CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 1990, qui, dans une procédure suivie contre elle, du chef de diffamation publique, a réformé le jugement annulant la poursuite, évoqué et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 19 mars 1991, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 513 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et manque de base légale :
" en ce qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le dernier ayant eu la parole à l'audience a été le ministère public et non pas la prévenue ou son conseil, comme l'exige à peine de nullité l'article 513 du Code de procédure pénale " ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'aux termes de l'article 513 du Code de procédure pénale, le prévenu ou son conseil auront toujours la parole les derniers ;
Attendu que tel n'a pas été le cas en l'espèce, l'arrêt mentionnant la mise en délibéré de l'affaire, après l'audition du représentant du ministère public en ses réquisitions ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 175, 184 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la plainte avec constitution de partie civile, du réquisitoire introductif d'instance, du réquisitoire définitif, de l'ordonnance de renvoi et de la citation devant le Tribunal, tirée de l'insuffisance ou de l'absence de qualification du fait incriminé ;
" aux motifs que la plainte " qualifiait sans équivoque les écrits estimés diffamatoires ", qu'" après les avoir reproduits, le maire et les adjoints ou conseillers municipaux de l'époque - à l'exception bien entendu de X..., elle-même conseillère municipale - écrivaient :
" ... En s'exprimant de la sorte Mme X... voudrait laisser supposer que les maire, adjoints... et conseillers soussignés... agiraient au mépris des intérêts de la commune et se livreraient même à des manipulations financières irrégulières ; il s'agit indiscutablement d'imputations diffamatoires qui portent atteinte à l'honneur et à la considération de ceux qu'elles visent, à savoir le maire, les adjoints et les conseillers municipaux dans l'exercice de leurs fonctions... ", et qu'il en était de même du réquisitoire introductif, du réquisitoire définitif, de l'ordonnance de renvoi et de la citation ;
" alors qu'il résulte des articles 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 175 et 184 du Code de procédure pénale que chacun de ces actes doivent, à peine de nullité, indiquer avec précision la qualification du fait incriminé, qu'en l'espèce, les indications contenues à cet égard dans la plainte et le réquisitoire introductif sont insuffisantes au regard des exigences posées par les textes susvisés, que le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi et la citation ne contiennent aucune qualification précise du fait incriminé, à savoir celle de diffamation publique à l'égard de citoyens chargés d'un mandat public à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, et que ces cinq actes sont donc nuls, ceci d'autant plus que le visa cumulatif de plusieurs articles de la loi du 29 juillet 1881, prévoyant et réprimant des infractions différentes, ne permet pas de déterminer la dénomination légale de l'infraction retenue " ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 175, 184 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la plainte avec constitution de partie civile, du réquisitoire introductif d'instance, du réquisitoire définitif, de l'ordonnance de renvoi et de la citation devant le Tribunal, tirée du visa cumulatif de plusieurs articles de la loi du 29 juillet 1881 prévoyant et réprimant des infractions différentes ;
" aux motifs que si seul l'article 31 prévoyait et réprimait la diffamation commise, à raison de leurs fonctions, envers un ou plusieurs citoyens chargés d'un mandat public, le visa de l'article 30 ne peut être considéré comme erroné et de nature à induire en erreur la prévenue en lui faisant penser qu'elle était poursuivie pour diffamation envers un corps constitué, " puisqu'il était précisé que la seule infraction poursuivie, la diffamation envers des citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public, était prévue par l'article 31 et que celui-ci stipule qu'une telle diffamation est passible des peines édictées par l'article 30 ", que le visa de l'article 32 relatif à la diffamation envers les particuliers et à la diffamation raciale ne peut être " considéré que comme surabondant puisque ne correspondant pas à l'unique diffamation dont se plaignaient les actuelles parties civiles " et que le visa de l'article 23, dans le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi et la citation " ne concernait que le " moyen " et non " la provocation à crime ou à délit " ;
" alors qu'il résulte des articles 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 175 et 184 du Code de procédure pénale que la plainte avec constitution de partie civile, le réquisitoire introductif, le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi et la citation doivent chacun, à peine de nullité, indiquer avec précision l'article de la loi du 29 juillet 1881 dont l'application est demandée et que, par conséquent, sont nuls de tels actes visant plusieurs articles de la loi du 29 juillet 1881 prévoyant et réprimant des infractions différentes, ceci d'autant plus que l'insuffisance ou l'absence de qualification des faits ne permettait pas de déterminer, parmi ces articles, celui applicable à la poursuite " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière de presse, le réquisitoire introductif et la plainte avec constitution de partie civile, avec laquelle il se combine, doivent, à peine de nullité, qualifier le fait incriminé et énoncer le texte de loi applicable à la poursuite ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la diffusion, le 14 septembre 1988, par X..., conseillère municipale de la commune de Z..., d'une lettre-circulaire les mettant en cause, Y..., alors maire de la commune, et douze membres du conseil municipal ont porté plainte contre elle et se sont constitués parties civiles, devant le juge d'instruction de Saint-Gaudens, du chef de diffamation en visant les articles 29, 30, 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 ; que trois plaintes ont été déclarées irrecevables en l'absence de consignation dans le délai imparti ; que sur les dix autres plaintes, reçues le 12 décembre 1988, une information a été ouverte, par réquisitoire du 16 mars 1989, du chef de diffamation publique " envers les plaignants, maire, adjoints et conseillers municipaux de la commune de Z... ", en visant les articles 23, 29, 30, 31, 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que pour rejeter l'exception de nullité régulièrement invoquée par la prévenue, et fondée sur les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les juges énoncent que la plainte qualifiait sans équivoque les propos estimés diffamatoires envers le maire, les adjoints et les conseillers municipaux " dans l'exercice de leurs fonctions ", et que les visas des articles 30, 32 et 23 de la loi du 29 juillet 1881 étaient surabondants ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la qualification de diffamation envers des citoyens chargés d'un mandat public n'était énoncée ni par la plainte, ni par le réquisitoire introductif, et que l'indication cumulative de textes applicables à des infractions de nature et de gravité différentes laissait incertaine la base de la poursuite, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
Que la cassation est également encourue de ce chef ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger, l'action publique et l'action civile n'ayant pas été légalement mises en mouvement ;
Par ces motifs, sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen de cassation :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, en date du 8 novembre 1990,
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.