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Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, le 5 juin 1987, M. Picard, chirurgien, a pratiqué, dans une clinique privée, une intervention en vue d'interrompre la grossesse de Mlle X... ; qu'une échographie de contrôle, effectuée le 5 juillet 1987 a révélé la poursuite de la grossesse et que Mlle X... a donné naissance, le 13 janvier 1988, à une fille ; que, le 11 février suivant elle a assigné M. Picard en paiement de la somme de 750 000 francs, à titre de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué (Riom, 6 juillet 1989) après avoir estimé que la continuation de la grossesse était en relation directe et certaine avec la faute du chirurgien, qui n'avait pas vérifié que l'embryon avait bien été évacué, a débouté Mlle X..., au motif qu'elle n'apportait pas la preuve d'un préjudice, soit d'ordre matériel, soit d'ordre moral, en rapport avec la faute de M. Picard ;
Attendu qu'en un premier moyen, Mlle X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice matériel au motif qu'elle avait la possibilité d'abandonner son enfant de sorte que la naissance ne constituait pas pour elle une charge inévitable alors que, d'une part, la faculté d'abandon, laissée à la seule appréciation de la mère, ne peut autoriser le juge à la priver de l'indemnité représentative de la charge que constitue pour elle l'éducation de l'enfant, qui est la conséquence directe de la faute du praticien ; alors que, d'autre part, seul le dommage intentionnellement subi, c'est-à-dire volontairement recherché, est exclu de l'indemnité réparatrice ; qu'en un second moyen, Mlle X... reproche à la cour d'appel d'avoir écarté l'existence d'un préjudice moral par la considération générale que la naissance d'un enfant, même non désiré, est un événement heureux, sans rechercher si, pour une femme célibataire âgée de 22 ans, orpheline de mère et née de père inconnu, prise en charge dans son enfance par les services de l'aide sociale et ayant déjà eu recours, à une première interruption de grossesse, la naissance ne constituait pas un événement douloureux sinon malheureux qui pouvait notamment être générateur pour la mère de troubles psychologiques et être de nature à l'empêcher de " refaire sa vie ", de sorte qu'elle était, à tout le moins, constitutive d'un préjudice par perte de chance ;
Mais attendu que l'existence de l'enfant qu'elle a conçu ne peut, à elle seule, constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable, même si la naissance est survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue de l'interruption de la grossesse ; que l'arrêt attaqué relève que l'enfant était parfaitement constitué et retient que Mlle X... ne prouvait pas que la naissance ait été pour elle la cause d'une souffrance morale certaine et se bornait à faire état de difficultés probables dans sa vie de jeune fille et ses perspectives d'avenir ; qu'ainsi, en l'absence d'un dommage particulier qui, ajouté aux charges normales de la maternité, aurait été de nature à permettre à la mère de réclamer une indemnité, la cour d'appel a, abstraction faite du motif justement critiqué par le premier moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi