AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société THOMSON VIDEO EQUIPEMENT, dont le siège est ... (Val d'Oise),
en cassation d'un jugement rendu le 11 avril 1989 par le conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise (section Industrie), au profit de Monsieur Olivier d'X..., demeurant ... (Val d'Oise) ci-devant et actuellement à Argenteuil (Val d'Oise), ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 janvier 1990, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Laurent-Atthalin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Vigroux, Combes, Zakine, Ferrieu, Boittiaux, Monboisse, conseillers, MM. Blaser, Aragon-Brunet, Mlle Sant, M. Fontanaud, conseillers référendaires, M. Dorwling-Carter, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Laurent-Atthalin, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Thomson Vidéo Equipement, les conclusions de M. Dorwling-Carter, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 132-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 novembre 1982, L. 132.7-2 du Code du travail, 1134 du Code civil et l'accord collectif Thomson SA et Thomson Brandt du 4 janvier 1984 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. d'X... salarié de la société Thomson CSF a vu en mars 1985 son contrat transféré à la société Thomson Vidéo Equipement, filiale créée en juillet 1984 de la société Thomson CSF et à laquelle celle-ci avait cédé sa division Vidéo Equipement ; qu'en 1986 la société Thomson Vidéo Equipement a décidé de transférer son établissement situé à Gennevilliers où M. d'X... travaillait, à Cergy Pontoise ; que M. d'X... a alors saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement de deux sommes à titre de prime de transfert pour les années 1986 et 1987 ;
Attendu que pour faire droit à sa demande le conseil de prud'hommes après avoir relevé qu'un accord collectif conclu le 4 janvier 1984 au sein des sociétés Thomson SA et Thomson CSF affirmant nettement une politique de groupe pour résoudre les problèmes d'emploi liés à la réorganisation des structures centrales, a énoncé que cette politique avait été appliquée de façon suivie notamment en ce qui concerne les primes de transfert ainsi que cela résultait de nombreux documents, à savoir : l'accord Thomson CSF du 3 juillet 1969, les notes de la société Thomson CSF du 24 décembre 1969, 5 avril 1982, le protocole d'accord Thomson SA et Thomson CSF du 4 janvier 1984, la note de la société Thomson CSF du 17 décembre 1984, que la note
du 24 décembre 1969 qui présentait le caractère d'un accord collectif, et celles du 5 avril 1982 et du 17 décembre 1984 qui en constituaient l'application et la mise à jour n'avaient pas été
dénoncées et qu'en conséquence les salariés de la société TVE, anciens salariés de la société Thomson CSF, avaient droit en cas de transfert entre sociétés du groupe Thomson dans la région parisienne, dans le cadre des transferts d'activité, à une indemnité de transfert ;
Attendu cependant d'une part, que l'accord collectif du 4 janvier 1984 signé par les sociétés Thomson SA et Thomson CSF disposait que les conditions de transfert qu'il définissait s'appliquaient aux salariés du groupe concernés par l'opération de restructuration des sièges centraux des sociétés Thomson Brandt (devenue Thomson SA) et Thomson CSF ; d'où il suit qu'en faisant application de cet accord à l'opération de déplacement des activités de la société TVE, le conseil de prud'hommes a violé ce dernier ;
Attendu d'autre part, en premier lieu que les notes du 24 décembre 1969, 5 avril 1982 et 17 décembre 1984 avaient été émises par la direction, ce dont il résultait qu'elles ne constituaient pas des accords collectifs ; qu'en leur reconnaissant ce caractère, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 132-1 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 novembre 1982, et L. 132-1 du Code du travail ; qu'en second lieu il résultait des termes de la note du 24 décembre 1969 que ses dispositions étaient applicables aux transferts résultant de la fusion des sociétés Thomson CSF et Compagnie électronique Thomson-Houston (CETH) intervenue en 1970, qu'en outre la note du 5 avril 1982 énonçait que les dispositions de la note de 1969 précitée étaient caduques et qu'il convenait seulement d'en conserver l'esprit, lors de l'examen des conditions d'indemnisation nécessitées par certaines restructurations avec changement habituel de lieu de travail, qu'enfin la note du 17 décembre 1984 disposait qu'elles s'appliquaient exclusivement aux transferts effectués dans le cadre du regroupement des activités du département Emission Télévision de Thomson CSF avec Thomson LGT ;
D'où il suit qu'en décidant que les dispositions de ces notes étaient applicables aux salariés de la société TVE concernés par le transfert de son établissement de Gennevilliers à Cergy Pontoise, le conseil de prud'hommes les a dénaturées ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Thomson Vidéo Equipement à payer à M. d'X... deux sommes à titre d'indemnité de transfert, le jugement rendu le 11 avril 1989, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Versailles ;
Condamne M. d'X..., envers la société Thomson Vidéo Equipement, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise, en marge ou à la suite du jugement partiellement annulé ;