'existence de la mauvaise foi, privant ainsi leur décision de toute base légale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Patrick X..., président-directeur général d'une société exploitant un garage, a vendu à Jean-Claude Y... une automobile d'occasion après l'avoir remise en état, mais sans révéler à l'acheteur qu'elle avait été sérieusement endommagée dans un accident ; que l'expert consulté par l'acquéreur ayant décelé les traces de cet accident, Y... a déposé plainte et que X... a été poursuivi du chef de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ;
Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu la juridiction du second degré, après avoir souligné que les dégâts subis par le véhicule en cause avaient été " relativement importants ", car ils avaient affecté l'infrastructure de la voiture, dont deux longerons étaient pliés, se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, d'une part, n'a nullement fondé sa décision sur des considérations générales mais a au contraire appliqué lesdits motifs aux faits de l'espèce, qu'elle avait analysés en détail, et d'autre part a estimé à bon droit que le prévenu ne pouvait exciper de sa bonne foi non seulement en raison de son mutisme, quant à l'accident survenu, mais aussi pour n'avoir pas vérifié si les travaux confiés à un sous-traitant, avaient été effectués dans les règles de l'art, l'expertise effectuée ayant précisément révélé que celles-ci n'avaient pas été observées ; qu'elle a ainsi caractérisé en ses éléments matériels et intentionnel, le délit reproché et que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : MM. Morelli conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, de Bouillane de Lacoste conseiller rapporteur, Jean Simon, Blin conseillers de la chambre, Louise conseiller référendaire appelé à compléter la chambre, Mme Ract-Madoux, M. Maron conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Patin greffier de chambre.