AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf décembre mil neuf cent quatre vingt onze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GONDRE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
Y... Jean-Claude,
X... José,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 1990, qui, pour infractions à la législation sur les courses de chevaux, les a condamnés Jean-Claude Y... à la peine de 15 000 francs d'amende, José X... à la peine de 10 000 francs d'amende, a prononcé la confiscation des sommes saisies ainsi qu'une amende fiscale, et a statué sur les intérêts civils ; d
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit en demande, commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 400 et 512 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas la publicité de l'audience du 19 décembre 1989 durant laquelle se sont déroulés les débats au fond ;
"alors que selon l'article 400 du Code de procédure pénale rendu applicable en cause d'appel par l'article 512 du même Code, les audiences sont publiques ; que l'omission de cette constatation substantielle prive l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que celui-ci a été rendu par la cour d'appel statuant publiquement ; qu'une telle mention générale constate non seulement la publicité de l'audience où la décision a été rendue mais aussi celle des audiences précédentes où ont eu lieu les débats ;
Que, dès lors, le moyen, qui manque par le fait sur lequel il entend se fonder, doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 4 de la loi du 2 juin 1891, 55 du Code pénal, 2, 3, 388 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... et Y... coupables d'avoir confié et engagé des paris hippiques auprès de cinq bookmakers et les a condamnés, solidairement avec ces derniers et leurs intermédiaires, à réparer le préjudice subi par le PMU et le Trésor public dont le montant a été déterminé en fonction de la masse des enjeux recueillis de 1985 jusqu'au mars 1988 ;
"alors, d'une part, que l'infraction consistant à engager ou à confier des paris à des bookmakers ou à leurs intermédiaires, quoique qualifiée de cas de complicité des infractions commises par ces derniers, constitue en réalité un délit spécial ayant d une existence propre et n'exigeant pas nécessairement un fait principal punissable ; que de surcroît, les infractions commises par les
parieurs ne procèdent pas de la même conception et ne sont pas déterminées par la même cause et le même but que celles consistant à recueillir les paris et ne présentent donc aucun lien de connexité avec ces dernières de sorte qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 55 du Code pénal ;
"alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'en déclarant X... et Y... solidairement tenus à réparer le préjudice subi par le Trésor public et le Pari Mutuel Urbain et déterminé à partir des enjeux recueillis par les bookmakers de 1985 jusqu'au 4 mars 1988 tout en constatant qu'ils n'avaient engagés des paris que durant les 18 derniers mois et à concurrence seulement de sommes très modiques, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors enfin, que le montant des réparations civiles a été calculé à partir de la masse des enjeux clandestins dont la somme avait été évaluée par le sous-directeur des courses et des jeux dans un rapport en date du 1er juin 1988 à un total de 4 590 800 francs, recueilli de 1985 à 1987 ; qu'en statuant ainsi, la Cour, dont la saisine était limitée aux infractions commises courant 1986, 1987 et jusqu'au 4 mars 1988, a méconnu les limites de sa saisine et excédé ses pouvoirs ;
"alors, en outre, que le préjudice relatif aux enjeux des paris clandestins recueillis au cours de l'année 1985 ne peut pas résulter directement des infractions reprochées aux prévenus qui auraient été commises ultérieurement, au cours des années 1986, 1987 et 1988" ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que pour déclarer Jean-Claude Y... et José X... coupables d'infractions à la législation sur les courses de chevaux, et les condamner solidairement avec d'autres prévenus à réparer le préjudice subi par le Trésor public et le Pari Mutuel Urbain, les juges constatent que des bookmakers, opérant en équipe dans la région de Marseille, recevaient des paris clandestins, tant par l'intermédiaire d'établissements ouverts au public que par téléphone ; qu'ils relèvent la participation des susnommés comme joueurs pour des montants importants depuis dix-huit mois ; d
Qu'ils observent que le total des sommes recueillies illicitement, tel qu'il a été déterminé par l'enquête de police et qu'il est repris comme base de calcul par les parties civiles, correspond à la masse minimale des enjeux pour la période concernée par la prévention, de 1986 au 4 mars 1988 ; qu'ils concluent que les demandes de ces parties, dont les montants ont été fixés à partir de pourcentages légaux affectés à la masse précitée, sont fondées ; qu'ils ajoutent que les prévenus étant condamnés, en raison des mêmes faits, tous sont tenus solidairement des restitutions et des dommages-intérêts, qu'ils soient bookmakers, intermédiaires ou joueurs ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que
dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Gondre conseiller rapporteur, MM. Soupe, Hébrard, Hecquard, Culié, Pinsseau, Jorda conseillers de la chambre, MM. Bayet, de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;