CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurances Cigna France, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, du 12 avril 1991, qui, dans la procédure suivie contre Yoann X... du chef de défaut de maîtrise et contre Daniel Y... des chefs de blessures involontaires, défaut de maîtrise et excès de vitesse, a prononcé sur les intérêts civils après relaxe des prévenus par les premiers juges.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit qu'en raison de la faute qu'il avait commise, X... ne serait indemnisé de son préjudice par Y... qu'à concurrence de la moitié, tout en considérant que ce dernier pouvait prétendre au remboursement par X... des deux-tiers de son propre préjudice ;
" aux motifs que Daniel Y... a commis la contravention d'excès de vitesse, ce qui a réduit le contrôle de son véhicule ; que la contravention de défaut de maîtrise est ainsi établie ; que ces fautes d'inobservation des règlements commises par Y... ont nécessairement concouru aux dommages subis par Claire Z... et Yoann X... ; que de son côté ce dernier avait franchi l'axe médian non matérialisé de la chaussée pour occuper une partie du couloir de circulation inverse : qu'en manoeuvrant ainsi, il avait manqué de maîtrise dans la conduite de son véhicule et par sa faute a involontairement causé des blessures à Claire Z... ; que si, en vertu des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, Daniel Y... impliqué dans l'accident doit en principe indemniser Yoann X..., la faute de manque de maîtrise commise par celui-ci est la cause principale de l'accident ; qu'elle doit conduire à limiter son indemnisation dans la proportion de 50 % ; que dans ces conditions, l'indemnisation de la compagnie Cigna sera diminuée de moitié en raison de la faute de Yoann X... ; que si, en principe, X... doit indemniser Y... des dommages qu'il a subis, les fautes de vitesse excessive et manque de maîtrise commises par celui-ci doivent conduire à réduire son indemnisation qui sera limitée au deux-tiers du préjudice ;
" alors que dans la mesure où la faute de X..., déclaré coauteur de l'accident avec Y..., était retenue dans la proportion de la moitié, ce qui limitait l'indemnisation de l'intéressé à 50 % de son préjudice, parallèlement celui-ci ne pouvait être condamné à indemniser son coauteur au-delà des limites de ce partage de responsabilité ; que dès lors, en condamnant X... à prendre en charge les deux-tiers du préjudice subi par Y..., la cour d'appel qui a statué par des motifs contradictoires, a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, lorsque deux personnes ont, par leurs seules fautes conjuguées, causé réciproquement des dommages, soit à elles-mêmes, soit à leurs commettants respectifs, le partage de responsabilité qui en résulte ne peut être instauré que dans une proportion unique ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'une collision s'est produite entre l'automobile de Yoann X... et un camion de la société Fruimer, conduit par son préposé Daniel Y... ; qu'il en est résulté pour l'automobiliste des dommages corporels et matériels, partiellement indemnisés par son assureur la compagnie Cigna France, et pour la société Fruimer un préjudice matériel ; que Yoann X... a été poursuivi notamment pour défaut de maîtrise, et Daniel Y... pour blessures involontaires, défaut de maîtrise et excès de vitesse ;
Attendu qu'après avoir retenu contre chacun des conducteurs la ou les fautes qui lui étaient reprochées, la juridiction du second degré, statuant sur les actions civiles respectivement exercées par Yoann X... contre le conducteur du camion et son employeur et par la société Fruimer contre l'automobiliste, condamne, d'une part, Daniel Y... et la société Fruimer à indemniser Yoann X... et la compagnie Cigna France dans la limite de 50 % des dommages subis, d'autre part, Yoann X..., sous la garantie de son assureur, à indemniser la société Fruimer dans la limite des deux-tiers de son préjudice ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 12 avril 1991, mais seulement en ses dispositions afférentes à la réparation des dommages soufferts par Yoann X... et par la société Fruimer, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.