Attendu que l'Etat Haïtien, auquel se sont joints la Minoterie d'Haïti, l'office de l'assurance des véhicules contre les tiers, la Loterie de l'Etat Haïtien, la Commission de contrôle des jeux de hasard et la banque nationale de Crédit, ont formé contre M. Jean-Claude Y..., ancien président de la République d'Haïti, les membres de sa famille, M. Z..., ancien secrétaire d'Etat aux finances, M. A... et M. X..., des demandes en remboursement des fonds détournés à leur préjudice ; que la cour d'appel a déclaré que le tribunal de grande instance de Grasse était compétent pour connaître de ces demandes, mais a évoqué ;.
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que les défendeurs au pourvoi opposent l'irrecevabilité de ce dernier au motif que la cour d'appel, statuant sur contredit, n'a pas mis fin à l'instance en évoquant et en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué n'a pas tranché une simple question de compétence mais celle de savoir si la juridiction française avait le pouvoir de connaître d'actions dirigées par l'Etat haïtien et des organismes publics étrangers contre d'anciens dirigeants de cet Etat en raison d'actes ou de faits commis par eux dans leurs fonctions ;
Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :
Vu les règles de droit international régissant les relations entre Etats, ensemble l'article 3 du Code civil ;
Attendu que de la combinaison de ces règles et de ce texte résulte le défaut de pouvoir des juridictions françaises de connaître, en principe, des demandes d'un Etat étranger ou d'un organisme public étranger, fondées sur des dispositions de droit public, dans la mesure où, du point de vue de la loi française, leur objet est lié à l'exercice de la puissance publique ;
Attendu que l'arrêt attaqué, pour déclarer le tribunal de grande instance de Grasse compétent, énonce que " pour qualifier les demandes, il convient de faire abstraction des critères adoptés en droit interne français pour répartir le contentieux selon les ordres juridictionnels administratif et judiciaire et de rechercher, au-delà de la simple constatation du rapport existant entre l'Etat haïtien et ses anciens dirigeants, la nature exacte des demandes " ; qu'après s'être référé, à cet égard, aux écritures des demandeurs " d'où il résulte que les prétentions ont pour objet la restitution des fonds prélévés par les défendeurs à des fins personnelles et sont fondées sur la faute personnelle commise par ceux-ci alors qu'ils exerçaient le pouvoir en Haïti ", l'arrêt retient que les rapports entre une collectivité publique et celui de ses agents qui, par sa faute personnelle, lui cause préjudice, sont des rapports d'ordre privé et que les demandes ne sont fondées, dans leur formulation, sur aucune règle de droit public haïtien ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que selon la loi française prise en tant que loi de qualification du for, les litiges relatifs aux rapports entre un Etat et ses dirigeants, quelle que soit la nature des fautes commises par ceux-ci, sont nécessairement liés à l'exercice de la puissance publique et ne peuvent trouver leur solution que dans les principes de droit public, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les règles et texte susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'implique pas qu'il soit, à nouveau, statué ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres moyens :
DECLARE RECEVABLE le pourvoi ;
CASSE ET ANNULE, l'arrêt rendu le 25 avril 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi