AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingtcinq juillet mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MALIBERT, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Fernand,
contre l'arrêt de la cour d'assises du PAS-de-CALAIS, en date du 16 novembre 1990 qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné à quatorze ans de réclusion criminelle pour viols aggravés, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour s'est prononcée sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 316 du Code de procédure pénale ; d
"en ce que le procès-verbal mentionne (cf. page 5) que "en l'absence d'opposition sérieuse des parties, Monsieur le président a donné acte à Me Tavernier de sa constitution de partie civile aux noms de Jocelyne Y... et de Melle Bérengère X..." ;
"alors que les incidents contentieux doivent être réglés par la Cour ; que les mentions du procès-verbal des débats qui ne précisent pas la nature de l'opposition élevée par les parties sur les déclarations de constitutions de parties civiles et qui se bornent à la déclarer dépourvue de sérieux mais ce sans s'en expliquer, ne permettent pas de savoir si elle constituait ou non un incident contentieux et si le président n'a pas excédé ses pouvoirs en y passant outre" ;
Attendu qu'en absence de toute mention au procès-verbal des débats et de demande de donner acte, la présence de l'adjectif "sérieuse" audit procès-verbal ne suffit pas à établir qu'il se soit élevé, quant à la constitution des parties civiles, une contestation justifiant l'intervention de la Cour ;
Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 332 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, et 375 du Code de procédure pénale,
"en ce que statuant sur les intérêts civils, la cour d'assises a reçu Jocelyne Y..., mère de Melle Bérengère X..., en sa constitution de partie civile et a condamné X..., déclaré coupable de viols sur cette dernière, à payer à la première une somme de 25 000 francs "en réparation de son préjudice" et une somme de 5 000 francs au titre de l'article 375 du même Code ;
"aux motifs que Jocelyne Y... et sa fille Bérengère X... demandent à la Cour de condamner Fernand X... à leur payer respectivement les sommes de 50 000 francs et 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ; qu'elles sollicitent également une somme de 10 000 francs au titre de l'article 375 du Code de procédure pénale ; que le préjudice dont les parties civiles demandent réparation est bien la conséquence du crime pour lequel Fernand X... vient d'être condamné ; que la Cour dispose d'éléments suffisants d'appréciation d pour évaluer à la somme de 100 000 francs le préjudice moral subi par Bérengère X... et à 25 000 francs celui de Mme Y... ;
qu'au titre de l'article 375 du Code de procédure pénale une somme de 5 000 francs peut être allouée à chacune des parties ;
"alors que la mère de la victime d'un crime de viol ne subit personnellement aucun préjudice découlant directement de cette infraction et n'est donc pas recevable à se constituer partie civile du chef de ladite infraction" ;
Attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation du procès-verbal des débats, ni d'aucunes conclusions ou demande de donner acte, que l'accusé ait contesté, devant la cour d'assises, la recevabilité de la constitution de partie civile de Jocelyne Y... ; qu'il ne saurait être admis à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
Qu'en cet état, le moyen doit être déclaré irrecevable ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Malibert conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Zambeaux, Dardel, Hébrard, Fabre conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;