CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Joseph,
- Y... Simone, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 21 septembre 1988 qui, pour constitution irrégulière d'avoirs à l'étranger et refus de communication de documents à l'administration des Douanes, les a condamnés l'un et l'autre, pour la première infraction délictuelle, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et à des pénalités cambiaires, pour la seconde infraction contraventionnelle, à 2 000 francs d'amende, a prévu des mesures de publication et d'affichage de la décision, a prononcé les incapacités légales encourues et, sur les conclusions de l'administration des Douanes, partie intervenante, a fixé le montant de l'astreinte journalière due par les condamnés jusqu'à production par eux des pièces réclamées.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, commun aux deux demandeurs, proposé et pris de la violation des articles 351, 458 du Code des douanes, 1, 7, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance fiscale du 3 août 1984 et, partant, a refusé de considérer l'action publique comme prescrite ;
" aux motifs qu'en droit administratif l'adjoint dispose du seul fait de sa nomination des mêmes pouvoirs que le chef de service qu'il assiste ; qu'il le supplée en particulier en son absence sans qu'une habilitation spécifique soit nécessaire ; qu'il s'ensuit que la délégation de pouvoir donnée au chef de la Direction nationale d'enquêtes douanières (DNED) habilitait automatiquement son adjoint, Z..., à signer l'acte introductif d'instance fiscale du 3 août 1984 dès lors que la preuve qui incombe aux inculpés n'est pas rapportée ; que le chef de la DNED se trouvait présent pour prendre la décision et apposer sa signature sans que son adjoint ait à le suppléer ; que le dernier acte de l'enquête est en date du 4 septembre 1981 ; que l'acte introductif d'instance fiscale est du 3 août 1984 ; que la prescription unique en la matière de 3 ans n'était donc pas acquise ;
" alors qu'il résulte des dispositions de l'article 458 du Code des douanes et de l'instruction publiée du 29 novembre 1969 que la décision de porter plainte appartient au ministre ou aux personnes expressément désignées, qui disposent du pouvoir d'apprécier souverainement et personnellement l'opportunité des poursuites ; que la Cour, adoptant les motifs du premier juge, ne pouvait, sans méconnaître le sens et la portée de l'article 458 du Code des douanes, décider que Z..., adjoint au chef de la DNED, était habilité à déclencher les poursuites ;
" et alors qu'en tout état de cause, les personnes expressément visées par l'article 458 du Code des douanes, si elles peuvent comme tout autre fonctionnaire être suppléées dans leurs fonctions, ne sauraient, en l'absence de toute prévision légale expresse, déléguer les pouvoirs qu'elles tiennent de la loi ; que la cour d'appel ne pouvait invoquer les règles générales de la suppléance pour tenter de justifier de la régularité des poursuites engagées sur la plainte du seul adjoint du chef de la DNED, qui n'est pas au nombre des personnes habilitées par le ministre en application de l'article 458 pour prendre la décision et qui, à défaut de toute preuve de la présence du directeur de la DNED pour prendre la décision, comme le relève la cour d'appel, n'a pas davantage le pouvoir de rédiger et signer lui-même la plainte sans violer les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 458 du Code des douanes, la poursuite des infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ne peut être exercée que sur la plainte du ministre du Budget ou de l'un de ses représentants habilités à cet effet ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qui a fait siens les motifs des premiers juges, que pour rejeter l'exception de nullité des poursuites pénales invoquée avant toute défense au fond par les époux X..., la cour d'appel énonce que si la plainte du 3 août 1984 qui a amené le Parquet à déclencher la mise en mouvement de l'action publique pour infractions à la législation sur les changes contre les consorts X..., a été signée par Z..., adjoint du Directeur national des enquêtes douanières, lequel n'avait pas reçu personnellement délégation du ministre compétent pour apposer son paraphe sur l'acte introductif d'instance fiscale, il n'en demeurait pas moins que sa qualité d'adjoint lui donnait sur le plan administratif tous les pouvoirs du chef de service qu'il assistait, les demandeurs à l'exception ne rapportant pas la preuve que le Directeur national des enquêtes douanières ne pouvait à ladite date signer lui-même la plainte ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'adjoint d'un fonctionnaire ne saurait exercer que les pouvoirs que celui-ci tient de la loi ou des règlements pris pour son application, et non s'attribuer ceux qui résultent d'une délégation ministérielle donnée à titre personnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte de loi susvisé ;
Que, dès lors, sa décision encourt la cassation, celle-ci devant être prononcée sans renvoi, plus rien ne restant à juger ;
Par ces motifs, et sans avoir à examiner le second moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 21 septembre 1988,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.