AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze novembre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BAYET, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, de Me COSSA et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 22 mai 1989, qui, dans la procédure par elle engagée pour la contravention prévue et réprimée par l'article 412-2° du Code des douanes, après annulation du jugement entrepris, a prononcé la nullité des poursuites en ce qui concerne Dominique Y..., Pierre B..., Gilbert A... et la société DELTA ainsi que la mise hors de cause de d la société Y... ALSACE ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 395, 404, 406, 435, 442, 365 du Code des douanes, 388, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a prononcé la nullité du jugement et des poursuites en ce qui concerne B..., A... et Y... ;
" aux motifs que :
"... à tort le premier juge a relevé (au moins implicitement) que Dominique Y... et Pierre B... étaient poursuivis personnellement pour ensuite les déclarer coupables, les condamner à des amendes et confiscation et prononcer contre eux la contrainte par corps, alors que seuls étaient poursuivis devant le tribunal de police de Strasbourg :
" 1°) selon citation à prévenu, en date du 14 janvier 1988, " la société Y... Alsace, commissionnaire en douane prise en la personne de Dominique Y... en sa qualité de président-directeur général de la SA Y... Alsace,... ",
" 2°) selon citation à prévenu du 18 janvier 1988, " Pierre B..., en sa qualité de président-directeur général de la société Delta,... ",
" 3°) selon citation à civilement responsable du 18 janvier 1988, " la société Delta,..., prise en la personne de son président-directeur général, Pierre B... " ;
"... que le jugement déféré ne peut donc qu'être annulé en ce qui concerne les personnes de Dominique Y... et Pierre B..., ce dernier n'ayant pas été poursuivi à titre personnel " ;
"... que la Cour ne saurait connaître de l'affaire à l'encontre de Pierre B..., Gilbert A... et Dominique Y... cités personnellement pour la première fois en cause d'appel, la règle du double degré de juridiction étant d'ordre d public ; que doivent donc être annulées les poursuites contre ces trois personnes physiques devant cette Cour " ;
" alors que la citation délivrée à la personne d'un organe social pour une infraction qu'il a commise et qui lui est imputée vaut contre la personne physique personnellement ; que l'arrêt attaqué a
constaté que la demanderesse avait délivré trois citations, la première à la société Y... Alsace, prise en la personne de Y..., en qualité de président-directeur général de ladite société, la deuxième à la société Delta, prise en la personne de son président-directeur général, B..., la troisième à B..., en sa qualité de président-directeur général de ladite société ; qu'en annulant le jugement et les poursuites aux motifs que les citations visaient les prévenus personnellement, la cour d'appel a violé les articles 365 du Code des douanes et 388 du Code de procédure pénale " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 395, 404, 406, 435, 442, 365 du Code des douanes, 388, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a annulé le jugement et les poursuites en ce qui concerne la société Delta et déclaré qu'à tort la société Y... avait été citée devant la Cour ;
" aux motifs que :
"... le jugement doit être annulé également en ce qui concerne la société Delta dès lors que ne peut être valablement poursuivie une personne physique ou morale, civilement responsable, sur la base de faits à l'égard desquels les auteurs ne sont pas personnellement et régulièrement poursuivis ;
"... que pas plus que devant le tribunal les poursuites à l'encontre de la société Delta, en sa qualité de civilement responsable, ne sauraient prospérer devant la Cour dès lors que les auteurs personnels de l'infraction ne sont toujours pas régulièrement poursuivis ;
"... que la société Y...- Alsace n'a pas relevé appel du jugement déféré qui en fait ne la condamne pas, puisque le tribunal a condamné personnellement, avec contrainte par corps, d Dominique Y..., et qu'elle n'a pas été poursuivie ni condamnée en qualité de civilement responsable " ;
" alors que si une société commerciale ne peut être déclarée civilement responsable sur le fondement de l'article 1384 du Code civil de son dirigeant coupable d'infractions douanières cependant la responsabilité civile et la responsabilité pénale se confondant en matière fiscale comme ayant la même cause et le même objet, ladite société se trouve être solidairement responsable pour le paiement des pénalités pécuniaires ; qu'en outre, rien n'interdit qu'une personne morale puisse être poursuivie en tant qu'auteur principal alors même qu'aucune personne physique n'a été poursuivie ; qu'en annulant le jugement et les poursuites contre la société Delta aux motifs que ne peut être valablement poursuivie une personne morale sur la base des faits à l'égard desquels les auteurs ne sont pas personnellement et régulièrement poursuivis, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;
" alors que la citation délivrée à la société Y...- Alsace prise en la personne de son président-directeur général, Y... pour un fait délictueux imputé à ce dernier était valable car la société pouvait être condamnée sur le fondement de l'article 407 du Code des douanes dès lors que Y... était déclaré coupable du délit qui lui était reproché ; qu'en annulant les poursuites dirigées contre cette société aux motifs qu'elle n'avait été ni poursuivie ni condamnée en
tant que civilement responsable, la cour d'appel a violé les articles 369 et 457 du Code des douanes et 388 du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, d'une part, pour annuler en son entier, sur appels de Dominique Y... et de Pierre B..., le jugement qui les avait condamnés à titre personnel à diverses pénalités douanières pour la contravention visée à l'article 412-2° du Code des douanes et qui avait déclaré la société Delta civilement responsable, la cour d'appel constate que seuls étaient poursuivis devant la juridiction de police, à la requête de l'administration des Douanes, 1°) selon citation à prévenu du 14 janvier 1988 " la société Y...- Alsace prise en la personne de Dominique Y... en sa qualité de président " de ladite société, 2°) selon citation à prévenu du 18 janvier 1988 " Pierre B... en sa d qualité de président de la société Delta ", 3°) selon citation à civilement responsable du 18 janvier 1988 " la société Delta prise en la personne de son président Pierre B... " ; que, s'agissant de la société Delta, la cour d'appel précise que ne peut être valablement recherchée devant le juge pénal en qualité de civilement responsable une personne physique ou morale sur la base de faits à l'égard desquels les préposés ne sont pas personnellement et régulièrement poursuivis ;
Attendu, d'autre part, que pour prononcer la nullité des poursuites litigieuses, la cour d'appel énonce qu'elle ne saurait connaître de l'affaire à l'encontre de Dominique Y..., Pierre B... et Gilbert A..., cités personnellement pour la première fois en cause d'appel et ce, en raison de la règle du double degré de juridiction qui est d'ordre public ; que les poursuites dirigées à l'encontre de la société Delta, en sa qualité de civilement responsable, ne sauraient prospérer devant elle dès lors que les auteurs personnels de l'infraction ne sont toujours pas régulièrement poursuivis ;
Attendu qu'elle ajoute que c'est à tort que la société " Y...- Alsace " a été citée en cause d'appel, le ministère public et l'administration des Douanes n'ayant pas exercé de voie de recours à l'encontre de cette société alors que cette dernière n'a pas relevé appel du jugement qui ne la condamnait pas et n'a pas été poursuivie en qualité de civilement responsable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, loin d'encourir les griefs allégués aux moyens, a fait l'exacte application des articles 388, 551 et 509 du Code de procédure pénale auxquels renvoie l'article 365 du Code des douanes ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience d publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Bayet conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Souppe, Gondre, Hébrard, Hecquard, Culié, Guerder conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac conseiller référendaire, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;