CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé dans l'intérêt de la loi par :
- le Procureur général près la Cour de Cassation d'ordre du Garde des Sceaux,
contre le jugement du tribunal correctionnel de Paris, 17e chambre, en date du 6 juillet 1988, qui a déclaré prescrite l'action publique dans les poursuites exercées contre Daniel X... du chef de l'infraction prévue par l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
LA COUR,
Vu la dépêche du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, datée du 10 décembre 1990 ;
Vu la requête du Procureur général près la Cour de Cassation en date du 14 décembre 1990 ;
Vu l'article 620 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu ledit article ;
Attendu que le délit prévu et réprimé par l'article 41 précité est commis aussi longtemps qu'en l'absence de la déclaration prescrite par l'article 16 de la loi susvisée, il est procédé ou fait procéder au traitement automatisé d'informations nominatives ;
Attendu que Daniel X..., président-directeur général de la SA Mang a, en mars 1984, fait installer au sein de l'entreprise qu'il dirige un autocommutateur téléphonique relevant par des procédés électroniques l'intégralité des numéros téléphoniques appelés par chaque poste ainsi que la durée et le coût des communications ; que cette installation dont l'existence n'avait pas été révélée au personnel, n'avait fait l'objet d'aucune déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que Jacques Y..., employé de la société, licencié en juillet 1984 pour un motif résultant des données fournies par l'autocommutateur, a porté plainte le 19 juin 1987 contre X... pour infraction à l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 ; que ce dernier a été cité devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir, en 1984, 1985 et 1986, mis en oeuvre un traitement automatisé d'informations nominatives sans en avoir au préalable fait la déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que, par jugement du 6 juillet 1988, devenu définitif, le tribunal correctionnel a déclaré l'action publique éteinte par la prescription ;
Attendu que, pour décider que la prescription était acquise au prévenu, les juges, après avoir rappelé que l'article 41 précité réprimait le fait d'avoir procédé ou fait procéder à des traitements automatisés d'informations nominatives sans qu'ait été opérée la déclaration prescrite par la loi, énonçent " que le délit de défaut de déclaration préalable auprès de la CNIL, à la mise en oeuvre de l'autocommutateur téléphonique... dont il n'est pas contesté qu'il constituait un traitement automatisé d'informations nominatives, doit être considéré comme s'étant accompli au mois de mars 1984, en effet c'est à cette date que la réunion de ses éléments constitutifs s'est trouvée réalisée " ; qu'ils en concluent que la prescription triennale de l'action publique était acquise lors du dépôt de la plainte du 19 juin 1987 ;
Mais attendu qu'en considérant que le délit poursuivi n'était constitué que par le défaut de la déclaration préalable prévue par l'article 16 de la loi du 6 janvier 1978 et en en déduisant que le point de départ du délai de prescription était fixé au jour de l'installation de l'appareil procédant au traitement automatisé, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte visé au moyen ; que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, dans le seul intérêt de la loi, le jugement du tribunal correctionnel de Paris, 17e chambre, en date du 6 juillet 1988,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.