LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) Les transports Clerc et fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est à Seyssel (Ain),
2°) La compagnie Abeille assurances, précédemment dénommée Abeille paix, société anonyme, dont le siège est ... (9ème),
en cassation d'un arrêt rendu le 24 février 1989 par la cour d'appel de Lyon (3è chambre), au profit de la compagnie Cigna France, précédemment dénommée Saint Paul fire and marine insurance, dont le siège est ... (9ème),
défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mars 1991, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Jéol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société les transports Clerc et fils et de la compagnie Abeille asurances, de Me Jacques Pradon, avocat de la compagnie Cigna France, les conclusions de M. Jéol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le moyen unique :
Attendu, qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué (Lyon, 24 février 1989), que le chauffeur d'un camion appartenant à la société des Transports Clerc et Fils (Société Clerc) qui effectuait un transport de marchandises pour le compte de la Société Entremont, a été attaqué alors qu'il dormait dans son véhicule sur une aire de repos de l'autoroute près de Modene par cinq hommes armés qui se sont emparés du camion et de la marchandise ; que la compagnie d'assurance Cigna France ayant indemnisé la Société Entremont son assurée, a assigné en paiement la Société Clerc et son assureur la Société Abeille Assurances ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, que pour l'application de l'article 17-2 de la CMR, le transporteur est exonéré lorsque la perte de la marchandise a pour cause un évènement insurmontable, qu'il ne pouvait éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait obvier ; qu'en revanche, l'exonération n'est pas subordonnée à une imprévisibilité dudit évènement ;
que sans pouvoir retenir une faute à l'encontre du chauffeur M. X..., dont le comportement a été normal à la suite de la difficulté rencontrée au passage de la frontière, l'arrêt attaqué a reporté sur son employeur, la Société Transport Clerc, des négligences au niveau de la prévisibilité, en Italie, d'une agression à main armée, pourtant par elle-même
insurmontable ; qu'en fondant ainsi son refus d'exonération sur une imprévoyance imputée à l'entreprise dans l'organisation de l'itinéraire, l'arrêt attaqué a en définitive retenu une condition d'imprévisibilité de l'évènement et privé de base légale sa décision au regard de l'article 17-2 de la CMR, résultant de la Convention de Genève du 19 mai 1956 et introduite en France par le décret du 5 juillet 1961 ; Mais attendu qu'après avoir retenu que le transporteur avait admis que des précautions particulières doivent être prises lors du stationnement de véhicules de transport dans certains pays dont l'Italie, qu'il lui appartenait donc de donner à son chauffeur des instructions précises en prévoyant des étapes sûres et des arrêts en des endroits protégés, qu'en ne démontrant pas qu'il était impossible de stationner l'ensemble routier dans un lieu clos et protégé ou tout au moins de gagner un emplacement gardé et en ne justifiant pas que les dépôts acceptent rarement de nuit les camions de livraison l'arrêt a considéré qu'il n'est pas contestable qu'un chauffeur endormi dans la cabine de son camion stationnant sur une aire publique non gardée, quant bien même les portières seraient elles fermées à clefs, n'est en mesure d'exercer aucune surveillance ; qu'ayant déduit de ces appréciations non pas que l'évènement n'était pas imprévisible mais qu'il n'était pas inévitable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard de l'article 17 paragraphe 2 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;