LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie Générale de Banque City-Bank (ex SOFICAM), société anonyme, dont le siège social est à Paris (17ème), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 novembre 1989 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8ème chambre), au profit :
1°/ de la société à responsabilité limitée Daher France, dont le siège est ... (Bouches-du-Rhône),
2°/ de M. X..., syndic du règlement judiciaire de la société à responsabilité limitée Daher France, demeurant à Marseille (Bouches-du-Rhône), 22, Cours Pierre Puget,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 28 janvier 1992, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Y..., Mme A..., MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Z..., Mme Geerssen, conseillers référendaires, M. Jéol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de Me Jacques Pradon, avocat de la compagnie Générale de Banque City-Bank, de Me Blanc, avocat de la société Daher France et de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Jéol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt déféré que la société Daher France, dont la liquidation des biens a été prononcée le 29 juin 1983, était titulaire, dans les livres de la Soficam, aux droits de laquelle se trouve la société Compagnie générale de Banque City Bank (la banque), d'un compte courant qui a été clôturé le 31 mars 1983 ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la créance de la City Bank admise au passif de la société Daher France au titre du montant du solde débiteur du compte courant de cette société devait être fixée en incluant des agios calculés non pas à un taux conventionnel, mais au taux d'intérêt légal tel qu'en vigueur à l'époque et a ordonné une mesure d'instruction pour fixer la dite créance sur cette base, alors, selon le pourvoi, que la convention de découvert et l'acceptation d'un solde débiteur ne constituent pas une convention de prêt, en sorte que la cour d'appel n'a pu faire application de l'article 1907, alinéa 2 du Code civil pour calculer les intérêts dus sur le dit solde qu'en violation, par fausse application, de ce texte ; Mais attendu que la règle en vertu de laquelle le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, prescrite pour la validité même de la stipulation d'intérêt, est d'application générale, et qu'il ne peut y être dérogé en matière d'intérêts afférents au solde débiteur d'un compte courant, sauf à ce que, à l'égard de ces intérêts, ses effets ne remontent pas au-delà de la date d'entrée en vigueur du décret du 4 septembre 1985, qui a déterminé le mode de
calcul du taux effectif global lorsqu'il s'agit d'un découvert en compte ; que la cour d'appel a donc fait l'exacte application de l'article 1907, alinéa 2, du Code civil ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ; Mais sur les seconde et troisième branches du moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 1907, alinéa 2, du même code, les articles 4 de la loi du 28 décembre 1966 et 2 du décret du 4 septembre 1985 ; Attendu que, pour statuer ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de convention écrite de taux d'intérêts, il n'était pas permis de déduire un acquiescement tacite du simple comportement négatif du titulaire du compte qui n'a pas disposé, à la seule lecture des relevés périodiques, de l'ensemble des éléments indispensables à la détermination de taux d'intérêts effectivement pratiqué ; qu'en effet, les relevés de compte et les documents justificatifs des prélèvements d'agios (échelle d'intérêts, tickets d'agios, etc...) ne permettaient pas au titulaire du compte d'être valablement renseigné sur les conditions d'intérêts ; que le défaut de protestation du titulaire du compte ne pouvait être significatif que si les relevés faisaient apparaître clairement le taux global appliqué, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, s'agissant d'intérêts échus avant l'entrée en vigueur du décret du 5 septembre 1985, la réception sans protestation ni réserve des relevés qui lui étaient adressés suffisait à établir l'acceptation tacite, par
la société Daher France, du taux d'intérêt appliqué aux soldes débiteurs du compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS :
-d CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne la société Daher France et M. X..., ès qualités, envers la compagnie Générale de Banque City-Bank, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;